JDD: l’étrange sondage


JDD: l’étrange sondage

On peut se demander ce qui a pris le Journal du dimanche du 31 janvier, qu’on appelle parfois par son petit nom de JDD ?  Il a proposé un sondage pour le moins douteux.  En une, le titre, ça va encore : « Vivre ensemble. L’enquête qui inquiète. Antisémitisme et islam au cœur d’une étude Ipsos» Bon, ça sent bien le titre un peu putassier caché derrière une belle excuse « scientifique » mais en la matière, on a été habitués à bien pire.

En revanche, on se rend aux pages indiquées et là, il vaut mieux avoir le cœur bien accroché. Une question, notamment, interroge les sondés sur les « problèmes (comportements agressifs, insultes, agressions) » qu’ils ont « personnellement rencontré » avec différents groupes ethniques ou religieux au cours de l’année. Les catégories, proposées par Ipsos, sont les suivantes : Maghrébins, Roms, de confession musulmane, d’origine africaine, de confession catholique, de confession juive, d’origine asiatique.

Déjà, première anomalie : depuis quand, dans la république française, est-on classé de cette manière ? Ou plus exactement, en quoi cette classification est-elle pertinente pour « classer » (ficher ?) ceux qui vous auraient posé « des problèmes ». Pour l’anecdote, les réponses positives vont, dans l’ordre, de 29% (pour les Maghrébins) à 2% (pour les Asiatiques). Et d’en tirer les conclusions que les juifs vivent dans la peur, que les musulmans sont rejetés et que nous vivons une époque de « choc des religions ».

Et puis c’est quoi un « problème » ? Se faire insulter ? Voler sa bagnole ? Mitrailler à une terrasse ? Voir une femme en burqa dans la rue et ne pas apprécier la chose ?

Le plus choquant sans doute est la méthodologie utilisée pour ce sondage. On apprend en tout petits caractères qu’il  y a des « répondants juifs » et des « répondants musulmans » Apparemment pas de répondants roms, africains, asiatiques. Ou alors ceux-ci sont confondus avec l’ensemble des Français, indiqué comme première catégorie répondante, ce qui sous entendrait que juifs et musulmans ne font pas partie de l’ensemble des Français… Sans compter que le journal reste très flou sur ce qui a fait qu’un sondé se définisse comme juif et un autre comme musulman. Je le comprends, d’ailleurs, le sondé : l’idée de me définir comme catholique, par exemple, ce que je suis puisque je suis baptisé, que j’ai communié et même que je suis confirmé, me semblerait totalement incongrue pour être interrogé dans un sondage, sauf un sondage qui porterait sur la pratique religieuse et la déchristianisation de la société, par exemple.

Sous prétexte, en plus, d’éclaircir la situation, le sondage pose des questions qui incitent ouvertement à des représentations racistes. Ainsi demande-t-on aux sondés musulmans et à l’ensemble de la population s’ils pensent par exemple, que les juifs sont plus intelligents que la moyenne ou s’ils sont trop nombreux en France. On demande aussi si ça vous gênerait de voir votre fille épouser un noir. Même en prenant hypocritement la précaution qui consiste à dire, par exemple, dans la question « Voilà des opinions que l’on entend parfois à propos des juifs »,  eh bien même, là, ce ne sont pas des opinions, mais des préjugés, désolé…

Outre le côté pompier pyromane d’un tel sondage dans un contexte comme celui de la France post-13 novembre, il pose deux problèmes. Le premier, on le connaît, il est inhérent aux sondages. On leur fait dire ce qu’on veut et même on peut leur faire fabriquer l’opinion qui arrange ceux qui les commandent. Qui va faire croire que Macron est l’homme politique le plus populaire du moment ? Et pourtant les sondages le disent. Il est vrai que si la question est « Préférez vous dire que Macron est sympathique et a de bonnes idées ou voir votre maison brûler, votre femme vous quitter et vos enfants devenir drogués ? » il y a de fortes chances que Macron s’en sorte bien. Le deuxième, c’est que cette grille de lecture de la France est totalement communautariste, pour ne pas dire pire.

Une « enquête hors norme » qu’ils disent au JDD. Effectivement. Tout ça sous prétexte de pousser un cri d’alarme. Contre quoi ? Le communautarisme ? Alors on ferait mieux d’éviter, pour ce faire, de parler comme l’adversaire qu’on veut combattre.



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