Accueil Culture « Everybody knows »: parce que Cannes ne le vaut pas

« Everybody knows »: parce que Cannes ne le vaut pas

N'en déplaise aux précieux, le film d'Asghar Farhadi est une pure merveille


« Everybody knows »: parce que Cannes ne le vaut pas
Penelope Cruz, Javier Bardem et Carla Campra dans "Everybody knows" d'Asghar Farhadi, 2018. ©Memento Films Distribution

N’écoutez pas les esprits chagrins (par exemple Jean-Michel Frodon sur Slate, ou Jacky Bornet sur France Info) qui s’en vont répétant que Todos lo saben, le dernier film d’Asghar Farahdi, ne mérite pas le détour : c’est une pure merveille.

Mon seul bémol, c’est la question lancinante du titre. Todos lo saben, cela se traduit en français par « Tout le monde sait ». Pas par « Everybody knows ». Mais j’ai appris à ne plus m’étonner de notre tendance à écrire le français en anglais depuis que j’ai vu Cruel Intentions être retitré « Sexe intentions » (qui est du pur globish, puisque « sexe » et « intentions » sont du français, mais que la syntaxe inversée est anglo-saxonne), ou The Hangover (la Gueule de bois — bon titre) devenir, en français, « Very bad trip ».

L’Espagne périphérique

Donc, tout le monde sait. Personne ne dit rien — c’est la proposition corrélative. Tout le monde s’embrasse. Il y a bien le vieux qui dans le bar où il a ses habitudes de poivrot grommelle et menace — mais bon, il est vieux et poivrot. Penelope Cruz rayonne, Javier Bardem roule des épaules — qu’il a larges, et la petite Carla Campra, qui est l’objet de toutes les attentions de la caméra et des habitants de Torrelaguna, un village péri-madrilène où l’on cultive la vigne et les souvenirs cuisants, agite ses cheveux dans le vent des motocyclettes.

On est d’ailleurs à la période des vendanges. Penelope Cruz, originaire du coin mais habitant l’Argentine avec son mari et ses deux enfants, est revenue passer l’automne avec sa famille. Embrassades, et préparatifs de mariage. Tout va bien — ça va donc sérieusement se dégrader.

Silence sans conscience…

Notez que l’on s’en doute depuis le générique, absolument splendide, filmé dans le clocher du village, dans le mécanisme d’horlogerie du vieux cadran qui marque non la fuite du temps, mais son immobilité. D’aucuns ont évoqué Sueurs froides : moi, ça m’a fait penser au Bergman du Silence — l’horloge sans aiguilles sur le quai de la gare. On y reviendra, dans ce clocher, où d’anciens amoureux ont jadis gravé leurs initiales. Entailles dans la pierre, cicatrices dans le cœur.

Asghar Farahdi, scénariste de son propre film (et qui a tourné en Espagne sans en parler la langue, avec des acteurs tout aussi espagnols — ou argentins, pour Ricardo Darín — rappelez-vous Dans ses yeuxTruman ou le Sommet de Santiago, tous trois sublimes) ne sait qu’une chose, mais il la sait très bien : le couple est une structure paranoïaque. À vrai dire, la famille aussi. Et le village aussi. Et…

>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<



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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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