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Hollande : la réalité, vaste sujet !


Hollande : la réalité, vaste sujet !

François Hollande, président normal, trop normal

« Une alternance change le pouvoir mais pas la réalité » tonnait mardi dernier François Hollande confronté à son premier grand oral devant un parterre de journalistes réunis à l’Elysée. Belle entrée en matière pour excuser par avance une politique qui ne ressemblera en rien à celle qui avait été promise par le candidat du changement. Car rien ne changera de ce qui avait été décidé sous la dernière mandature. Renvoyés aux calendes grecques les eurobonds, adopté sans changer une virgule le traité budgétaire européen, remplacés comme auparavant les fonctionnaires, François Hollande annonce maintenant que le chômage augmentera de façon continue pendant au moins un an, la TVA avec, tandis que le « mariage pour tous » sera bien voté en janvier. La gauche se félicite de cette prestation de « haut niveau » tandis que la droite, fanfaronne, ravie que la réalité de l’économie de marché soit intégrée dans les actions socialistes, à défaut d’être encore reconnue dans leur décalogue.

Il y a plusieurs manières d’appréhender la réalité. Parmi elles, celle qui affirme l’existence du réel indépendamment de l’esprit; c’est ce que suggère la doctrine aristotélicienne. Mais aussi celle qui refuse a priori la possibilité d’une différence entre le discours sur la réalité et la réalité elle-même et dont se réclament les solipsistes et les nominalistes.
En disant se conformer à la réalité, puisque c’est cela qu’il voulait dire, François Hollande a opéré deux choix antagonistes. En tous les cas sur l’économie et le mariage homosexuel, ce qui marque d’ailleurs bien la transgression qu’a opérée l’idéologie socialiste qui, incapable de répondre aux demandes sociales, se déporte sur le sociétal. Le sociétal devient alors la chambre de compression de l’asservissement au capitalisme. Plus on va vers l’économie de marché, plus on chemine vers la libéralisation sociétale et vice-versa. On prétexte alors que ce qui pèse sur tout un chacun n’est pas l’économie de marché mais ces règles sociétales désuètes.

Sur l’économie, François Hollande semble définitivement avoir adopté la doctrine réaliste. Il accepte l’idée d’un monde globalisé où les échanges ne doivent comporter aucune restriction, où l’idée sociale est subsidiaire et conditionnée au mérite, en bref que la main invisible l’est vraiment, indépendamment de l’esprit qu’on voudrait y mettre. Or sur ce point, et contrairement à un Jean-Luc Mélenchon qui souhaite faire de son discours une réalité, on notera que François Hollande a choisi de faire de la réalité son discours.
Sur le mariage homosexuel, François Hollande a en revanche choisi la doctrine nominaliste, c’est-à-dire de faire de son discours une réalité en décidant que l’altérité sexuelle n’était plus nécessaire ni pour la procréation, ni pour la construction de l’enfant, le genre étant uniquement une construction de l’esprit que l’on peut justement rapidement remplacer, l’esprit étant lui-même une construction que l’on peut rapidement modeler, etc.

Refusant de considérer qu’il existe une économie alternative à celle qui prévaut aujourd’hui, le Président de la République n’hésite donc pas à nier la différence sexuelle, celle là même qui permet d’engendrer. Comment ici ne pas repenser au jeune Marx qui démontra le pouvoir divin de l’argent, capable non seulement de décupler les forces, mais plus encore de disjoindre complètement l’individu : « Ce que je ne puis en tant qu’homme, ce que ne peuvent toutes mes énergies d’individu, je le puis grâce à l’argent. L’argent fait de chacune des puissances de mon être ce qu’elles ne sont pas en soi : il les change en leur contraire […] Notion existante et agissante de la valeur, l’argent confond et échange toute chose ; il en est la confusion et la conversion générales. Il est le monde à l’envers, la confusion et la conversion de toutes les qualités naturelles et humaines »[1. Philosophie, Editions Foli, 1994 (traduction des Manuscrits de 1844 par Jean Malaquais et Claude Orsini)].

Le discours de François Hollande mardi dernier partait d’une réalité qu’il avait décidé de poser. Il aurait dû dire qu’une alternance change le pouvoir mais pas sa réalité. Et la réalité c’est qu’on est dans la merde.

*Photo : François Hollande/PS.



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