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Lourdes, lentes, disparues…

Le poème du dimanche


Lourdes, lentes, disparues…
L'écrivain André Hardellet aux Deux-Magots à Paris le 22 janvier 1974 © AFP PHOTO.

Un poème en hommage à André Hardellet, mort à l’été 1974. L’érotisme de son livre, Lentes, lourdes…, publié en 1969, aurait choqué en haut lieu.


Ce poème inédit fait partie du recueil Là où dansent les éphémères qui a réuni 108 poètes d’aujourd’hui, paru aux éditions Le Castor Astral à l’occasion du 24ème Printemps des Poètes en 2022. Cette anthologie a été composée par Jean-Yves Reuzeau. Y figurent notamment Arthur H, Patrice Delbourg, Marie Modiano, Éric Naulleau, Valérie Rouzeau ou Thomas Vinau.

Sein bas et las, de ces peaux distendues, au sommeil vermeil

Des mains hardies ne reverront plus

Seine, département supprimé des calendriers

Eau de Seltz, zinc piqué, ô Quinquina au comptoir dépoli

Mon beau Stradair épuisé gît sur le pavé

Emplis de foudres, des Quais s’élèvent à la peine

Châteaux en Espagne d’une banlieue poissarde

Le gris lui allait si bien, archimandrite des bas quartiers

Des remugles de tapioca, impromptu des gamelles, sur toile cirée

Lessiveuses de Pantin au petit matin ; Hirondelles en crevaison

Bercy, Charenton, Vincennes giclent de ma mémoire essorée

Miles à la trompette, la Mouffe, mon piton doré, Solutré des égarés

Dans cette chaleur des gens de peu

Dans l’inconfort vigoureux

Mamelon rageur, indécence toute parisienne, à la circonférence huileuse

Élan duveteux des périphéries incertaines

Des lainages trop encombrés me reviennent

Des plénitudes en cotonnade, maousse et fébriles

Viscose, rayonne aux reflets cuivrés, alambic des temps impurs

Tant de corsages arquaient mes promenades imaginaires

Juteuse saveur équivoque, souffle court, accélérations soyeuses, puis céleste abandon

De cette taquine ivresse, mes nuits se souviennent

Á lèvres touchantes, des lourdeurs paysannes, caresses de truites bombées

La rue, la rivière, le fouet des fougères échevelées, matelas improvisé, sans cesse renouvelé

Tapisserie à l’infini, organdi d’émois à deux

Le don, oui, oui, oui, l’ardeur et la charité, miracle des jeunes corps repus

De ces victoires nues sur parquet brûlant

De ces communions passagères, pacte du plaisir gratuit

C’est si loin maintenant

J’étais si prompt, si impatient à capturer le suc de mes pensées

Paris m’a trahi

Le chant des Buick goulues s’est éloigné

Les rires, le chahut, les flacons, la sueur en partage, tout a disparu

Je n’entends qu’offense et distance

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Journaliste et écrivain. A paraître : "Et maintenant, voici venir un long hiver...", Éditions Héliopoles, 2022

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