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Dominique trousse et cane ?


photo : kacacca (Flickr)

Le privilège de l’insomniaque est de pouvoir annoncer à ses contemporains les nouvelles étonnantes survenues dans la nuit, et de guetter les réactions sur le visage enchifrené de ses proches. « C’est une machination ! ». Telle fut la réaction de la personne avec qui je partage depuis quelques décennies le quotidien et le nocturne, lorsque je l’informai des ennuis tout récents du secrétaire général du Fonds monétaire international.

« Hélas, non !, la détrompé-je. J’aimerais bien qu’il en soit ainsi, mais la probabilité d’un piège tendu par une officine activée par un rival politique ou une quelconque mafia grecque est infinitésimale ». En effet, le scénario de l’affaire décrit par le menu dans le New York Times laisse peu de place au doute. Il rapporte un comportement dont furent victimes nombre de jeunes femmes qui ont été, dans le passé, amenées pour des raisons professionnelles, à se retrouver en tête à tête avec DSK. Ce serial dragueur est de ceux qui entendent « oui » quand elles disent « non », et qui jurent, une fois passé le pic de production hormonale, qu’ils ne repiqueront plus au truc. Jusqu’à la prochaine fois.

Certes, cette constatation ne réduit pas totalement à néant l’hypothèse d’une machination diabolique destinée à tuer politiquement le principal porteur d’espoir de la gauche française pour l’élection présidentielle. Mais son caractère hautement improbable tient au fait qu’elle aurait pu très facilement être déjouée par sa victime. L’hypothèse d’une affabulation complète ne résiste pas très longtemps à l’examen : si la femme de chambre avait tout inventé, pourquoi cette fuite précipitée ? Mais imaginons un instant que la femme de chambre, soudoyée par un homme de main des comploteurs, ait joué les allumeuses dans la suite à 3000$ la nuit occupée par DSK. En bonne logique, une petite lampe rouge aurait dû s’allumer dans les neurones de l’intéressé, qui fait l’objet d’une campagne insidieuse relative à son niveau de vie et l’acceptation d’un trajet dans la Porsche d’un ami. Se livrer à des galipettes ancillaires sur le sol américain après avoir senti, il y a deux ans, passer le vent du boulet dans l’affaire Piroska Nagy relève soit de la pathologie, soit d’un suicide politique dicté par l’inconscient.

Je pencherais plutôt pour la seconde hypothèse. DSK était coincé : les sondages, l’entourage, la force irrésistible du fatum le conduisaient vers une candidature qui était déjà pratiquement actée. Les premières salves d’attaques ad hominem – mise en doute de son ancrage dans le terroir français par Christian Jacob et Laurent Wauquiez, rappel de ses frasques sexuelles récentes, allusions à ses propriétés immobilières et à la fortune de son épouse – laissaient augurer de celles, encore plus violentes, qu’il allait devoir subir au cœur de la bataille. Il serait malvenu de le blâmer de s’être effrayé d’une castagne où les coups bas et la bave antisémite étaient à coup sûr au programme.

Qui ne paniquerait pas dans cette situation ? Un premier signe de nervosité s’est traduit la semaine dernière par la plainte déposée contre France-Soir qui avait prétendu que DSK s’habillait, à Washington, de costumes à 35 000 $ confectionnés par le fameux Georges de Paris. Faire condamner un canard trash, propriété du rejeton débile d’un oligarque russe, ne relève pas de la plus subtile des stratégies de communication politique.

La retraite en bon ordre était impossible : on ne titille pas ainsi la libido politique d’un peuple pour s’éclipser juste avant de conclure.
Le « meilleur-candidat-du-PS » avait donc besoin qu’un événement imprévu lui ouvre une porte de sortie, au besoin, s’il ne survenait pas spontanément, en le provoquant. L’inconscient de DSK a donc éteint la petite lampe rouge qui l’aurait empêché de faire une grosse bêtise.

La suite est lamentable, et le sera encore plus demain. Fuite de l’hôtel par la porte de derrière, sortie de l’avion d’Air France entre deux flics, nuit glauque dans un commissariat de police de Manhattan, comparution pas rasé devant le juge. Liberté sous caution, sans doute, mais perspective pas tout-à-fait exclue d’aller pour quelque temps taper le carton avec Bernard Madoff. Sans compter le « Bienvenue au club ! » que ne manquera pas de lui adresser l’ex-président israélien Moshe Katzav.

À la question rituelle de ma grand-mère « Est-ce que c’est bon pour nous ? », la réponse est « Mémé, tu me prends vraiment pour un idiot ? »



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