Kurdes: l’heure de la revanche?


Kurdes: l’heure de la revanche?

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NDLR : Cet article a été rédigé avant les élections législatives turques du week-end dernier.

« Erdogan assassin ! »« A bas le régime fasciste en Turquie ! »« Nous sommes tous PKK ! » Dans les rues du dixième arrondissement de Paris, une procession d’une cinquantaine de militants kurdes pleure ses morts. Parti du Centre démocratique du Kurdistan, réputé proche du Parti des travailleurs kurdes (PKK) et sis 16 rue d’Enghien, le cortège, majoritairement féminin, défile jusqu’à la succursale du 147 rue La Fayette. Sur les lieux mêmes où ont été froidement assassinées trois militantes kurdes le 9 janvier 2013. Une affaire d’Etat (voir encadré 1) qui fait désordre dans la capitale d’un pays abritant pas moins de 250 000 Kurdes, exilés ou leurs descendants. Si les militantes éplorées arborent des bandeaux noirs en signe de deuil, c’est aussi parce que, quelques jours plus tôt, le 10 octobre, la mort a frappé 97 de leurs camarades à Ankara, quand des kamikazes se sont fait exploser au milieu d’une manifestation pacifique du HDP, vitrine légale du PKK (voir encadré 2).

Yekbun, cofondateur de l’Union des étudiants kurdes de France, dans la mouvance du PKK et du HDP, voit la main des services turcs derrière l’attentat du 10 octobre que, pour sa part, le gouvernement « islamo-conservateur » d’Erdogan a successivement imputé à l’extrême gauche, au Parti communiste, aux Kurdes eux-mêmes, puis aux djihadistes de Daech. « Erdogan a fait tuer les Kurdes pour dire à l’électorat : « Voilà ce qui se passera si vous votez HDP«  », accuse Hamo, jeune d’Aubervilliers à peine sorti de l’adolescence.[access capability= »lire_inedits »] « Il veut semer le chaos et se poser en seul recours », renchérit son aîné Cihan. Il se trouve en outre que le 20 juillet dernier, des kamikazes avaient utilisé le même modus operandi pour tuer 34 militants kurdes à Suruç, une bourgade anatolienne limitrophe de la Syrie[1. La presse turque a révélé que l’un des kamikazes de l’attentat d’Ankara n’est autre que le frère d’un kamikaze de l’attaque de Suruç.]. Drôle de coïncidence, l’armée turque s’engageait dans la foulée à – enfin – combattre l’Etat islamique, tout en rompant la trêve avec le PKK. Pourtant, depuis 2012, Erdogan avait amorcé un processus de paix et engagé des pourparlers avec l’indépendantiste kurde Abdullah Öcalan, fondateur du PKK emprisonné à vie depuis 1999. Pourquoi le président turc a –t-il brusquement changé de braquet ?

Accumulant les plébiscites depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002, élu dès le premier tour à la présidentielle de 2014, Erdogan s’est cassé les dents aux législatives de juin dernier. « Il a perdu le vote kurde l’an dernier, lorsqu’il a déclaré « Kobané[2. Entre juillet 2014 et juin 2015, la ville de Kobané, au nord de la Syrie, a été le théâtre de plusieurs offensives des djihadistes de Daech, que les combattants kurdes YPG (liés au PKK) ont repoussé avec le soutien de l’aviation américaine.] doit tomber« , comme s’il souhaitait que l’Etat islamique prenne la ville. Jusque-là entre 15 % et 20 % des Kurdes de Turquie votaient AKP », m’explique Yekbun. En juin dernier, l’AKP a perdu la majorité absolue au Parlement, tandis que le parti kurde HDP (Parti démocratique des peuples) du jeune et charismatique Selahattin Demirtas réunissait 13 % des voix grâce à une stratégie de grand front progressiste mêlant mesures sociales et revendications identitaires. Fait notable dans un pays musulman, le HDP n’a pas hésité à prendre position pour l’abolition des discriminations officielles contre les homosexuels. Son programme de gauche attrape-tout a séduit le croquant de la campagne kurde autant que le bobo d’Istanbul, si bien qu’il a empêché Erdogan d’atteindre la majorité parlementaire des deux tiers (400 députés). Avec seulement 258 fauteuils sur 550, Erdogan a donc dû (provisoirement) renoncer à la réforme constitutionnelle dont il rêvait : un régime hyper-présidentiel à la mesure de son appétit de pouvoir.

