Vous vous rappelez : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi… » (Montaigne, Essais, I, 28 — « De l’amitié »)
Comme je suis un grand paresseux, j’ai passé l’été à travailler mes cours de l’année à venir. En particulier, sur le programme imposé en classes prépas scientifiques — renouvelé chaque année.
À savoir, le Discours de la servitude volontaire, les Lettres persanes et Une maison de poupée, trois œuvres majeures rassemblées sous l’intitulé « Servitude et soumission ».
On sait que l’Inspection générale, à qui le ministre ne laisse presque plus rien à faire depuis que tout se décide à la DGESCO où l’inépuisable et irremplaçable Florence Robine joue le rôle effacé de vrai ministre pendant que l’autre papillonne devant les écrans télé, a un strict devoir de réserve. Ce qu’elle a à dire, elle l’exprime par la bande — en l’occurrence par les programmes, étant entendu que ce que l’on fait en classes préparatoires — tous des enfants de bourgeois — n’intéresse guère un ministère qui se penche avec sollicitude sur l’art et la manière d’abrutir le plus grand nombre possible d’élèves dans le minimum de temps.
Trois œuvres sur la tyrannie. Montesquieu s’intéresse autant à l’exercice du pouvoir par ce « vieux » roi de France qu’était Louis XIV en 1714 qu’à la domination d’un sultan sur son harem : c’est le thème à proprement parler romanesque qui court dans les Lettres persanes, et qui explose dans les dernières pages en une splendide révolte des courtisanes contre leur seigneur et maître — serait-il possible que des femmes en pays d’islam ne se sentent pas libres ? J’en ai parlé par ailleurs. Ibsen met en scène la révolte d’une femme contre la tyrannie de son mari — ah bon, le modèle scandinave tant vanté ne serait finalement pas si libéral que cela ? Quant à La Boétie, il a rédigé à 18 ans (j’ai commencé par là : vous voyez, les p’tits, ce qu’écrivait un garçon de votre âge il y a cinq siècles, et maintenant réfléchissez à la façon dont le niveau monte sans cesse) l’une des études les plus exemplaires sur les mécanismes de la dénaturation de l’homme par la tyrannie. Les Protestants, premiers éditeurs de l’œuvre après la mort précoce de l’auteur, l’avaient re-titrée « le Contre Un », et en avaient fait un brûlot anti-monarchique. C’était sans doute forcer un peu le sens, mais l’époque s’y prêtait : le juriste préféré de La Boétie, Anne de Bourg, celui qui lui a enseigné le Droit, avait eu le tort d’adhérer à la Réforme et a été condamné au bûcher en 1559 — par égard pour sa condition d’universitaire, on a bien voulu l’étrangler avant de le passer au feu.
Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli.
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