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Le socialisme suisse : un oxymore dévastateur


Le socialisme suisse : un oxymore dévastateur

Dans l’univers impitoyable de la francophonie en effervescence, il serait injuste de focaliser notre attention sur nos seuls amis wallons, au motif qu’ils se débattent dans la crise terminale de l’Etat belge. A quelques encablures de ce coin de France d’où j’observe le monde et les hommes, la République et Canton de Genève est la porte d’entrée dorée de la Suisse romande. Cette dernière rassemble près d’un million de locuteurs français dans la Confédération helvétique.

Contrée prospère grâce aux qualités industrieuses de ses habitants, à une neutralité la mettant à l’abri des guerres, et à la légendaire discrétion de ses institutions financières, cette Romandie bucolique n’a pas moins hérité de son histoire une gauche socialiste et même communiste. Ces formations obtiennent encore aujourd’hui des scores non négligeables dans les centres urbains, notamment à Genève. La fidélité des Suisses à une famille politique est affaire de tradition familiale plus que d’intérêts de classe ou d’idéologie.

Au niveau confédéral, la composition du gouvernement de Berne obéit toujours à la fameuse « formule magique », en vertu de laquelle le pouvoir exécutif est confié à un directoire de sept membres reflétant à la fois l’équilibre politique et la diversité linguistique du pays. Les principaux partis, de droite et de gauche, y sont donc représentés, les postes ministériels et la présidence de la Confédération étant soumis à une tournante (en tout bien tout honneur, bien sûr). Seul un séisme électoral, qui priverait le Conseil fédéral de sa représentativité, pourrait conduire à une révision de la sacro-sainte formule magique : c’est dire l’importance que les Suisses attachent aux élections générales (alors qu’ils raffolent des votations organisées sur les sujets les plus improbables).

Deux socialistes (en général un(e) germanophone et un(e) francophone) participent depuis des décennies à cet exécutif.

Reste à savoir à quoi peut bien servir un Parti socialiste dans un tel contexte, dont l’alternance est exclue, et où il n’est pas question de remettre en question la prééminence, dans la conduite du pays, des partis que l’on qualifie délicieusement de « bourgeois » – ce qui signifie « de droite ».

Parti socialiste suisse ? C’est le plus bel oxymore politique européen, tout aussi baroque que le Parti révolutionnaire institutionnel mexicain ! Comment voulez-vous faire avancer la cause du socialisme, même dans sa version rose pâle, avec un peuple qui a refusé, lors d’un référendum d’initiative populaire, de réduire la durée hebdomadaire légale du travail de 42 à 40 heures, comme il avait rejeté il y a quelques années l’instauration d’un congé-maternité ?

Dans ces conditions, les héritiers suisses de Jaurès et Liebknecht n’ont plus que la politique étrangère pour redorer leur blason révolutionnaire. Aussi les socialistes les plus convenables prennent-ils vaillamment fait et cause pour tous ceux qui prétendent lutter, dans le tiers-monde, contre le grand Satan américain et ses valets.

On connaissait déjà l’ineffable Jean Ziegler, ancien député socialiste et rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation, adorateur de Fidel Castro et lécheur régulier des babouches de Mouammar Kadhafi. On découvre maintenant Micheline Calmy-Rey, qui occupe actuellement le poste de ministre des Affaires étrangères de la Confédération. Cette dame qui s’était déjà montrée couverte d’un tchador lors d’un voyage controversé à Téhéran en mars dernier vient de se signaler à nouveau en se déclarant prête à s’asseoir à la table d’Oussama Ben Laden : « le refus du dialogue est toujours stérile, a-t-elle expliqué, y compris avec des gens réputés infréquentables. »

Imaginons-nous un instant sous la table d’un palace genevois où Mme Calmy-Rey aura mis son projet à exécution (toujours en tout bien tout honneur). Correctement entchadorée, elle accueille le chef d’Al Qaïda :

– M.C-R : Votre Excellence a-t-elle fait bon voyage ?
– Ben Laden : …
– M.C-R (ramenant à elle sa main tendue que le barbu refuse de toucher) : Thé ou café ?
Ben Laden intime l’ordre à ses sbires de lui verser du thé provenant de sa propre théière.
– M.C-R : A propos du terrorisme…..
Ben Laden se lève théâtralement et fait mine de quitter les lieux avec sa suite.
– M.C-R : Non… Non ne partez-pas, de grâce, c’est un malentendu ! Je voulais juste m’enquérir de vos sentiments sur les agissements terroristes des Occidentaux en Irak, en Iran, en Afghanistan et en Palestine…
Ben Laden fait demi-tour et se rassoit, l’air toujours contrarié. Il chuchote quelques mots en arabe à l’oreille de son secrétaire-traducteur.
– L’interprète : le cheikh Oussama a une faveur à vous demander.
– M.C-R : Si je… pardon, si la Confédération helvétique peut vous être utile, ce sera avec plaisir…
L’interprète présente à la ministre une valise de bonne taille, griffée Vuitton, pourvue d’une serrure à combinaison chiffrée
– L’interprète : Le Cheikh Oussama vous serait très reconnaissant d’apporter en personne cette valise à l’adresse indiquée sur l’étiquette. Ils sont prévenus.
– M.C-R (lisant l’étiquette) : Au siège de l’UBS ? Pas de problème, c’est sur mon chemin. Quoi d’autre pour votre service?
– Ben Laden: Khlass ! C’est pas tout ça, mais il se fait tard et il faut encore acheter des couteaux suisses pour les enfants.



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