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Antiterrorisme: Le piège grossier de l’unité nationale


Antiterrorisme: Le piège grossier de l’unité nationale
La Haine.
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La Haine.

Le gouvernement croit avoir trouvé d’imparables éléments de langage dans sa lutte acharnée non pas contre le terrorisme islamiste, mais pour la maîtrise de l’opinion. L’usage immodéré de l’euphémisme Daech, alors que même Le Monde se met à utiliser le sigle EI, plus parlant, vise à désigner un ennemi lointain, forcément extérieur et qui sera anéanti à force de frappes aériennes en Syrie. Or l’ennemi est intérieur, intensément proche, et dans le cas de Saint-Etienne-du-Rouvray mais de terrorisme de proximité, il s’agit de terrorisme de voisinage. L’assassin, natif et habitant de la ville, a utilisé les quelques heures de non-fonctionnement du bracelet électronique accordées avec mansuétude par la justice française pour aller égorger le vieux curé d’à côté. C’est une voisinade version djihad.

Soulevons les questions qui fâchent

L’autre formule utilisée sans cesse par le Président Hollande et ses sbires est l’appel à l’unité nationale. Vu d’avion, c’est très bien. Un Président de la République qui demande l’unité des cœurs dans un grand moment de deuil, qui pourrait critiquer, à moins d’être un jaloux revanchard comme Sarkozy ou un facho comme ceux que vous savez ? Vu de près, c’est très mal. Très pervers et dangereux.

Que la sidération qui a suivi les deux attentats de 2015 ait nécessité un moment de deuil où l’on s’est recueilli, où l’on a fait taire les rancœurs et les polémiques, rien de plus normal. Mais à partir du moment où les attentats viennent ponctuer la vie des Français comme le muguet du 1er mai ou l’arrivée du beaujolais nouveau, il n’y a plus aucune raison à cette unité nationale, car les événements et leur gestion tombent sous la loi de la démocratie : le débat. Roland Cayrol, lors du C dans l’air consacré à la polémique de Nice a eu grand tort de dire que celle-ci elle était honteuse. Les questions qui fâchent sont justement celles qu’il faut soulever dans les débats politiques. Les appels à l’unité nationale visent d’abord à faire taire les critiques de la droite et de l’extrême droite, il ne faut pas en être dupe.

Dans la parole gouvernementale,  »unité nationale » a bien sûr un autre sens, l’unité entre les Français musulmans et tous ceux, encore nombreux tout de même, qui ne le sont pas, ou pas encore. Or cette unité n’existe pas, elle reste à construire, et faire appel à elle, c’est s’adresser à un fantôme du futur, ce qui est bien dans la manière magique des chamanes socialistes.

Le crime de Saint-Etienne-du-Rouvray a un terrible arrière-goût de guerre d’Algérie. Par les origines du tueur, par la haine ethnique et religieuse qu’il portait en lui, par le moyen d’opérer qui rappelle les massacres de Pieds-noirs à Oran dont parlait Causeur il y a quelques jours. Il faudra que les musulmans s’interrogent sur  ce terrifiant retour de l’égorgement par les mains d’un jeune homme né et élevé en France. Est-ce le fait d’avoir vu sacrifier les moutons de l’Aïd, est-ce le fait de connaître l’abattage halal ? Pourquoi ce resurgissement de l’archaïque le plus atroce chez un jeune homme de la génération internet et smartphone ? Il faudra qu’on nous explique. Au boulot, les psychanalystes et les sociologues.

Un seul peuple de Dunkerque à Tamanrasset

Le sentiment cauchemardesque de revivre la guerre d’Algérie vient aussi de l’affirmation répétée qu’il n’y a qu’un seul peuple, de Dunkerque à Tamanrasset, qu’un seul peuple dont il faut préserver l’unité dans la France d’aujourd’hui. Il y avait bel et bien deux peuples qui n’ont pas fusionné en Algérie, il y a deux peuples dont la fusion est heurtée et laborieuse dans la France d’aujourd’hui. Le déni de réalité des partisans de l’Algérie française était aussi grand que celui du gouvernement d’aujourd’hui qui ne se donne pas les moyens de faire pression sur les musulmans de France pour qu’ils s’intègrent, de gré ou de force. Il faudrait par exemple leur expliquer que le voile, même léger, des jeunes femmes, exhibe le refus d’être draguée par un non-musulman, le refus du mariage mixte et donc de tout véritable vivre-ensemble.

Il y aura bien sûr d’autres attentats, il n’y a aucune raison pour qu’ils s’arrêtent. Il y aura bien sûr une montée de l’exaspération, mais je ne crois pas une seconde qu’elle se traduira par des pogroms conduits par les Français de souche contre les quartiers dits sensibles. Les musulmans font peur et on sait qu’une proportion non négligeable de leurs jeunes est très bien armée et très aguerrie au maniement des armes. Aucun des jeunes  »de souche » que je connais en milieu urbain ne sait ce qu’est un fusil. La guerre civile n’aura pas lieu, le scénario de Soumission proposé par Houellebecq non plus. L’écrivain a prédit un passage indolore à l’islamisation sous la houlette du gentil président Ben Abbès, le cours actuel des événements annonce plutôt une plongée de longue durée dans la violence des attentats, comme en Algérie justement, avant que De Gaulle ne nous délivre de ce fardeau.

Jusqu’ici tout va bien…

Contre qui s’élèvera l’exaspération des Français au fil des attentats ? Evidemment contre l’Etat et le gouvernement socialiste. La France a une relation qu’il est permis de trouver exagérée et incestueuse avec son Etat. Mais c’est ainsi, l’Etat royal, impérial, puis républicain a bâti la France, en retour les Français en exigent aide, protection, prébendes, et même affection et care comme le voulait Martine Aubry. Les prochains blessés et parents de victimes se déchaîneront contre François Hollande et ses ministres, ceux-ci ne pourront plus mettre le nez hors des forteresses gouvernementales. Les permanences du Parti socialiste seront copieusement saccagées, d’ailleurs la CGT a donné l’exemple. Dans ma petite ville du Sud-Ouest, le local de la députée socialiste comporte une vitrine discrète sans la moindre rose, le moindre poing, ni le moindre sigle PS. Il n’y figure que le nom de la dame, qui d’ailleurs va sûrement se choisir un pseudonyme un de ces jours.

Marine Le Pen a de grandes chances de devenir Présidente en 2017, Claude Askolovitch et ses copains diront que le peuple français est fasciste et pourtant ils auront bien pavé la route au FN depuis cinquante ans. Ensuite, les vrais ennuis commenceront, mais c’est une autre histoire. Jusqu’ici tout va bien, comme le disait la publicité de La haine, film génialement prémonitoire de Mathieu Kassovitz qui exaltait l’amitié en banlieue entre un juif et un musulman, unis contre la méchante police fasciste. C’était un temps où la haine était vivement approuvée par la gauche.



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est romancier et professeur de lettres agrégé.

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