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Eloge de François-Marie Banier


photo : Gallimard

Madame Françoise Meyers-Bettencourt, ingrate fifille à sa maman, devrait arrêter de solliciter la justice dès que Liliane ne lui donne pas assez d’argent de poche ou dès qu’elle offre quelques billets et tableaux à des artistes qui la font rire. Madame Françoise Meyers-Bettencourt pourrait, au lieu de perdre son temps à se plaindre et à porter plainte, lire François-Marie de Jean-Marc Roberts.

Non content d’éditer, chez Stock, quelques-unes des meilleures plumes du jour – comme Jean-Marc Parisis, Gérard Guégan ou encore François Taillandier dont il faut lire urgemment le très beau Père Dutourd -, Jean-Marc Roberts livre, de temps à autres, de courts textes où une mélancolie distinguée n’exclut pas la férocité du regard. Les bêtes curieuses, roman adapté au cinéma par Denys Granier-Deferre en 1982, avait donné l’un des films les plus réjouissants et vrais sur la vie des PME : Que les gros salaires lèvent le doigt. À la fin de la présidence Giscard, un patron, interprété par Jean Poiret, doit licencier une partie de ses salariés. Ne voulant pas décider lui-même qui seront les exclus, il invite tout le monde à un séminaire très spécial dans sa maison de campagne. Sous l’œil du jeune Daniel Auteuil, de Michel Piccoli en costume blanc, de Marie Laforêt, d’une Florence Pernel bien loin de Cécilia Sarkozy et même de Yasmina Reza en femme de chambre, c’est au jeu des chaises musicales que les plus gros salaires de l’entreprise se vireront eux-mêmes.

Un dandy de fiction

Dans François-Marie, Roberts raconte le talentueux Mr. Banier : leur amitié presque amoureuse, les 400 coups fomentés depuis leurs jeunes années, les hommes et les femmes qui passent, Aragon pas encore mort, le parfum de nostalgie d’un monde beau comme une photo en noir et blanc, le tabassage médiatique qui a laissé Banier sur le carreau.
C’est qu’il a morflé, François-Marie. Lui qui était le chouchou des poètes, des dames du monde, des princesses et des actrices s’est vu catalogué par un quarteron de journalistes faisant leur bon beurre: gigolo bedonnant, chauve vieillissant, salope mondaine, pickpocket des gros portefeuilles d’actions.

Quel avait été le crime de Banier pour être ainsi dégueulassé ? La réponse, parfaite, de Patrick Besson : « Déjeuner tous les jours pendant vingt ans avec une sourde. » De quoi, en effet devenir l’enfant gâté que, gamin, il ne fut pas. Parce que François-Marie Banier a tout pour plaire aux milliardaires en manque d’affection et de style : causeur brillant, léger et profond, doux et violent quand il faut ; séducteur par-delà les sexes ; photographe des stars et des ombres de la rue; écrivain précieux, touchant et jamais ridicule – il faut se souvenir de ses romans Les résidences secondaires, Le passé composé ou encore Balthazar, fils de famille.

Paré d’une telle panoplie artistique, Banier est un personnage de fiction qui envoie valser les vies insupportables, chevauchant une mobylette old school et usant la nuit chez Castel ou dans un cocktail au casting plein d’ennui. Paul Gégauff, dans un Chabrol, aurait pu écrire le rôle de ce dandy hors des normes de la bourgeoisie frileuse et du bon peuple baba. Gégauff mort, Jean-Marc Roberts a collé au plus près de sa tendresse pour le sujet.

Ce doit être insupportable pour les jaloux, journalistes ou fifille à leur maman. C’est un enchantement, en revanche, pour les derniers jouisseurs de l’époque, quêteurs permanents de la beauté, ce beau souci si obscène.

François-Marie

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Arnaud Le Guern est est né en 1976. Ecrivain, il vient de faire paraître Du soufre au coeur (Editions Alphée)

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