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Manuel Valls: «J’ai connu le pouvoir, le succès, la chute et le rejet»

Entretien fleuve avec l'ancien Premier ministre socialiste (2014-2016)


Manuel Valls: «J’ai connu le pouvoir, le succès, la chute et le rejet»
Manuel Valls photographié en 2022 © Jacques Witt/SIPA

L’ancien Premier ministre publie Le courage guidait leurs pas (Tallandier, 2023). Il a répondu à nos questions.


Frédéric Magellan. Dans un livre intitulé Le courage guidait leurs pas, vous dessinez le portrait de 12 personnalités. En fait, vous trichez un peu, puisqu’en comptant les 343 « salopes » du manifeste de 1971, ça fait 354 personnages !

Manuel Valls. Vous avez repéré ma ruse… Et je m’en explique dans le livre. Il m’aurait été tout à fait possible d’illustrer le combat féministe des années 70 par une seule grande figure, Gisèle Halimi ou évidemment Simone Veil. La France ne manque pas de femmes illustres ayant combattu pour leur émancipation. Ce qui m’intéresse dans le manifeste des 343, c’est la dimension collective de cette démarche, née de la somme de courages individuels. Mais, c’est aussi et surtout sa manière de nous éclairer sur l’évolution du visage du féminisme en France. Loin d’être dirigé contre les hommes, le combat s’organisait contre un ordre réactionnaire et patriarcal. Il revendiquait de nouveaux droits et l’égalité. Dans les combats féministes, femmes et hommes étaient alliés, pour ceux qui souhaitaient y prendre leur part. Je regrette aujourd’hui ce sectarisme qui vise à séparer hommes et femmes. Comme Elisabeth Badinter, je pense que tout ce qui est perdu sur le terrain de l’universel l’est aussi sur le terrain de l’égalité. Ensemble, nous sommes toujours plus forts, comme en Iran, où beaucoup d’hommes sont aux côtés de ces femmes exceptionnelles et courageuses qui se battent pour la liberté en refusant l’obligation du port du voile.

Vous dédiez vos deux premiers portraits à Charb, assassiné dans les circonstances que l’on sait, et à Sébastien Castellion, théologien protestant du XVIème siècle qui s’est opposé au fanatisme religieux. Vous évoquez aussi la figure de Michel Servet, qui a réussi l’exploit (si l’on peut dire) de voir son effigie brulée par l’Inquisition, avant de passer sur le bucher pour de vrai sous la théocratie genevoise de Jean Calvin. Si vous n’aviez pas été Premier ministre pendant les douloureuses années 2015-2016, auriez-vous accordé une telle importance à la dénonciation du fanatisme religieux dans votre ouvrage?

Oui, je le crois. J’ai été élevé d’abord dans un milieu catholique extrêmement tolérant. De mes lectures – Zweig, Koestler, Camus, Mauriac – et des discussions familiales autour de la guerre civile espagnole et de ses atrocités, j’ai retiré un élixir de nuances. Ensuite il ne m’a pas fallu attendre mon mandat de Premier ministre pour comprendre le danger qui nous guettait. Maire d’Evry, j’assistais déjà à la montée de l’islam politique radical et à la résurgence de l’antisémitisme dans les quartiers populaires – lequel est toujours annonciateur des pires drames dans l’histoire de l’humanité. Les attentats de Toulouse et Montauban en 2012, et ma prise de fonction au ministère de l’Intérieur n’ont fait que décupler mes craintes. Mon parcours politique a donc été marqué très tôt par la menace du fanatisme religieux. Mais j’ai aussi la conviction profonde que la laïcité et la défense inlassable de nos valeurs républicaines sont nos seules options. Cela passe par la dénonciation de toute forme de radicalité. Nous sommes une terre de valeurs universelles, une terre dont les racines chrétiennes sont profondes et dont le destin est aussi lié au judaïsme ; une terre d’accueil à d’autres confessions, dont l’islam. L’oublier, c’est courir le risque de disparaître. Difficile de croire aujourd’hui en une démocratie apaisée tenue à l’écart des fracas du monde. La période 2015-2016 est une bascule dans notre histoire qui nous ramène à d’anciens combats que l’on ne s’imaginait plus explorer par excès de confiance en l’immuabilité de nos victoires passées.


Vous écrivez qu’ « une société fière de ses principes et de son histoire fait plus envie qu’un modèle fissuré par le doute et la haine de soi ». C’est un véritable réquisitoire contre la gauche des 40 dernières années que vous faites là, SOS Racisme et loi Taubira en tête, non ?

