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À Rome, fais comme les Barbares


À Rome, fais comme les Barbares

Rome

Récemment, j’ai lu Mélancolie française, ouvrage d’un certain Eric Zemmour, un journaliste qu’on aperçoit de temps à autre à la télévision. Il développe une thèse intéressante selon laquelle la France contemporaine souffrirait d’une mélancolie chronique, liée à son incapacité à être à la hauteur de l’audacieuse tâche historique qu’elle s’est fixée dès sa fondation : prendre le relais de l’Empire romain dans sa volonté de dominer et de pacifier de vastes territoires, sous le joug d’un régime inflexible, lui-même soumis à la loi de Dieu.

[access capability= »lire_inedits »]Le propos de Zemmour n’est pas sans rappeler celui que développe Peter Sloterdijk, dans un petit livre à la fois stimulant et désespérant intitulé Si l’Europe s’éveille. Sloterdijk y défend, lui aussi, l’idée suivant laquelle la dynamique politique et culturelle de l’Europe dans son ensemble résidait, lorsqu’elle existait encore, dans le modèle proposé aux pays européens par ce même Empire romain. Nous autres, barbares européens, voulions devenir romains, comme les Romains s’imaginaient héritiers des Grecs. « L’Europe, écrit Sloterdijk, se met en mouvement dans la mesure où elle parvient à revendiquer l’Empire qui existait avant elle, et à le transformer. » C’est l’abandon de ce projet qui a plongé la France dans la « mélancolie », et l’Allemagne dans « l’hébétude ».

À la lecture de ces deux ouvrages, je suis frappé de constater à quel point les formes politiques, autant peut-être que les évolutions sociologiques ou économiques, influencent les mentalités des populations qui leurs sont soumises. Du manque ontologique propre au christianisme qui, dans sa traduction politique, portait les populations européennes à tenter de se transcender dans un projet historique ambitieux et sanglant, nous sommes passés, sous le joug de la Commission organisatrice du vaste marché européen, à un narcissisme hâbleur et geignard. L’Europe, en devenant un spectateur passif de l’Histoire mondiale, a plongé ses populations dans l’autosatisfaction dépressive. Parfois donc, quelques essayistes talentueux, tels Sloterdijk ou Zemmour, viennent rappeler aux néo-Européens d’aujourd’hui que leurs aînés eurent des ambitions moins ternes que les leurs. En général, c’est assez mal pris.[/access]

Avril 2010 · N° 22

Article extrait du Magazine Causeur



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Florentin Piffard est modernologue en région parisienne. Il joue le rôle du père dans une famille recomposée, et nourrit aussi un blog pompeusement intitulé "Discours sauvages sur la modernité".

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