Cuba : la stratégie gagnante d’Obama


Cuba : la stratégie gagnante d’Obama

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Le rôle que joua Cuba dans la guerre froide permet de qualifier sans grandiloquence le rapprochement entre La Havane et Washington d' »historique ». La Russie ayant rouvert récemment sa base d’écoutes sur l’île, la rivalité entre la Russie et les Etats-Unis à Cuba n’est certes pas terminée. Il n’en reste pas moins que la méthode autant que la portée diplomatique de l’accord sont remarquables.

A chaque succès de la diplomatie Obama (Iran, Birmanie, Ben Laden…) le secret, conservé jusqu’au bout, a été la clé et la garantie de la réussite. Facilitées par des intermédiaires discrets (Oman, Canada, Vatican, Suisse..) les négociations ont, dans un premier temps, traité de sujets simples (libération de prisonniers par exemple) puis d’intérêts communs, principalement économiques. Une fois la confiance rétablie entre les parties, les sujets se sont élargis pour constituer, petit à petit, un accord final. En tout dernier lieu, et au bout de quelques années de patientes et laborieuses tractations, l’accord est révélé au grand jour. Cette méthode opaque et a priori « peu transparente » a été théorisée et pratiquée par Henry Kissinger, qui de Jérusalem à Pékin, sut dénouer dans le secret des dossiers réputés tabous.

Aux Etats-Unis, cette diplomatie discrète se heurte à la Constitution. Barack Obama ne peut aller plus loin avec Cuba sans l’accord du Congrès puisque la fédération des Etats-Unis fait une large place à  la “diplomatie parlementaire”. Le Sénat représente chacun des 50 membres et il est le seul habilité à ratifier les traités. La normalisation des relations avec Cuba passe par le Capitole. La pression des lobbies sur des élus qui cherchent davantage à complaire à leurs électeurs qu’à la Maison-Blanche, rend la partie encore incertaine.

La France, qui reste encore un Etat jacobin, a longtemps profité de ses pouvoirs exécutifs très centralisés pour mener une diplomatie audacieuse et détachée de toute pression intérieure ou parlementaire. Au Moyen-Orient, en Chine ou en Afrique le général De Gaulle a souvent eu un temps d’avance sur son temps. Cinquante ans plus tard, l’équilibre du monde ou le simple intérêt national ne sont plus à l’ordre du jour. Au fil des quinquennats, on a le sentiment que l’Elysée exploite le domaine réservé pour « représidentialiser » un chef de l’Etat embourbé sur la scène intérieure.

Au cours de séquences internationales consensuelles, les effets d’annonce se succèdent. De secret et de négociation dans la durée, il n’en est plus question. Un voyage et une poignée de main suffisent. D’ailleurs, malgré les ambitions de Laurent Fabius, la diplomatie économique, c’est Bruxelles qui l’exerce (ou plutôt ne l’exerce pas). Pour ne pas apparaître isolé, le quai d’Orsay s’épuise à annoncer régulièrement la tenue de conférences (sur la Syrie, sur la Palestine, sur le climat…). Autrement dit, on fixe d’abord de grands objectifs ambitieux (la paix, la réduction des gaz à effet de serre, etc.) qu’on enrobe d’un prêchi-prêcha moral. On définit ensuite dans les médias un cadre espace-temps contraignant: notre ministre des Affaires étrangères et du développement international s’est donné deux ans pour résoudre le conflit israélo-palestinien et un an pour un accord mondial sur le climat. En parallèle, on laisse l’Assemblée dicter des vœux de politique étrangère au Président, histoire de durcir un peu plus la négociation.  » Je compte beaucoup sur la diplomatie parlementaire » a répondu Laurent Fabius à une question d’un député mercredi dernier sur la méthodologie de la conférence climat. Puis on convoque nos partenaires pour parapher l’accord rédigé à Paris. Recette imparable pour mener à l’impasse. Les invités font alors mine de regretter l’échec de l’initiative. Et si par chance la conférence a lieu, on s’auto-congratule autour d’une photo et d’une déclaration sans lendemain. Peu importe après tout, la stratégie diplomatique française n’est que verbale.

On a beau jeu en France de dénoncer la timidité d’Obama et de gloser sur le déclin des Etats-Unis. A contrario, on se félicite des prétendues réussites de la politique étrangère française, au Moyen-Orient et en Afrique. Laurent Fabius est un des ministres les plus populaires et le secteur où François Hollande est le moins contesté dans les sondages est sa politique étrangère. En réalité, nos rares succès sont militaires; au Mali, en Centrafrique et même en Irak. Et ils ne trouvent pas d’issue politique. Si la gesticulation ne trompe plus personne sur la scène intérieure, en politique étrangère l’illusion fonctionne toujours.

 *Photo : Luis Hidalgo/AP/SIPA. AP21668511_000004. 



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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