L’UMPS, c’est l’avenir!


L’UMPS, c’est l’avenir!

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NDLR : Cet article a été rédigé avant le premier tour des élections régionales.

Y penser toujours, n’en parler jamais : c’est pour avoir enfreint cette règle élémentaire du savoir-vivre, plus encore du savoir-vivre politique, que Manuel Valls s’est fait étriller par la droite comme par la gauche, avant les attentats de Paris. La faute du Premier ministre ? Avoir déclaré publiquement qu’il n’était pas question, d’après lui, de laisser le FN emporter une région lors du prochain scrutin de décembre. Et d’avoir envisagé, en conséquence, la possibilité d’une alliance gauche-droite entre les deux tours, une alliance PS-Les Républicains, pour faire barrage à la formation frontiste là où elle pourrait être en situation de gagner : dans le Nord-Picardie, avec Marine Le Pen, en Provence, avec sa nièce Marion, voire dans le Grand Est avec son premier lieutenant, Florian Philippot.

Non au retour du refoulé ! Pour la droite, la perspective de renouer avec la stratégie dite de front républicain est d’autant plus inacceptable qu’elle l’a abandonnée durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy au profit d’un « ni-ni », ni FN ni PS. Il s’agissait alors de tirer la conséquence de ce que nombre d’analystes présentent comme « la droitisation » de la société française : la droite ne pouvait plus donner de signes de connivence avec la gauche sous peine de voir de nouveaux pans de son électorat basculer vers le FN. Renoncer au ni-ni au temps de l’afflux de migrants et du terrorisme islamique constituerait un contresens.[access capability= »lire_inedits »]

Pour la gauche, la faute de Valls est d’un autre ordre : parier sur la défaite avant que la bataille ait été livrée ! Dans les trois régions concernées, les sondages donnent en effet les candidats des Républicains assez nettement devant les candidats socialistes. Pour beaucoup, à gauche, le Premier ministre anticipe une débâcle en demandant au PS d’être prêt à se ranger, piteusement, derrière la droite. Or, pour les socialistes du Nord, par exemple, la messe n’est pas dite : ils ne désespèrent pas de conserver la région, à la faveur d’une triangulaire.

Mais pour la droite comme pour la gauche, la vraie faute de Valls est ailleurs : donner de la consistance à l’UMPS, ce fantôme de la vie politique française que Marine Le Pen dénonce sur tous les tons depuis plusieurs années. C’est notamment pour éloigner ce fantôme que Nicolas Sarkozy a rebaptisé l’UMP pour en faire Les Républicains. À droite comme à gauche, beaucoup en sont persuadés : dans la perspective de la présidentielle de 2017, ce serait faire un formidable cadeau à la présidente du FN que de valider son analyse sur la gémellité des partis dits de gouvernement. Ce serait d’autant plus irresponsable qu’un éventuel front républicain dans le Nord ou en Provence n’empêcherait pas nécessairement une victoire du FN : la France d’en bas se soucie désormais comme d’une guigne des consignes des états-majors.

Et pourtant, n’en déplaise à ma directrice préférée, je suis convaincu que Valls a raison : l’UMPS, c’est l’avenir ! Si gouverner, c’est prévoir, y compris en matière électorale, comment écarter la possibilité que le FN soit en pole position dans une ou plusieurs régions au soir du premier tour ? Rien n’est sûr, évidemment, mais le climat ambiant autour de l’immigration et du terrorisme paraît plutôt de nature à booster le parti de Marine Le Pen qu’à le freiner. Et comment la droite comme la gauche pourraient-elles considérer une éventuelle victoire régionale du FN comme un… détail ? Le monde entier y verra le signe que la France est définitivement le pays malade de l’Europe.

Il y a des moments où, même en politique, on ne peut plus tricher. On ne peut plus tricher avec le réel. Le temps où la vie politique se résumait à un duel droite-gauche est révolu. La droite comme la gauche de gouvernement ne représentent plus qu’un quart de l’électorat. Un peu plus pour les Républicains, grâce à leur alliance avec le centre, un peu moins pour le PS, à cause du rejet de François Hollande. Le reste, c’est un FN qui représente aussi un quart de l’électorat, et que sa « marinisation » empêche dorénavant de classer mécaniquement dans un camp : son discours économique s’apparente à celui de la CGT. Dans ces conditions, l’union des droites relève du fantasme. Le reste, c’est aussi une gauche radicale, nettement moins forte que le FN, mais qui a juré la perte du PS. Dans ces conditions, l’union de la gauche relève du mirage.

Devant cet éclatement de la représentation politique, comment dégager une majorité cohérente, susceptible de gouverner vraiment, pas seulement d’accumuler des réformettes, comme c’est le cas depuis quinze ans ? Aujourd’hui, il n’y en a qu’une : l’UMPS ! En politique comme au judo, il n’est pas interdit de retourner les arguments de ses adversaires contre eux. Marine Le Pen présente avec constance l’UMPS comme un repoussoir. Pourquoi ne pas en faire un projet attractif ? Impossible ? Impossible de considérer une mixture amère comme un philtre d’amour ? Personne n’est obligé de tomber en pâmoison, mais regardons nos voisins : il y a une décennie, le pays malade de l’Europe s’appelait l’Allemagne. Comment s’est-il – spectaculairement – rétabli ? Grâce à l’UMPS, à la mode germanique. C’est une grande coalition dirigée par un social-démocrate, Gerhard Schröder, qui a rendu l’économie allemande à nouveau performante. Et c’est une grande coalition dirigée par une chrétienne-démocrate, Angela Merkel, qui a corrigé les excès de cette cure libérale, avec la création d’un Smic. Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des pays, outre-Rhin, mais la France est aujourd’hui condamnée au suivisme du grand frère allemand à cause de l’anémie de son économie et de son incapacité à refonder son modèle républicain.

Marine Le Pen a raison : l’UMPS existe. Sur la plupart des dossiers, la distance est beaucoup moins grande entre Hollande et Sarkozy qu’entre Valls et Mélenchon. La gauche et la droite de [idem, du, du ?] gouvernement échappent à la phobie antilibérale qui règne aussi bien au Front national qu’au Front de gauche : les deux fronts constituent objectivement l’autre bloc homogène, mais qui ne peut se coaliser à cause de la question de l’immigration, centrale pour l’un, marginale pour l’autre.

La France a rendez-vous avec l’UMPS. Pas forcément à l’occasion des élections régionales, le climat d’union nationale qui a régné après les attentats s’étant vite dissipé. Les Républicains et le PS espèrent échapper à une fusion de leurs listes partout en France : Sarkozy table sur un retrait pur et simple des candidats PS dans les régions où il y aura un danger FN. Le vrai rendez-vous, c’est l’élection présidentielle de 2017. La qualification de Marine Le Pen pour le second tour n’est pas acquise mais elle est probable. L’élu de 2017, qu’il s’appelle Sarkozy, Hollande, Juppé ou X, sera donc selon toute vraisemblance un élu UMPS. Comme Chirac en 2002. Il y avait alors eu un consensus gauche-droite pour laisser l’UMP aux manettes. Il faudra en 2017 un consensus inverse pour que la droite et la gauche assument leurs responsabilités, au-delà de leurs différences. C’est la seule voie pour que la France cesse de faire du surplace où elle « marine » depuis 2002.[/access]

*Photo : © AFP DENIS CHARLET.

Décembre 2015 #30

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste et essayiste, auteur des Beaufs de gauche et de La Gauche et la préférence immigrée.

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