Bien au contraire. Être fier de l’histoire de son pays c’est aussi en reconnaître les passages les plus sombres. En ce sens, la loi Taubira de 2001 est essentielle, c’est là l’honneur de la République. La traite et l’esclavage sont des crimes contre l’humanité dont s’est rendue coupable la France par le passé. J’aurais pu en faire état différemment dans mon livre, en rappelant la dignité et le courage de certains esclaves insurgés se battant contre l’injustice, pour la liberté. Le courage aussi d’un homme, Victor Schoelcher, sans qui le décret d’abolition de l’esclavage n’aurait jamais vu le jour. Je crois cependant qu’il est urgent de retrouver une mémoire éduquée face à notre histoire. Les récents mouvements de contestation de l’histoire européenne témoignent d’une faille dans l’apaisement de la mémoire : le déboulonnage de statues est sans conteste une forme de révisionnisme. Je combats le wokisme et la cancel culture à l’œuvre dans nos universités et dans les médias. La mémoire doit redonner du sens, elle est le ciment de notre récit national. Partagée, apaisée, elle nous arme contre le racisme, l’antisémitisme, les actes antimusulmans, antichrétiens, la xénophobie, la haine de l’autre, contre les préjugés et les discriminations – toutes ces formes odieuses d’intolérance qui continuent de nous emprisonner et d’empoisonner nos sociétés.

Vous revenez ensuite sur la figure de Georges Clemenceau, l’un de vos glorieux prédécesseurs à la tête du ministère de l’Intérieur. Vous rappelez son engagement dans l’affaire Dreyfus et son anticolonialisme. Vous laissez toutefois de côté son rôle dans la conquête du Maroc et le triste sort de son épouse américaine, Mary Plummer. Ne craignez-vous pas que les « décoloniaux » et les néo-féministes ne vous tombent dessus avec ces fâcheux oublis ?

Cette question rejoint la précédente. La mémoire ne doit pas désunir. Elle doit au contraire refermer les fractures et rassembler. Toutes les pages sombres de l’histoire de l’humanité doivent être dénoncées dans leur singularité. Déracinée, elle s’est réinventée. Il faut éduquer, connaître notre histoire et contextualiser. Dans mon ouvrage, je mets en valeur des figures courageuses. En ce sens, Clemenceau a toute sa place dans le livre en républicain de la première heure, dreyfusard et fervent opposant à la peine de mort. Je n’ai pas peur de le dire : sur l’essentiel il ne s’est jamais trompé ! Regardez son soutien aux impressionnistes et à son ami Claude Monet. Le courage est une vertu, un mélange de conviction, de valeur et de vérité. Loin de tout sectarisme, nous devrions être capables, par exemple, de célébrer le courage d’un Chirac au moment de reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation des juifs ou d’un Sarkozy face à la crise financière de 2008. Les normes et les valeurs de l’époque de Clémenceau sont bien différentes de celles que nous défendons aujourd’hui. Inscrire Clémenceau dans le contexte actuel n’aurait donc aucun sens. Cessons de projeter dans le passé nos obsessions et nos débats actuels.

Vous écrivez : « [Si Clemenceau] était mort avant la guerre, ou s’il s’était retiré de la vie politique, son image aurait été tout autre. Forte, bien sûr, mais aussi négative. Il acquiert pour sa férocité dans ses discours le surnom de « Tigre ». On aurait conservé le souvenir du « tombeur de ministères », resté dans l’opposition pendant la plus grande partie de sa carrière à l’exception de ses trois années de président du Conseil et de ministre de l’Intérieur (1906-1909). Les historiens auraient médité sur le mystère de cette destinée avortée, sur les promesses non tenues d’un talent si irréfutable ». Rassurez-nous, vous ne parlez pas de vous dans ce passage ? Attendez-vous, tapi dans l’ombre, le grand événement historique qui vous remettra en selle ?

Je vous vois venir… La politique est une affaire de récit et de valeurs. Les historiens sont les messagers des valeurs que les femmes et les hommes d’État ont su imposer, et l’histoire le témoin du récit auquel nous choisissons de croire. Plus marquant au regard de votre question, je m’étonne que vous ne choisissiez pas de citer plutôt la fin du paragraphe : « C’est là la beauté de la politique : rien n’est joué jusqu’à l’ultime étincelle de vie. Quelques mots inscrits sur la dernière page changent l’interprétation du livre tout entier ». Des évènements historiques, j’en ai vécu dans la période 2015-2016. La République a souffert. La brutalité de l’exercice du pouvoir et ma lutte obsessionnelle contre le terrorisme ne m’ont pas fait ressortir entier de Matignon. Je ne me lis pas dans ces lignes et je reste très humble face aux immenses personnages que j’ai décrits dans mon livre. Aujourd’hui, je m’exprime librement, et je ne vais pas me taire face aux sujets qui me tiennent à cœur. Je continue mon combat au nom de l’idée que je me fais de la République et de la France. Ceux qui pensaient à la fin de l’histoire se rendent compte que de nombreuses batailles sont encore à mener.