Après ce revers, Erdogan a fait échouer toutes les tentatives pour former un gouvernement de coalition et convoqué dare-dare de nouvelles élections pour le 1er novembre. Pour redorer son blason entaché en juin et dépasser sur leur droite les ultranationalistes du MHP (17 % des voix), il s’est lancé dans une surenchère nationaliste. « Comme Sarkozy l’a fait avec Le Pen en 2007, ironise Yekbun. À entendre Erdogan, on dirait que les négociations avec Öcalan n’ont jamais existé !» Rétrospectivement, le lointain successeur d’Atatürk semble avoir instrumentalisé le dialogue avec les Kurdes, tout comme les négociations avec l’Union européenne, au service de ses intérêts politiques du moment. En Machiavel néo-ottoman, Erdogan n’aurait a priori aucun scrupule à laisser passer les djihadistes vers la Syrie d’une main, tout en réprimant les Kurdes, avec lesquels il négociait la veille, de l’autre.

Dans un parallèle intéressant avec la stratégie de la tension dans l’Italie des années de plomb, le professeur de langue et de civilisation kurdes Gérard Gautier part du principe que « le gouvernement turc est soit directement coupable de l’attentat d’Ankara soit coupable de négligence ». Les kamikazes d’Ankara auraient ainsi pu directement être manipulés par l’Etat profond, dont des pans entiers ont été gagnés par l’islamisme. Par Etat profond, les spécialistes de la politique turque désignent l’ensemble des réseaux occultes qui accomplissent généralement les basses œuvres de l’appareil d’Etat : militaires et barbouzes ultranationalistes, islamistes manipulés, militants kurdes retournés, etc.

En devenant encore plus nationaliste et antikurde que ses adversaires kémalistes, « l’AKP s’est coulé dans le patrimoine génétique ottoman », constate le professeur Gautier. Le positionnement « islamo-kémaliste » d’Erdogan lui donne l’espoir de ratisser large car, selon Tancrède Josseran, spécialiste de la Turquie, attaché de recherche à l’Institut de stratégie comparée, « depuis les années 1980, se développe un continuum islamo-nationaliste ». Résultat, poursuit-il : « Pour la première fois depuis Atatürk, le sommet de l’appareil d’Etat a réintégré l’islam dans le récit national turc. » C’est tout le sens de l’immense meeting qu’Erdogan a organisé au Zénith de Strasbourg le 4 octobre dernier devant 12 000 expatriés agitant des drapeaux au croissant. Aux cris d’« Allahou akbar ! », ce pieux public acquis d’avance – et dûment séparé entre hommes et femmes – a prié en l’honneur du président égyptien déchu Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, avant de promettre d’« éradiquer le terrorisme [du PKK] dans les urnes ». En agrégeant à son socle de 40 % du corps électoral les 17 % des ultranationalistes (MHP) et les voix son petit allié islamiste le Parti du Bonheur, le Président Erdogan espère rassembler 60 % de la population turque au sein d’un bloc conservateur sunnite islamo-nationaliste excluant les minorités kurdes et alévies.

En dépit de ses tentations autocratiques, le chef de l’Etat turc n’a pas forcément choisi la politique de la terre brûlée. Quelle que soit l’implication d’une partie de l’appareil de sécurité dans l’attentat d’Ankara, il n’est pas certain qu’Erdogan soit prêt, à seule fin de gagner des voix, à déstabiliser un pays déjà fragilisé, notamment par la guerre en Syrie.

Aussi Gérard Gautier croit-il possible l’implication dans l’attentat d’Ankara des islamistes kurdes du Hüda partisi (Parti de Dieu, anciennement appelé Hizbullah). Au cours des années 1990, ces fous d’Allah déçus par l’islamisme mainstream ont accompli les basses besognes de l’Etat profond. Protégés par la police, ces hommes de main des ultranationalistes aspiraient certes à créer un Kurdistan indépendant sur des bases islamistes, mais ils étaient prêts à s’allier provisoirement avec les services turcs contre l’ennemi prioritaire qu’était le PKK. Ces dernières années, tout en maintenant leurs liens avec le parti d’Erdogan, les militants du Hüda partisi ont grossi les rangs des volontaires partant de Turquie pour le djihad au sein de l’Etat islamique. Un chaînon manquant entre les services turcs et Daech qui pourrait accréditer la thèse officielle turque, incriminant l’Etat islamique, à une nuance près : les forces de sécurité  s’étant retirées de la manifestation quelques minutes avant le drame, la piste d’une complicité au moins passive de certaines branches de l’appareil d’Etat paraît sérieuse.

