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Anne Martelle sous la lumière de Turner

Les Dessous chics


Anne Martelle sous la lumière de Turner
Exposition de peinture d'Anne Martelle, à Amiens, décembre 2025 © Photo Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Coupe de crémant de Loire à la main, ma Sauvageonne baguenaudait de toile en toile, des marines pour la plupart. Je l’observais ; elle contemplait les jolies toiles d’Anne Martelle qui exposait le temps d’un week-end, à la galerie de la Dodane, à Amiens. (Il s’agissait de sa huitième exposition ; elle est restée cinq ans sans peindre car elle était trop prise par son travail). Oui, j’observais mon ébouriffée, gracieuse, élégante, sensuelle et féline, petite panthère blonde, attentive, passionnée par le moindre détail, elle, peintre dans l’âme. Elle devait avoir envie de toucher, mais, bien élevée, s’abstenait ; toucher pour découvrir la texture, la peinture, la toile. C’est beau de voir son amour qui ne pense plus à vous, captivée par une expression qui est aussi la sienne. Je savais qu’elle viendrait me retrouver dès que j’approcherais Anne pour lui poser quelques questions. Car, cette fois, ce n’était pas ma Sauvageonne qui m’avait convié à l’exposition, mais bien moi. En effet, je connais l’artiste depuis de nombreuses années. Après des études de droit, elle a travaillé pour Radio France Picardie (aujourd’hui Ici Picardie) ; c’est là que nous nous sommes rencontrés. Mais c’est surtout au sein de la librairie familiale où elle a œuvré à partir des années 90, que nous sommes devenus amis. (Elle avait l’amabilité de m’inviter à donner une conférence-débat au sein de la librairie Martelle dès que je publiais un nouveau livre). Ensuite, elle s’investit au sein du Syndicat de la librairie française dont elle assura la présidence de 2020 à 2024. Mais c’est l’art qui la taraudait.

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En 2002, elle avait rejoint l’atelier de Bruno Lebel (Premier Grand prix de Rome de sculpture) à La Chaussée-Tirancourt où elle travailla jusqu’à la disparition du regretté enseignant. « Bruno Lebel ne donnait pas de cours ; il donnait des conseils », explique-t-elle. « En revanche, il nous disait de lui proposer quelque chose, de lui faire voir un de nos tableaux. Il était capable de nous dire, sur deux centimètres carré de la toile : « Voyez, là il se passe quelque chose. » A partir de ces deux centimètres carrés, on parvenait à travailler et à grandir. » Ses thèmes de prédilection ? La mer et l’eau. « J’ai des racines bretonnes très ancrées. Le Morbihan ; la Bretagne de la mer », précise-t-elle. « L’eau est toujours présente dans mon histoire. Ici, en Picardie, j’ai décidé de m’intéresser aux marais. Tout ce qui a trait à l’eau et ce qui se passe autour. Je ne fais jamais de portraits et si je dessinais une personne, je pense qu’elle serait de dos. Le portrait est très figuratif, très personnel. Je préfère suggérer. Je peins et je veux que chaque personne puisse lire ce qu’elle veut dans mon tableau. Sur une toile, j’ai peint deux petits personnages qui regardent la mer, mais on ne voit pas leurs visages. Je trouve que c’est plus facile pour le spectateur de rentrer dans le tableau. Et de se dire : « Tiens, ça peut être moi avec mon amoureux ou mon amoureuse. Ou mes enfants. » Elle qualifie joliment son style de contemplatif, un genre qui n’existe pas. Son peintre préféré ? Turner, « car il y a beaucoup de lumière dans ses œuvres. Dans la présente exposition, certains de mes tableaux sont assez figuratifs, mais je travaille plus souvent sur l’abstraction nourrie de lumière. J’ai découvert Turner quand j’avais quinze ans ; je l’ai toujours eu dans ma tête. Je pleure devant une toile de Turner ! On est aspiré par la lumière. Turner était extraordinaire ; il ne vernissait pas ses toiles car il était capable, lors des accrochages, de retoucher ses œuvres. Il existe une photo où on le voit muni d’une grande perche équipée d’un pinceau ; il est en train de remettre une couche à un endroit précis. » Ses pistes de travail ? Peindre à partir des petits personnages qui tournent le dos. Un beau projet original.




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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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