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And the winner is…


And the winner is…
Delphine de Vigan.
Delphine de Vigan.
Delphine de Vigan.

Elle est jolie, Delphine de Vigan, la photo lui va bien et sans doute la télévision. Et puis, ces derniers temps, elle a obtenu plein de jolis prix, pour décorer son salon. Le prix Folies d’encre, tiens, décerné par la librairie du même nom, sise en la mignonne ville de Montreuil, où je vis depuis quinze ans, cela rappelé sans façons. Ce prix est respectable, sifflons la trêve ironique, un instant. Pour L’Heure et l’ombre, Pierre Jourde l’obtint, il y a quelques années. Bon. Mais il y a cet autre prix que Delphine vient d’obtenir : le prix du roman d’entreprise, que j’évoquais il y a peu, à propos de notre camarade Mordillat, lequel l’avait bien mérité. Mais qui le refusa d’avance. Et qui se rebella tout plein. Non mais ! Du coup, Darcos, s’il en avait eu l’idée, ne pouvait plus le lui décerner. Cela dit, si j’avais été Darcos, je le lui aurais quand même attribué, ce prix, à Mordillat, et en anglais : And the winner is… Cruelle punition : songez, un prix aussi érotique qu’une femme à barbe, déguisée en vestale. Et puis, ça m’aurait évité de rappeler que la rebelle de l’autre jour, pour avoir refusé de se rendre à la réception du prix, ce fut la jolie Delphine, que j’aime bien. On croit n’avoir obtenu que deux prix, et on se retrouve avec trois, rebellitude oblige.

Reste de galanterie ? Ça ne me plaît pas d’écorner la jolie dame. Que voulez-vous, on ne se refait pas : j’ai plus de mal à imaginer Mordillat le dos tourné, me demandant de lui remonter la fermeture éclair de sa robe, que la jolie Delphine. Vous savez, ce geste féminin : se présenter devant un être aimé, et puis donc se retourner et dire de sa jolie petite voix, s’il te pôlait, Seigneur, ou simplement papa, tu pourrais fermer ma robe ? Et pour nous aider à peaufiner cette atavique action, baisser un peu la tête, et présenter sa nuque, tandis que d’une main on remonte ses cheveux longs, en chignon. Cette pose si féminine, qui ne s’apprend pas lorsqu’on est un homme.

Tenez, encore ce matin, je l’ai vu faire à ma fille, âgée de cinq ans. Comme ça, naturellement. Petite graine de femme. Aucun de mes deux garçons n’a jamais fait ça. L’aîné, pourtant, aurait de quoi : les cheveux, chez les bobos, aujourd’hui se portent longs suffisamment. Mais peut-être, ces garçons, les éduqué-je mal ? Il faudra que j’en cause un jour avec Caroline Fourest, tiens, elle qui rêve, comme le rappelle Elisabeth Lévy, d’un monde sans hommes ni femmes “où l’on admettra que le genre peut être indéterminé ou choisi, et non dicté par le sexe biologique”. Caroline Fourest qui proclame : “Il faut espérer que la différence des sexes, si communément admise, sera un jour relativisée.” Bigre, j’ai hâte d’être à demain, pour voir ce monde homo ou lesbianisé. Ce monde où, pour reprendre un mot fameux du grand Chesterton, il n’y aura pas que les idées chrétiennes qui seront devenues folles. Pardon.

Oui, peut-être devrais-je préparer le terrain, prendre mes garçons entre quatre yeux et les contraindre à ce coming out pour le moment inédit : bon, avouez-le, les gars, que vous rêvez vous aussi d’ostenter votre nuque, non pour un viril sacrifice, façon Abraham, mais pour que je ferme deux ou trois boutons, à votre polo relatif. En essuyant la vaisselle, ça nous ferait bien rigoler, allez.

Tiens, un qui doit bien rigoler, en ce moment, c’est notre Président national. Lui, l’homme de la virilité assumée, il doit se passer en boucle ce clip vidéo si peu martial où l’on voit tous ces machos de l’UMP se trémousser le popotin. Le ridicule ne tue pas, il paraît. Mais enfin, pensais-je, en continuant le tri du linge familial, virilement penché sur mon fer, tandis que, pour garder mon entrain, je me repassais sur petit écran les exploits de Rocky Balboa assommant son sportif rival, mais enfin, ce clip, il a dû lui passer entre les mains, à Nicolas… Alors, pourquoi, pourquoi ce massacre ? Le ridicule ne tue pas ? Peut-être que si, mais à poison lent, doucement : qui, en effet, songeais-je, tandis qu’ils sont tous à se trémousser, les cadors de l’UMP, à ségoléniser festivement sur le futur bonheur qu’ils offriront au monde, qui, pendant ce temps-là, continue à passer pour le macho imperturbable, si ce n’est Nicolas ? Oui, il doit se le passer en boucle, ce clip niais, et bien rigoler, comme nous. Le passage le plus drôle, allez : celui où Gilbert Montagné est au volant d’une voiture, façon roi du pétrole. Au pays des politiciens borgnes, les aveugles conduisent en rois. Dans quelques années, lorsqu’il s’agira de voter, si les Français ont la mémoire courte, ce clip, Nicolas demandera sans doute à le sortir du purgatoire où il va bientôt tomber. La statue du chef, n’en sera qu’un peu plus exhaussée. Et les présentateurs du journal, à vingt heures, dévoileront sans ciller la figure du Commandeur qui aura conservé son trône : and the winner is… peut-être que d’ici là, ils seront passés à l’anglais.

Benjamin Lancar, le président des Jeunes Populaires, à l’origine de cette festive initiative, face à un Luc Ferry qui jugeait le clip « consternant » et « dégoulinant de bêtise », s’est défendu en affirmant : « Notre objectif était seulement de faire parler de nous et de nos actions. Le buzz prouve que nous avons eu raison.  Les gens ont l’image d’un parti uni et festif. » Oh la la. Et d’ajouter, pour aggraver son cas : « Vous imaginez Fabius, Aubry et DSK chanter ensemble dans un clip ? » Nous, malheureusement, on l’imagine très bien. Et c’est bien là tout le drame. Décidément, de nos jours, les prix se perdent, comme les claques. Fessemollitude, dégoulinitude, rigolitude, il faudrait un sondage, pour régler tout ça.

Les heures souterraines

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Nunzio Casalaspro est professeur et collabore notamment à la revue <em>L'Atelier du roman.</em>

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