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Baisser l’impôt sur les sociétés: une nécessité nationale


Baisser l’impôt sur les sociétés: une nécessité nationale
Le ministère de l'Economie et des Finances à Bercy, Paris, janvier 2013. SIPA. 00651778_000011
Le ministère de l'Economie et des Finances à Bercy, Paris, janvier 2013. SIPA. 00651778_000011

Le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) consacré à l’impôt sur les sociétés préconise une réduction de son taux, de 33 % à 25 %. Ce taux a été de 50 %, en France, jusqu’en 1985 ; dans une économie peu ouverte sur l’extérieur, ce taux élevé constituait un facteur très favorable aux entreprises, mais la mondialisation a totalement changé la donne en amenant les États à pratiquer une concurrence fiscale, désastreuse mais quasiment inévitable dans l’état actuel de la gouvernance mondiale.

1/ Pourquoi, en économie fermée, un taux élevé d’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) est-il une excellente chose pour les entreprises ?

Parce qu’il constitue un amortisseur automatique très efficace des à-coups conjoncturels. En effet, la concurrence régule les bénéfices nets d’impôt, et non les bénéfices avant impôt. Si le taux de prélèvement fiscal est élevé, disons 50 %, les bénéfices nets d’impôt ne sont pas moindres qu’en l’absence d’IS. Une entreprise dégage donc, si la conjoncture et sa gestion sont bonnes, des marges confortables – doubles de celles qui existeraient en l’absence d’IS. Un passage à vide est donc beaucoup mieux amorti que si l’impôt sur les sociétés n’existait pas, l’État supportant automatiquement la moitié du manque à gagner.

Plus concrètement, supposons que la société A réalise 50 M€ de bénéfice net d’impôt dans une bonne conjoncture, ce qui signifie 100 M€ de bénéfice avant impôt. Les conditions économiques se détériorant, ou par suite d’une erreur de pilotage, la marge se réduit de 100 M€ : A est quand même à l’équilibre, l’effet de la mauvaise conjoncture étant partagé à 50/50 entre elle et l’État. En revanche, s’il n’y a pas d’IS, la concurrence positionne le bénéfice avant impôt à 50 M€ en conjoncture correcte, et le trou d’air qui fait baisser la marge de 100 M€ provoque alors une perte de 50 M€.

L’impôt sur les bénéfices au taux de 50 % est donc un merveilleux amortisseur automatique : il conduit l’entreprise à partager avec l’État non seulement ses heurs mais aussi ses malheurs. Ce taux d’imposition est la cause d’un taux de marge beaucoup plus élevé ; il met l’entreprise A à l’abri de bien des difficultés en cas d’accident de parcours, que celui-ci soit dû à la conjoncture ou à un problème spécifique à A. En économie fermée, un taux d’imposition élevé sur les bénéfices des entreprises est le mode de financement des dépenses publiques qui joue le mieux le rôle de stabilisateur automatique.

2/ La mondialisation a mis fin à cette situation.

En effet, l’entreprise qui supporte un taux élevé d’IS, essaye de vendre plus cher que ses concurrents localisés dans des pays où l’IS est plus faible ou bien dispose de moins d’argent pour rémunérer ses actionnaires et autofinancer ses investissements. Bref, elle est pénalisée dans la concurrence internationale.

Dans ces conditions, un État ne rend plus service aux sociétés localisées sur son territoire en recourant à des taux élevés d’IS. Chaque État dont les dirigeants ont compris la situation est conduit à pratiquer des taux d’IS de plus en plus faibles, pour que la production localisée sur son territoire reste compétitive par rapport à la production étrangère. La théorie des jeux la plus basique montre le caractère inéluctable de cette évolution.

La probabilité de parvenir à changer la règle du jeu, en établissant pour l’IS des règles identiques sur la planète entière, est infinitésimale. Même au niveau de l’Europe, une telle harmonisation n’est pas à l’ordre du jour : la Commission préfère nettement s’occuper à réglementer la fabrication des fromages et la taille des cages à poules ! Il n’y a donc rien à espérer : nous ne passerons pas du jeu non-coopératif auquel nous jouons actuellement en matière fiscale, à un jeu coopératif.

3/ Dans ces conditions, la défense des intérêts nationaux français passe par l’adoption de la stratégie irlandaise : adopter le taux de l’IS le plus bas possible.

Mais que signifie « possible » ? Il s’agit tout simplement de ne pas s’attirer trop de représailles. Petit pays, l’Irlande est mieux positionnée que nous dans ce jeu délétère que nous ne pouvons quitter : l’Allemagne, par exemple, n’a pas réagi au quart de tour pour aligner son taux d’IS sur celui de notre voisin insulaire. La France provoquera davantage de réactions.

Il serait néanmoins probablement judicieux d’agir vite et fort. Le CPO préconise de ramener le taux français de 33 % à 25 % : cela irait dans le bon sens, mais ne serait-il pas opportun, à l’orée d’un nouveau quinquennat, d’aller carrément à 0 %, ou à 10 % si les pouvoirs publics veulent garder la possibilité de faire machine arrière en conservant les services et les règles requis pour lever l’IS ?

4/ Supprimer l’IS ou en diminuer fortement le taux pose deux problèmes qu’il faut résoudre : remplacer cette ressource fiscale et fournir aux entreprises un amortisseur des chocs conjoncturels en remplacement de l’IS.

Sans prétendre apporter à ces deux questions des réponses exclusives, indiquons quatre pistes à explorer :

a) La rémunération-partage met les salariés à contribution quand les affaires vont mal et les fait parallèlement participer davantage à la réussite de leur entreprise. Les salaires remplacent l’IS dans le rôle d’amortisseur des chocs conjoncturels et autres aléas.

b) Entreprendre la révision des subventions en tous genres, dont beaucoup sont injustifiées, y compris le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), rendu inutile par les réformes que nous préconisons en matière de financement de la sécurité sociale.

c) Faire payer par les usagers ou par les collectivités territoriales divers services rendus aujourd’hui gratuitement ou pour un prix symbolique par l’État. Supprimer cette apparence trompeuse de gratuité aurait en sus le mérite de lutter contre l’un des mensonges qui rongent notre société : « ça ne coûtera rien aux Français, c’est l’État qui payera ».

d) Et s’il faut augmenter les rentrées fiscales, la TVA est probablement le moins mauvais outil, en augmentant les taux, mais aussi et surtout en accélérant la mise en place au niveau européen d’une lutte efficace contre le pillage mafieux des trésors publics appelé carrousel de TVA.



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est économiste et membre fondateur du fonds de recherche Amitié Politique. Prochain livre à paraître : "La retraite en liberté" (Cherche midi)

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