Quant au scénario schizoïde et complotiste d’un carnage que les autonomistes kurdes se seraient infligés à eux-mêmes pour mieux se victimiser, il est peu vraisemblable dès lors que le PKK (dont les cibles sont généralement militaires ou politiques) a décrété un cessez-le-feu unilatéral au lendemain de l’attentat.

Quelle que soit l’hypothèse retenue, un écheveau de fils indémêlables nous catapulte en plein roman d’Orhan Pamuk, l’auteur du somptueux Neige, récit d’un coup d’Etat militaire anti-islamiste dans une ville d’Anatolie. Entre les islamistes vendus aux nationalistes, les Kurdes laïcs ou barbus, sans parler d’un gouvernement membre de l’Otan complice passif de Daech, on finit par ne plus savoir qui fait quoi ni qui manipule qui.

Les amis manichéens de la cause kurde seraient sans doute circonspects s’ils entendaient  Gérard Gautier : «Certes, la lutte armée a permis de faire émerger la question kurde et de sortir du déni. Dans les années 1990, le discours officiel turc consistait à dire « On n’a pas de Kurdes en Turquie« . Mais il ne faut pas oublier que le PKK a construit sa puissance en assassinant les leaders des autres partis kurdes. » On m’avait prévenu, le Centre kurde (pro-PKK) n’a pas très bonne presse à l’Institut kurde… et réciproquement. « Ils cachent leurs activités politiques derrière un programme culturel. En fait, ils ont fait mauvaise pioche en choisissant de rouler pour le PDK depuis des années et sont en train de changer leur fusil d’épaule », m’avait soufflé un militant PKK parisien pour mieux discréditer l’Institut pourtant apolitique. Même s’il ne touche pas un centime du gouvernement régional du Kurdistan irakien (GRK), autonome depuis 1991[3. Après le soulèvement des Kurdes d’Irak, que Saddam Hussein a réprimés dans le sang et le gaz, l’ONU vote un couloir d’exclusion aérienne rendant le nord du pays autonome de facto.], l’Institut kurde souffre d’un amalgame constant avec le PDK au pouvoir à Erbil, au point que «l’Etat français veut nous couper les vivres sous prétexte qu’il y aurait un Kurdistan irakien indépendant. Du coup, on travaille avec notre bite et notre couteau ! », s’exclame Gérard Gautier.

Pour le néophyte, les guerres picrocholines intra-kurdes s’apparentent aux bisbilles de jadis entre tribus trotskistes, quand lambertistes et pablistes s’étaient mutuellement juré de se faire la peau. Mais entre le PKK et le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), se joue bien davantage qu’une querelle de chapelle : un conflit culturel entre Kurdes de Turquie et d’Irak.

« Quand je parle à un Kurde d’Irak, j’ai l’impression d’avoir affaire à un Arabe », me glisse un militant parisien du PKK. Dans la bouche de ce fils d’immigrés kurdes de Turquie, le mot semble synonyme de fruste. Passant de la culture à la politique, et vice-versa, ce fin lettré me décrit le gouffre qui sépare le kurmandji[4. Dans les années 1920, sous le mandat français en Syrie, des nationalistes kurdes ont élaboré un alphabet latin-kurde avec trois lettres supplémentaires, dans le sillage des réformes linguistiques d’Atatürk. Depuis, le Kkurmandji est devenue la langue des 60 % des kurdophones.] – qu’emploient 60 % des Kurdes, en Turquie et en Syrie) écrit avec l’alphabet latin –, du sorani, utilisant l’alphabet arabe parlé par les Kurdes d’Irak et d’Iran). Deux langues aussi éloignées l’une de l’autre que le français et l’italien, l’usage de l’alphabet latin revêtant une coloration plus progressiste aux yeux de certains de ses locuteurs. Très hostile au gouvernement régional kurde (GRK) d’Irak dominé par le PDK, il prétend que son chef Massoud Barzani a fait n’importe quoi : « Il a d’abord vendu des armes à Daech, avant d’appeler le PKK à la rescousse et n’a aucune politique sociale » malgré ses moyens financiers gonflés par l’aide américaine. « Et c’est une caution, qui permet à la Turquie, aux Américains et aux autres de dire qu’un Etat kurde indépendant existe déjà », fulmine mon interlocuteur.

