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Réseaux sociaux et crépuscule de la presse officielle

Le billet d’Ivan Rioufol


Réseaux sociaux et crépuscule de la presse officielle
Le journaliste et polémiste Ivan Rioufol © Hannah Assouline

Labelliser les médias ? Le combat du fameux « cercle de la raison » contre les nouvelles libertés numériques est perdu d’avance, observe Ivan Rioufol. Les médias traditionnels et connivents avec les pouvoirs sont dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux, fake news) forcent les journalistes à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés.


La révolution numérique est une aubaine pour la démocratie en rade. Cette technologie, utilisée par 94% des ménages, rend vaines les tentatives désespérées d’Emmanuel Macronpour contrôler l’opinion populaire. Une mer qui monte ne s’arrête pas avec des interdits. L’obsession du chef de l’État visant à mettre sous surveillance les réseaux sociaux lui fait commettre des embardées liberticides. Elles dévoilent sa pente manichéenne et sectaire : un anachronisme alors que partout la parole se libère.

Dès son premier mandat, j’avais alerté sur ses initiatives qui, au prétexte de traquer des « fake news » et des « propos haineux », impliquaient le pouvoir politique dans la police de la pensée. Ses derniers projets pour installer une labellisation de l’information par des professionnels et pour prévoir des actions en référé contre des « désinformations », relèvent de cette incapacité du chef de l’Etat, en guerre contre le « populisme », à admettre les critiques non homologuées par l’incestueux système politico-médiatique. Lundi soir, l’Elysée a été jusqu’à publier une vidéo dénonçant des commentaires tenus sur CNews par Pascal Praud et Philippe de Villiers. Mais cette maladresse puérile d’un président esseulé ne fait qu’étaler les failles intimes du Narcisse blessé. « La vraie dictature est là, en Russie », a-t-il lancé ce même jour en recevant Volodimir Zelenski. Or, la macrocrature se rapproche des régimes totalitaires qu’elle sermonne en multipliant les obstacles et les intimidations à la libre expression, sur l’internet et l’audiovisuel, et en mobilisant la presse de cour, singulièrement les médias financés par l’Etat, pour décréter la vérité (pravda, en russe).

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En réalité la macronie laisse voir, dans son appétit pour les censures et les rappels à l’ordre de ses chiens de garde, les ultimes soubresauts d’un pouvoir ébranlé par le nouveau monde qui vient. Les oligarchies politiques et médiatiques sont vouées à disparaître sous la force irrépressible de la démocratie numérique. Elle fait de chaque individu l’acteur potentiel d’une démocratie décentralisée, localisée, horizontale, participative, informée, éduquée. Les médias traditionnels sont dès à présent dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux) forcent la profession à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés. Le quatrième pouvoir n’est plus dévolu à la presse connivente qui ne joue plus son rôle de contre-pouvoir. Ce dernier est représenté par l’indomptable internet, qui irrite tant Macron. Les succès des pétitions numériques, dernièrement contre l’immigration ou la loi Duplomb, forcent les politiques à penser ce nouveau monde en rupture avec les anciennes pratiques confisquées par les castes et leurs experts cooptés. 

« Tout devient soumis à consultation », admet Robin Rivaton, dans une note de décembre pour la Fondapol[1]. Dans cette conception novatrice de la politique, Macron symbolise le modèle déphasé. Ses combats contre les libertés sont honteux. Surtout, ils sont perdus d’avance.


[1] Contre la bureaucratie, la compétence du peuple, Fondation pour l’Innovation Politique



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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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