Irak, Syrie : l’heure de l’Iran?


Depuis plusieurs mois, les différents groupes djihadistes opérant en Irak et en Syrie se renforcent. Non content de combattre les régimes en place dans ces deux pays, l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) d’une part et le Front Al-Nosra et le Front islamique d’autre part se paient le luxe de se combattre entre eux, moins en raison de divergences idéologiques, que pour des questions de tactique, de pouvoir politique et d’intérêts matériels bien compris.

Après un accès de faiblesse trompeur fin 2013, l’EIIL replié sur ses bases du Nord de l’Irak a lancé ces derniers jours une vaste offensive qui a conduit à la chute de Falloujah, Mossoul et Tikrit. C’est désormais l’ensemble des régions sunnites de l’Irak qui menace de tomber aux mains de cette faction réputée la plus sanguinaire d’Al-Qaïda.

Après avoir longtemps joué aux allumettes avec le Front Al-Nosra, la Turquie vient de se raviser pour s’être aperçue que cela pouvait brûler. Ankara a bien tardivement inclus ce dernier mouvement sur la liste de ses organisations terroristes, tout en construisant un mur à sa frontière syrienne pour éviter les incursions des forces qu’elle soutenait jusqu’à présent ! En Irak, on est sans nouvelles d’une trentaine de chauffeurs routiers turcs tandis que le personnel du consulat turc de Mossoul est actuellement retenu par les miliciens de l’EIIL. L’ironie de la situation veut que des forces kurdes appuient le revirement turc puisque des premiers heurts se sont produits entre djihadistes et peshmergas du KRG, éventuellement appuyés par des hommes du YPG, la branche syrienne du PKK, qui assurent la retraite de milliers d’Irakiens fuyant la terreur islamique. Aux dernières nouvelles, les Kurdes aurait d’ailleurs repris Mossoul.

Dans ce chaos, on imagine d’autant moins les Etats-Unis risquer la peau d’un seul GI qu’ils ont largement contribué à créer cette situation depuis 2003. Maintenant que le chaos est là – le vrai – on se demande qui pourra arrêter son extension, notamment en direction du petit royaume jordanien, directement limitrophe d’Israël. Car dans la vision des promoteurs de ce qu’un article récent appelait le « Djihadistan », il ne s’agit de rien moins que de créer un véritable califat en abolissant les anciennes frontières nationales héritées de l’accord Sykes-Picot.

Que cela nous plaise ou non, on ne voit guère que l’Iran comme contrepoids régional au Djihadistan. Il se trouve que les préoccupations sécuritaires de l’Europe et des Etats-Unis recoupent assez précisément celles de Téhéran : l’Iran voit avec inquiétude se développer des forces hostiles à ses frontières. Car si Al-Qaïda domine désormais de larges pans des territoires syriens et irakiens, les talibans contrôlent également une bonne partie de l’Afghanistan et du Pakistan, comme nous l’a récemment rappelé l’attaque de l’aéroport de Karachi.

Si les pourparlers sur le nucléaire iranien aboutissaient rapidement sur un consensus international solide et sincère, Téhéran serait en mesure de devenir un de nos rares alliés fiables dans la région.

 



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