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France Inter, c’était mieux avant


France Inter, c’était mieux avant
Les 50 ans du "Jeu des 1000 euros" sur France Inter
France Inter Histoire jeu
Les 50 ans du "Jeu des 1000 euros" sur France Inter (photo : SIPA 00561974_000006)

J’ai connu jadis France Inter sous le nom de « Programme parisien de la radiodiffusion française ». Je n’ai même connu que cela comme radio, seul lien hertzien reliant le vaste monde au foyer familial, hormis quelques bribes de Radio Luxembourg picorées lors de visites chez une tante fan de Zappy Max et de la famille Duraton. Chez nous, l’exigence culturelle des parents avait pour conséquence de priver les enfants des joies simples des programmes populaires, où Luis Mariano, André Claveau, Tino Rossi squattaient les plages musicales, ponctuées de pubs pour le shampoing Dop et le savon Cadum.

On pense à tort que la mainmise du pouvoir sur les médias date du retour au pouvoir du Général. Entre les auditeurs et leur service public de radiodiffusion, le contrat était clair, défini en 1945 par le ministre de l’Information Pierre-Henri Teitgen: la radio publique française ne serait pas la BBC, en dépit des services rendus à la Résistance française par cette honorable institution britannique jalouse de son indépendance éditoriale. La radiodiffusion nationale serait la voix du gouvernement, point barre !

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On trouvait cela normal : après le « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ! » de l’immortel Pierre Dac, pour la majorité des Français l’expulsion des « Teutons » de l’émetteur de la tour Eiffel était synonyme du retour de la vérité dans l’espace hertzien national. Un « speaker » lisait deux à trois fois par jour à l’antenne les dépêches visées par le ministre de l’Information, avec un ton et une diction qui n’incitaient pas à en mettre en doute la véracité ou la pertinence. La « voix du gouvernement » était reçue comme telle, libre ensuite aux auditeurs, aidés par leurs journaux habituels, dont la pluralité et le pluralisme étaient bien plus développés qu’aujourd’hui, de bricoler leur analyse et de se forger une opinion. Il était alors impensable qu’un journaliste de radio profite de son temps d’antenne pour distiller, en douce, sa vision du monde, ne s’autorisant que de lui-même, comme disait Jacques Lacan à propos de la légitimité du psychanalyste à interpréter le discours de son patient. C’était, au bout du compte, plus honnête que la privatisation idéologique des ondes nationales par des rédactions imbues de leurs certitudes.

Je passais, dès l’âge de raison, pour un enfant plutôt éveillé, intéressé à la marche du monde, conséquence d’une histoire familiale récente : se désintéresser des infos, c’était risquer d’être intellectuellement désarmé face à ceux qui vous voulaient du mal. J’étais donc « accro » au seul média à ma disposition : Radiodiffusion française, programme parisien. Les grands moments de l’histoire de l’époque, l’arrivée de Mao Zedong au pouvoir, Diên Biên Phu, Pan Mun Jon et la guerre de Corée, l’échec de la CED, Suez, Budapest s’imprimaient dans ma mémoire d’enfant à une époque où les parents n’avaient pas le souci imbécile de nous préserver à tout prix de la brutalité du monde.

Les vraies stars de la TSF n’étaient pas les journalistes, mais les commentateurs sportifs : Georges Briquet, décrivant un match de foot sans un « blanc » durant quatre-vingt-dix minutes, le jeune Roger Couderc, chantant les louanges de Jean Prat, Guy Basquet ou Puig-Aubert, dit Pipette avec l’accent de la France du rugby, quand celui-ci n’était pas encore envahi par les mercenaires du Pacifique…

Et il y avait aussi les amuseurs du Grenier de Montmartre qui brocardaient (gentiment) les hommes politiques en alexandrins émaillés d’imparfaits du subjonctif.

Bref, France Inter, c’était mieux avant, sauf du lundi au vendredi de 12 h 45 à 13 h, où subsiste un dinosaure rescapé par miracle de la Radiodiffusion française : Le Jeu des 1 000€, animé par l’excellent Nicolas Stoufflet. Il a commencé sous le nom de « Cent mille francs (anciens) par jour » au printemps 1958. Étant donné que le Smic était, à l’époque, d’environ 25 000 francs par mois, on mesure combien la radio nationale est en plus, du reste, devenue pingre !

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