Sans nécessairement ajouter  foi à ces accusations, on peut comprendre les griefs que les compagnons de route du PKK adressent à leurs frères ennemis du PDK. Ces derniers n’ont-ils pas, dès 2002, scellé un pacte militaire anti-PKK avec Erdogan ? Et aujourd’hui, les autorités kurdes irakiennes exigent le démantèlement des bases militaires du PKK, qu’elles hébergent depuis qu’elles sont bombardées par l’aviation turque, « alors que nos combattants ont sauvé les yazidis du massacre et tiré le PDK de la déroute face à l’Etat islamique », s’indigne Hamo, l’adolescent d’Aubervilliers. Ses camarades opposent volontiers le modèle d’Etat-nation vieillissant (voir encadré 3) que représente le gouvernement autonome du Kurdistan irakien à l’expérience de « confédéralisme démocratique » que le PKK expérimente au Rojava (Kurdistan syrien). Une sorte de paradis conseilliste, inspiré par des théories d’ultragauche, où les détenteurs de l’autorité seraient directement révocables par le peuple. Mais le professeur Gautier ne croit pas à la légende dorée du Rojava. Tandis que les YPG (bras armé du PKK local) auraient désarmé les autres milices kurdes, plusieurs tribus arabes de la région, en bisbilles avec les factions kurdes, se sont ralliées à l’Etat islamique. Certes, d’après Yekbun, de l’Union des étudiants kurdes de France, il y a encore des unités arabes qui se coordonnent avec les brigades YPG, mais il concède que pour en finir avec le séparatisme ethnique, il faudra « rééduquer le peuple ».

Dans les prochains mois, l’avenir de la cause kurde se jouera donc à la fois au sommet des collines syriennes et sur la scène politique turque. Devant la grande offensive russe en Syrie, les militants parisiens du PKK sont perplexes. Hamo a l’innocence de la jeunesse : « Seul Poutine a le courage de tenir tête à Erdogan. » Il soutient les bombardements russes bien qu’ils frappent également les zones du nord d’Alep tenues par les quelques « opposants démocrates syriens » alliés aux Kurdes de la région. Dans leur foyer historique de la Djeziré, les troupes YPG montrent un grand pragmatisme puisqu’elles co-administrent la ville de Hassaké avec le régime baathiste de Damas qui a si longtemps privé les Kurdes de nationalité et de papiers d’identité. Cette politique d’alliance à géométrie variable rend Hamo philosophe : « Notre dernier espoir, c’est que le Parti communiste prenne le pouvoir en France », s’amuse-t-il en saluant les positions courageuses de Pierre Laurent sur la question kurde.

À l’heure où j’écris ces lignes, les urnes turques n’ont pas encore rendu leur verdict. Si l’on en croit les sondages, l’AKP devrait peu ou prou graviter autour de 40 % des voix, ce qui priverait Erdogan de majorité absolue et le condamnerait du même coup à partager le pouvoir. Pour des raisons arithmétiques, il est peu probable qu’une grande alliance anti-islamiste entre kurdes (HDP) et kémalistes (CHP) parvienne à donner naissance à un gouvernement de coalition, bien que les héritiers d’Atatürk aient mis beaucoup d’eau dans leur vin nationaliste. L’électorat progressiste et modernisé des kémalistes a perdu la bataille des idées, mais aussi la bataille démographique : un « grand remplacement » s’opère en défaveur de l’Ouest « blanc » de la Turquie qui fait moins d’enfants que les Turcs « noirs » conservateurs. Au grand bénéfice de l’AKP.

Aussi opportuniste soit Erdogan, on le voit mal former une majorité alternative avec les Kurdes. À moins de vouloir enfoncer la Turquie dans un vide institutionnel prolongé, le président de la République devra vraisemblablement composer avec les ultranationalistes du MHP, qui pourraient enfin accepter de s’allier aux islamistes « modérés ». Une nouvelle coalition sociale islamo-nationaliste, très populaire parmi le petit peuple anatolien, serait ainsi scellée et les Kurdes apparaîtraient comme les dindons de la farce.

