Front de gauche : lunettes rouges et canne blanche


Front de gauche : lunettes rouges et canne blanche

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Illisible ??? Est-ce la pratique intensive du communisme qui rend aveugle ? Ou l’emploi d’une grille de lecture découpée dans le numéro d’octobre 1972 de Pif Gadget, entre Corine et Jeannot et Nestor le prisonnier ? Ou le syndrome des deux cerveaux gauches que l’on observe chez les intellectuels trop longtemps exposés aux ravages de l’antiracisme et qui se traduit par une perte de lucidité et une atrophie du bon sens ? Ou encore une candeur idéaliste touchante qui handicape l’observateur trop politisé, (car on n’est jamais trop honnête mais on peut être trop politisé, on peut l’être jusqu’à la cécité, jusqu’au meurtre de masse), dans sa lecture de l’époque, de son histoire récente, de sa démographie et de sa sociologie ?

L’article de mon ami Jérôme Leroy me laisse perplexe. Son exemplaire de la carte électorale semble sorti d’une photocopieuse défaillante, il y manque un élément que les Identitaires tiennent pour essentiel et que les militants de la discrimination positive passent leur temps à surligner de feutres fluorescents : la nature changeante du peuple au fil de la contre-colonisation. Le texte de notre camarade pourrait être le corrigé, avec un style certain, d’un devoir sur table donné par un professeur de Sciences po qui pratiquerait une pédagogie sans détour pour former ses élèves au journalisme de gauche un peu bas du front : Vous commenterez les résultats de l’élection municipale à l’échelle nationale avec le souci de maintenir bien à leur place les œillères de votre lecteur et de le conforter dans sa vision du peuple uni et indivisible face à son seul ennemi : le patronat et sa marionnette, le libéral Bruxellois. Vous tenterez de le convaincre qu’il ne voit pas ce qui lui crève les yeux dans ses banlieues et le rappellerez à son seul combat, la lutte des classes. Pour ne pas faire le jeu de l’extrême droite, les étudiants de première année éviteront d’employer les termes suivants : zones à forte concentration de Français issus de l’immigration, vote ethnico-religieux, communautarismes, territoires perdus de la République. Les étudiants de deuxième année s’interdiront les euphémismes usés de l’an dernier tels que : quartiers populaires ou difficiles, zones sensibles ou prioritaires, terres d’accueil pour les entrants. Les étudiants en fin de cycle s’appliqueront à attribuer à des fantasmes biens connus des chercheurs les changements en cours et leurs traductions dans les urnes en utilisant des expressions telles que : repli frileux, angoisse face à la crise, réflexe raciste, panique identitaire, phobies en tous genres, montée des populismes, recherche de boucs émissaires. Vous avez quatre heures. Un remarquable exercice de haute voltige au6dessus du réel, un cas d’école dans la façon de tourner autour du melting-pot (je le reconnais, Jérôme, je réponds aussi à d’autres, je charge un peu la barque. un peu).

Mais nous ne sommes pas à « C dans l’air » sur la cinq, entre Pascal Perrineau et Dominique Reynié, pas plus qu’à « 28 minutes » sur Arte entre Caroline Fourest et Eric Fassin, ni sur Canal ni sur France Inter ni dans un de ces médias où un bon contradicteur est un contradicteur absent. Nous sommes à Causeur. Il faut aider notre ami Leroy à retrouver ses lunettes et je vais tâcher de m’y employer.

Mon ami, sauf lorsque tu vois des calculs « politiciens » et des alliances contre-nature dans un « front républicain antirouge », tu préfères laisser ces approches de bas étages aux commentateurs « populistes ». Si le terme « politicien » remplace chez des citoyens toujours plus nombreux celui de « politiques » pour désigner nos élus, ce n’est pas toujours diaboliquement poujadiste. C’est peut être parce que le spectacle d’élus qui n’intriguent plus que pour garder leur place, pour faire gagner leur camp, les consterne. Peut être parce que le vieux front républicain apparaît de plus en plus pour ce qu’il est devenu : une imposture et une entourloupe. Une bouée de sauvetage pour ceux qui ont la trouille de perdre sièges et électeurs, pour des raisons diverses. Je t’en donne une, pas choisie au hasard : le clientélisme communautaire pratiqué par ceux qui souscrivent une assurance élection payée par l’apparition de femmes voilées ou de slogans en arabe sur leurs affiches de colistiers, ou encore par des promesses de mosquée.

