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Mots divins

Jean Pruvost publie "Dieu à travers les mots et leur histoire" (Desclée de Brouwer, 2025)


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Vatican, avril 2025 © Francisco Seco/AP/SIPA

Jean Pruvost nous propose un voyage érudit et ludique au cœur des mots liés à Dieu


Jean Pruvost est un de nos plus fameux encyclopédistes, dans les deux sens du terme : d’une part, il collectionne ou, plutôt, accumule avec méticulosité chez lui des centaines de dictionnaires et d’encyclopédies, d’autre part, fait-il œuvre d’esprit encyclopédique en déroulant sa science des mots en une farandole d’ouvrages qui n’ont peut-être, selon certains, qu’un seul défaut qui est d’avoir oublié de mettre en application ce précepte donné à ses journalistes par un ancien directeur du Monde : « faites chiant ! »

« Anecdoctes »

Son dernier livre en date consacré, comme on dit dans le jargon, aux occurrences du mot « Dieu » commence mal : il nous cite en exergue du « Jean-Luc Marion » et du « Monseigneur Claude Dagens » sur lesquels on ne s’étendra pas, si ce n’est pour dire que, tous deux de l’Académie française, oui, tous deux, à défaut d’exécration, font bien rigoler, le premier pour ses obscurités pontifiantes et gratuites dans lesquelles il se prend parfois lui-même les pieds, le second, en raison du fait que son élection dans la noble compagnie a seulement été dû à ce qu’il fut, alors, le seul haut prélat normalien et classé « intellectuel » que l’Académie avait alors sous la main…

Mais revenons au texte : en trois cents pages pleines de doctes anecdoctes, nous parcourons l’Histoire de la religiosité française de l’Antiquité (en la matière, souvent biblique, donc hébraïque) à nos jours (laïques, donc agnostiques de droit), bien que ce soit avant tout Église (la religion catholique romaine), cléricature, dévots et objets de dévotion, grenouilles, crapauds et autres animaux de bénitiers qui, – au travers des mots dont usent les siens (et ses adversaires) pour dire, louer ou blasphémer le nom de Dieu – qui nous sont ici racontés. Et, pour ce faire, c’est beaucoup plus la littérature que Pruvost prend en ligne de compte que les écrits des Pères et Docteurs de l’Église. L’auteur ne s’aventure pas à théologiser et on ne doit pas s’attendre à voir opérer des rapprochements entre le nom de Dieu (tel qu’il transparaît) dans les religions et sagesses orientales (taoïsme, shintoïsme, bouddhisme, hindouisme etc) et le Dieu trinitaire « officiel », ou académique, tel qu’il est acté dans les statuts du Conseil œcuménique des Églises (certaines églises membres du COE, au reste, ayant eu le droit d’émettre des « réserves » sur cette tentative de définition au moment de leur adhésion.)

Tout bon encyclopédiste ne peut que compiler, donc piller. En conséquence, et à bon escient (théologique, du moins), et pour reprendre la formule de Paul Valéry, notre auteur n’explore que les aires/ères dominées concomitamment par Jérusalem, Rome et Athènes, écartant à juste titre de son champ d’étude la religion de la soumission absolue à Dieu, l’islam, souvent improprement qualifiée de troisième « Religion du Livre ».

Secrets

Pour ne pas risquer d’encourir le grief visé en tête de cet article, et que Hubert Beuve-Méry considérait comme une qualité journalistique, nous n’aborderons pas le ‘‘gros’’ du texte, et qui est sans doute le plus passionnant : l’étymologie.

Jean Pruvost écrit exactement que « découvrir dans cet étymon une première orientation, un germe encore perceptible dans le mot tel que nous le comprenons à l’époque où nous vivons, prendre ainsi en compte l’évolution qu’il a vécue au cours des siècles mais aussi des langues par lesquelles il a été véhiculé, se révèle éminemment instructif. » De la sorte, faudrait-il mettre en application cette saine approche pour comprendre – exemple en cent – pourquoi il y aurait lieu de tenter une systémique du vocabulaire en le mettant, en réseau vertical et horizontal(à la manière avec laquelle un logicien comme Kurt Gödel procéda au siècle dernier pour l’arithmétique).

La chose est envisageable. Nous avons dit ici que ce livre, avec ces deux exergues susvisés, avait mal commencé. Mais voici qu’il finit fort bien puisque, dans sa dernière ligne, il cite Paul de Sinety, orné de ses fonctions de Délégué général à la langue française et aux langues de France. Jean Pruvost ne croit pas si bien dire. Notre délégué est tout désigné pour, tant faire se peut, dispenser les rudiments d’une méthode capable non certes de pénétrer le « divin », mais, tout au moins, mieux cerner Les Secrets des mots (titre, d’ailleurs, d’un de ses précédents livres), ledit secret étant bien souvent celui de nos pensées.


Jean Pruvost, Dieu à travers les mots et leur histoire, Desclée de Brouwer, 344 p., 2025.




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