Cependant, si le président Erdogan se risquait à une montée aux extrêmes contre le PKK, la perspective d’une grande déflagration régionale ne serait plus à exclure. Le risque alors, ne serait pas l’émergence d’un Kurdistan unifié tel que le prévoyait le traité de Sèvres (1920), mais l’explosion des frontières héritées qui entraînerait la désintégration des Etats moyen-orientaux. Et Gérard Gautier de redouter une contagion du précédent syrien : « On m’a appris qu’une guerre opposait traditionnellement deux camps. Or, si cela dégénérait dans la région, ce serait pire qu’une guerre classique : un chaos généralisé où tout le monde se battrait contre tout le monde. »

 

Triple meurtre de Paris : une nouvelle affaire Ben Barka ? (encadré 1)

Le 9 janvier 2013, Leyla Soylemez, Fidan Dogan et Sakine Cansiz étaient assassinées rue La Fayette. Leur meurtrier présumé, Omer Güney, sur lequel on a retrouvé la poudre de l’arme et l’ADN d’une des victimes, est un trentenaire appartenant à la diaspora turque et apparemment proche des milieux ultranationalistes. Infiltré au sein du HDP, il avait réussi à gagner la confiance de ses militants parisiens auxquels il servait fréquemment de chauffeur et de traducteur. De nombreux indices laissent penser que ce jeune homme a œuvré en lien étroit avec les services secrets turcs (MIT) : échanges téléphoniques, visites au parloir d’une barbouze turque, mais surtout l’un enregistrement sonore, diffusé sur Youtube en janvier 2014. On y entend deux agents du MIT discuter avec Güney de plusieurs cibles kurdes en Europe. D’après la presse turque, l’une des voix serait celle de « l’imam de la police du mouvement Gülen », puissante confrérie alors alliée à l’AKP. L’une des thèses qui circulent est que Gülen aurait commandité l’assassinat de Paris, sans qu’Erdogan ait été prévenu. Du reste,  Erdogan et Gülen ont depuis rompu avec bruit et fureur.  Dans son réquisitoire, le parquet antiterroriste de Paris parle explicitement d’assassinat politique perpétré par une branche des services de renseignements turcs. Le procès d’Omer Güney se tiendra à la Cour d’assises spéciale de Paris au début de l’année prochaine.

Les partis en présence (encadré 2) :

  • AKP : Parti de la justice et du développement, dont est issu le Président Erdogan. Au pouvoir en Turquie depuis 2002.
  • CHP : Parti kémaliste, héritier du legs laïque et moderniste d’Atatürk.
  • HDP : Parti démocratique des peuples. Au départ, simple vitrine légale du PKK, il a su élargir son électorat en s’adressant à la gauche radicale turque.
  • Hüda partisi : mouvement islamiste kurde ultraradical et violent.
  • MHP : parti ultranationaliste d’extrême droite turc, dont les membres sont surnommés les Loups gris.
  • PKK : Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne.

Kurdistan irakien : le grand méli-mélo (encadré 3) 

Depuis quelques mois, le désordre règne au Kurdistan irakien. Depuis l’expiration du troisième mandat présidentiel de Massoud Barzani fin août, cette région autonome, officiellement rattachée à l’Etat fédéral irakien, est entrée dans une période de turbulences politiques. Cependant que la dynastie Barzani (PDK) s’accroche à la tête du mini-Etat, il revient constitutionnellement au chef du Parlement d’assurer l’intérim présidentiel pendant deux mois, avant la tenue d’élections.  Mais ce dernier a été empêché de se rendre dans la capitale, Erbil, le 12 octobre, et son parti, Gorran (« Changement »), exclu de la coalition gouvernementale. L’œuvre des peshmergas du PDK, fidèles à Barzani, qui affaiblissent du même coup le seul parti kurde irakien strictement parlementaire, sans miliciens à sa solde. Plus inquiétant, des affrontements entre partisans de Gorran et du PDK ont fait cinq morts à Souleimaniyeh depuis début octobre. Longtemps dirigé par deux administrations distinctes, l’une gérée par le PDK des Barzani autour des villes d’Erbil et Dohuk, l’autre par l’UPK du clan Talabani à Souleimaniyeh, le Kurdistan irakien avait plongé dans la guerre civile et payé un lourd tribut (quatre mille morts) entre 1994 et 1998. Aujourd’hui encore, ces deux factions possèdent chacune leurs peshmergas, ce qui freine l’unification du Kurdistan d’Irak, alors que l’hydre Daech se tapit à quelques kilomètres.

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*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00654749_000031.

Novembre 2015 #29

Article extrait du Magazine Causeur



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