Tu vois avec Mélenchon dans les résultats du second tour « une lueur d’espoir », « l’émergence d’une autre gauche », « autre chose que le repoussoir FN pour invalider » la politique sociale libérale du gouvernement. Et les victoires d’Aubervilliers, de Saint-Denis et de Montreuil en seraient le signe, l’annonce, la bonne nouvelle. Si les résultats en Seine-Saint-Denis te redonnent l’espérance, je crains que tes lunettes ne te soient plus d’aucun secours et qu’il te faille des loupes. Ne vois-tu pas que là où il n’y a pas de recours au « repoussoir FN », c’est parce qu’il n’y a pas de listes FN ? C’est parce que dans les territoires en état de remplacement avancé, comme dans un rêve terra-noviste, la présence et la campagne d’un candidat du Front national sont plutôt compliquées et que dans ces enclaves perdues pour la République, on sanctionne le PS comme on peut. Ne vois-tu pas que partout ou le peuple peine à voir dans la mondialisation une chance pour la France et où l’offre politique le permet, les électeurs placent le FN devant le Front de gauche, loin devant ? Et la droite devant la gauche. Ne vois-tu pas que la critique des politiques d’immigration et d’intégration est l’élément qui dans les discours des uns et des autres, fait la différence ? Ne vois-tu pas que le mépris affiché pour les inquiétudes sécuritaires explique une bonne partie des défaites, des débâcles, des déroutes, jusqu’aux disparitions des communismes municipaux et des citadelles de la gauche, de Roubaix à Saint-Ouen et son historique Red Star ? Et je crains que la promotion du premier flic de France (ministre le plus populaire, le seul à évoquer du bout des lèvres ce que nous voyons tous sur les Roms, sur le regroupement familial, sur les gendarmes et sur les voleurs) au rang de chef de l’exécutif ne soit qu’une manœuvre politicienne désespérée et désespérante.

Tu sembles ne rien voir de tout cela. Tu préfères avec Mélenchon, voir le bout du tunnel qui a réduit le PC en quelques décennies à l’état de groupuscule parce qu’à Grenoble, l’extrême gauche écolo a gagné grâce à des professeurs Tournesol qui bossent sur le réchauffement climatique et qui se soucient de la planète que nous allons laisser à nos enfants quand le reste du pays s’inquiète en voyant les enfants que nous allons laisser à la France. La recomposition de la gauche passerait par de la « décroissance soutenable écosocialiste » à usage des bobos de centre-ville ? Où est passé ton marteau ? Et des faucheurs d’OGM t’ont piqué ta faucille ? Je t’ai connu plus productiviste. Et moins mélenchonesquement politicien. Évidemment, tu n’as pas tout perdu. Il doit te rester deux dixièmes à droite et à peine plus à gauche. Tu vois bien que la ligne Buisson fait mauvais genre et qu’elle se porte mal à Bordeaux ou à Neuilly, que la droite molle ou honteuse n’est pas morte avec Villepin et passe encore par Raffarin. Tu constates que les ténors du FN ont perdu leurs paris, parce que les électeurs veulent avant tout un maire, proche, attelé d’abord et surtout à sa tâche, un chien de garde plutôt qu’un cabot, un Robert Ménard plutôt qu’un Gilbert Collard.

Tu n’es pas mûr pour la canne blanche et j’en suis heureux. Je te rassure, je ne vois pas tout non plus. Et je ne comprends pas tout ce que je vois. Trente six milles communes font trente six milles élections et nous n’en ferons pas le tour. Il y a des vents contraires et des particularismes de tous ordres qui font la diversité française. Il y a des musulmans qui se tournent vers la droite parce qu’entre la théorie du genre à l’école et le laxisme au tribunal, ils ne savent plus comment élever leurs enfants. Il y a des vieux riches dans le sud qui votent comme de jeunes pauvres du nord. Il y a même des juifs qui votent FN et des poissons volants. Rien n’est clair mais il y a quand même des choses à voir et des généralités à observer. Tout n’est pas illisible et je n’aimerais pas que mes amis journalistes de gauche, atteints de cécité et de surdité, disparaissent avec ce que les politiques et les politiciens sont en train de faire de leurs idées généreuses, et que tu sois frappé d’obsolescence quand le peuple renverra tout ces guides jouer aux échecs avec Terra nova, Greenpeace, SOS racisme et les lobbys gays. Je veux t’éviter ce naufrage alors réveille-toi, retrouve tes lunettes et reviens dans la course camarade, ta vision du monde est derrière toi.

 

*Photo : kenteegardin.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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