Communisme: Sigmund Freud répond à Jérôme Leroy


J’ai fort bien admis, grâce à Freud et par expérience personnelle, qu’on ne peut pas grand chose contre le besoin de se raccrocher à la foi communiste, et cela, perinde ac cadaver.

Ni le démenti des faits, ni les argumentations rationnelles, ni l’analyse critique du texte porteur de son idéologie criminelle.

C’est donc à destination d’autres lecteurs que les amis communistes de Causeur que je viens de publier « la première édition résolument critique du Manifeste du parti communiste », sous le titre Le Manifeste du parti communiste aux yeux de l’Histoire[1. Editions Pierre-Guillaume de Roux, 23 euros.].

En guise d’épigraphe à cet examen du texte et de ses effets pratiques inhérents, j’ai placé la blague soviétique rapportée par Svetlana Alexievitch dans La fin de l’homme rouge : « Un communiste, c’est quelqu’un qui a lu Marx. Un anticommuniste, c’est quelqu’un qui l’a compris. »

Mais comme je ne souhaite nullement sevrer les amis de Causeur qui se shootent au communisme, quitte à s’aveugler de toutes leurs forces sur la nature de leur shoot, je leur déconseille la lecture de mon analyse rigoureuse et dégrisante du texte qui les fait planer.

Et je laisse Sigmund Freud répondre, sans illusion, à Jérôme Leroy.

Voici quelques extraits d’une des Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse[2. Folio essais.] qu’il a rédigées à Vienne à l’été de 1932. Celle-ci a pour titre « Sur une Weltanschauung », terme qui signifie conception générale du monde, et qu’il applique au marxisme.

« Une fois que l’on eut reconnu l’importance énorme des conditions économiques, l’on fut tenté de ne pas abandonner leurs transformations à l’évolution naturelle, mais de les provoquer révolutionnairement. Mis en pratique dans le bolchevisme russe, le marxisme théorique a bien pris les caractères d’une conception du monde – l’énergie, la cohérence, l’exclusivisme et aussi une ressemblance étrange avec ce qu’il combat.

Lui qui devait son origine et sa réalisation à la science, qui avait été bâti sur elle et d’après sa technique, a lancé une interdiction de penser aussi inexorable que le fut, en son temps, celle de la religion. Il est interdit de critiquer la théorie marxiste, et douter de son bien fondé est un crime passible de châtiment, comme autrefois l’hérésie aux yeux de l’Église catholique. Les œuvres de Marx ont, en tant que sources de révélation, remplacé la Bible et le Coran, encore qu’elles offrent autant de contradictions et d’obscurités que ces vieux livres sacrés.

Et tout en bannissant impitoyablement tous les systèmes idéalistes et toutes les illusions, le marxisme, mis en pratique, a lui-même créé de nouvelles chimères qui ne sont ni moins douteuses ni moins indémontrables que les anciennes. Il espère pouvoir, en quelques générations, transformer la nature humaine de telle façon que les hommes puissent vivre en commun au sein d’une nouvelle organisation sans plus se heurter et en accomplissant, sans y être contraints, le travail nécessaire. »

Peut-on imaginer  un plus bel hommage à la théorie freudienne de la résistance à la vérité que le maintien de la foi communiste en 2015 sur un site de libres penseurs ?



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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