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Netanyahou victime du printemps arabe


Netanyahou victime du printemps arabe

S’il pensait trouver quelque répit en raison de la perplexité provoquée en Occident – au-delà de l’euphorie affichée – par les révoltes arabes, Benyamin Netanyahou a dû rapidement déchanter. Les événements de Tunisie, d’Égypte et alentours n’ont fait, bien au contraire, que renforcer la tendance des principaux acteurs de la scène politique mondiale à accentuer la pression sur Israël pour qu’il reprenne les négociations de paix avec l’Autorité palestinienne. Chaque jour qui passe représente un tour de vis supplémentaire réduisant l’espace où Bibi Netanyahou peut encore manœuvrer.

L’analyse qui prévaut actuellement dans les cercles dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne est qu’il ne faut pas se faire trop d’illusions sur le processus de démocratisation enclenché dans ces pays. Certes, les foules du Caire ou de Tunis n’ont pas brûlé Obama en effigie, ni hurlé des slogans réclamant la destruction de l’entité sioniste. Cependant, tout est encore possible, même le pire : les mouvements populaires, moteurs des révoltes tunisiennes et égyptiennes, n’ont pas encore fait émerger en leur sein des dirigeants ou des formations politiques démocratiques capables de s’imposer. En revanche, les formations islamistes (Ennahda en Tunisie et Frères musulmans en Égypte), fortement appuyées par la chaine Al Jazeera, dont l’influence s’est notablement accrue dans ces pays, se préparent sans bruit pour les prochaines échéances électorales. L’accueil triomphal réservé par un million d’Égyptiens au télé-prédicateur Youssef Al Qardawi n’a pas retenu toute l’attention qu’elle méritait dans nos grands médias. On se demande bien pourquoi…

Les États-Unis et les pays de l’Union européenne n’ont, pour l’heure, qu’une idée en tête : faire oublier aux sociétés arabes en ébullition leur soutien constant, par le passé, aux despotes déchus, au nom de la stabilité régionale et du danger islamo-terroriste. Pour restaurer leur crédibilité auprès d’une opinion publique qui aura désormais plus de poids sur ses nouveaux dirigeants que par le passé, ils doivent montrer qu’il sont capables d’imposer à Israël les concessions sans lesquelles un Etat palestinien ne saurait voir le jour : arrêt des constructions dans les implantations de Cisjordanie, fixation des frontières sur la base de celles de 1967, avec des aménagements mineurs sous forme d’échanges de territoires, Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien. Les spécialistes désignent cet ensemble sous le nom de « paramètres Clinton », car ils avaient été mis sur la table en 2000 par le président américain de l’époque.

L’évolution de la situation dans le monde arabe a aussi permis à Barack Obama de sortir de l’impasse où l’avait enfermé Benyamin Netanyahou en refusant de prolonger le moratoire sur les constructions dans les implantations. Avec une habileté certaine, il  a commencé par deux gestes qui démontrent, aux yeux des Israéliens et de leurs soutiens aux États-Unis (les organisations juives et une partie importante du Congrès) qu’il ne transige pas avec la sécurité de l’État juif et ne le laisse pas seul face au lynchage diplomatique onusien : le missile antimissile Hetz, conçu et réalisé par les Israéliens en collaboration avec Boeing vient d’être testé avec succès au large des côtes de Californie. Il devrait mettre à l’abri Israël des attaques de missiles à moyenne portée possédés actuellement par l’Iran et la Syrie.

D’autre part, l’administration Obama a opposé son véto à une résolution présentée au Conseil de Sécurité par les États arabes qui condamne très fermement la colonisation de la Cisjordanie. Ce véto était d’autant plus délicat que les termes de la résolution reprenaient quasiment mot pour mot des déclarations de la Maison Blanche ou du Département d’État sur la question…

Fait nouveau, l’ensemble des pays de l’UE actuellement membres du Conseil de sécurité – France et Grande-Bretagne, membres permanents, Allemagne et Portugal, membres pour 2011-2012 –  votent en faveur de cette résolution, alors qu’auparavant, lors de votes similaires, certains Européens, dont justement l’Allemagne et le Portugal, avaient voté contre ou s’étaient abstenus. Le Premier ministre israélien s’est fait sèchement rembarrer par Angela Merkel lorsqu’il l’a appelée pour se plaindre du vote allemand à l’ONU.

Pour la première fois, on sent donc que l’UE parle d’une seule voix pour faire comprendre à Bibi que ça va bien comme ça, et que s’il ne se bouge pas vite fait pour faire exister l’État palestinien, il risque de gros ennuis diplomatiques. Nicolas Sarkozy a exprimé ce même point de vue, avec ménagements, mais sans équivoque dans son discours au dîner du CRIF, et ce n’est pas l’arrivée de Juppé au Quai d’Orsay qui présage d’un assouplissement possible de la position française sur la question : le maire de Bordeaux est resté, sur ce point d’une orthodoxie chiraquienne sans faille. L’israélophilie galopante prêtée – à tort – à Nicolas Sarkozy lors de son entrée en fonction s’est en tout cas fracassée sur le mur d’incompréhension qui s’est établi entre lui et le premier ministre d’Israël lors de leurs divers tête-à-tête, notamment celui où Nicolas suggéra à Bibi de virer Avigdor Lieberman et de s’allier avec Tzipi Livni…

Le seul service que peuvent encore rendre les «  poids lourds » de l’UE à Israël c’est d’empêcher, pour un temps, quelques-uns des pays membres de l’Union d’imiter les Etats d’Amérique du Sud, qui, à la suite d’Hugo Chavez, ont formellement reconnu l’Etat palestinien dans les frontières de 1967. Cela démange notamment les pays nordiques et même le petit Luxembourg, dont le ministre des affaires étrangères, Jean Asselborn, vient de donner au quotidien anglophone israélien Jérusalem Post un entretien musclé et dépourvu de toutes circonvolutions diplomatiques. Il ne doit plus rester au Conseil européen que le prince Schwarzenberg, chef de la diplomatie tchèque, pour plaider la cause d’Israël dans cette instance.

On peut comprendre que le gouvernement israélien actuel ressente comme une injustice de se voir coller sur le dos la seule responsabilité du blocage des négociations de paix : pendant neuf mois sur les dix qu’a duré le moratoire sur les constructions en Cisjordanie imposé par Netanyahou, Mahmoud Abbas s’est refusé à revenir à la table de négociations. Mais c’est ainsi, et tous les grands dirigeants israéliens ont compris un jour qu’il était suicidaire d’avoir raison contre tous. Ben Gourion, Begin, Rabin et Sharon ont dû prendre sur eux et consentir à des mouvements qui ne leur procuraient aucune joie intime.

L’heure a donc sonné pour Benyamin Netanyahou de montrer qu’il peut se hisser à leur hauteur, pour ne pas de sortir de l’Histoire par la petite porte, comme Itzhak Shamir.



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