Georges Clemenceau et Louise Michel ont su rester amis après la Commune, bien que Clemenceau soit parti politiquement vers l’aile droite de la gauche, tandis que Louise Michel est restée anarchiste. Comment ne pas voir un clin d’œil à votre discours sur « les deux gauches irréconciliables » ?

L’amitié entre Louise Michel et Georges Clémenceau est improbable. Les admirateurs de ces deux figures emblématiques s’excluent réciproquement par les divergences sur leur vision de la République. Pourtant, ces deux personnages partagent une certaine idée de la justice sociale et de la liberté. Leur sollicitude envers les pauvres les rapproche inévitablement, tout comme l’idée d’une République égalitaire ou encore leur opposition viscérale au républicanisme modéré de Gambetta ou Jules Ferry. Cela ne signifie pas pour autant que leurs désaccords politiques ont été effacés ou minimisés. Je m’interroge d’ailleurs : leur amitié aurait-elle survécu à la prise de pouvoir de Clémenceau, si Michel n’était pas décédée une année plus tôt ? Lorsque j’ai averti que la gauche pouvait mourir, faisant écho aux deux gauches irréconciliables, je cherchais à ce que les républicains se distinguent définitivement des communautaristes, qu’il faut combattre. Progressivement, de nouveaux militants ont dénié aux partis de gauche et aux associations antiracistes traditionnelles le droit de les représenter, proposant une nouvelle lecture radicale et raciale de la société française, structurellement inégalitaire à leurs yeux et intrinsèquement raciste. Face à cela, c’est aux véritables républicains des deux bords de s’unir pour défendre nos valeurs et leur redonner du sens.

Vous évoquez dans votre livre de Gaulle et Churchill, à travers leurs discours de juin 40. Il y a une chose que vous manquez peut-être : les deux sont « chassés » du pouvoir dès que la guerre se termine, l’un par le personnel de la IVème République, l’autre par les urnes. Vous-même, qui restez associé aux années peut-être les plus douloureuses que la France métropolitaine ait connu depuis 1945, vous avez été mis dehors lors des primaires socialistes de 2016 et encore rejeté en juin dernier lors des législatives. Est-il facile de revenir dans le jeu politique quand on est associé à de tels événements (la Seconde guerre ou la séquence 2015-2016) ? Les gens n’ont-ils pas envie de tourner la page et d’avoir de nouvelles têtes aux commandes ?

C’est effectivement ce que l’on aurait pu penser en 2017 avec l’élection d’un président de la République jeune, promettant un renouveau démocratique et un nouvel horizon dans le paysage politique français loin des partis traditionnels. Cependant, les résultats des dernières élections ne vont pas tout à fait dans votre sens. En tête du triangle « vainqueur » du premier tour, deux figures historiques du paysage politique français sont parvenues à s’imposer : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. À droite, jamais les voix de ses représentants ne se sont autant revendiqué plus gaullistes que de Gaulle lui-même. Nos sociétés sont travaillées par des inquiétudes profondes, identitaires, écologiques, sécuritaires, sociales… Moins qu’une volonté de tourner la page, les Français attendent d’être entendus, d’être défendus. Dès lors, la question est de savoir qui sera le plus proche des préoccupations du peuple, quel récit national saura s’imposer dans une nation en quête de sens. Au fait… De Gaulle et Churchill sont revenus quelques années après… Ne l’oubliez pas.

Vous consacrez un chapitre à la guerre d’Espagne, à travers la figure d’André Malraux et son livre L’Espoir. Sur ce sujet, vous semblez refuser le manichéisme. Reprendriez-vous les mots de Felipe Gonzalez, Premier ministre espagnol socialiste qui déclarait en 1986 : « Le gouvernement veut honorer et exalter la mémoire de ceux qui à tout moment ont contribué avec effort, et beaucoup d’entre eux avec leur vie, à la défense de la liberté et de la démocratie en Espagne (…). Et il rappelle aussi avec respect ceux, qui dans des positions différentes à celles de l’Espagne démocratique, ont lutté pour une société différente, pour laquelle ils ont sacrifié leur propre existence » ?

Dans une guerre civile, aucune place n’est laissée aux modérés. La guerre d’Espagne a profondément marqué mon histoire familiale, ponctuant mon enfance de débats passionnés me vaccinant effectivement contre tout manichéisme. Cette citation de Felipe Gonzalez s’inscrit entièrement dans cette démarche, avec pour unique volonté de sceller la réconciliation de tous les Espagnols. 50 ans après, il traduisait par ses mots la volonté de réparation des torts et des souffrances entre républicains et franquistes. Cette vision avait déjà permis une transition pacifique et exemplaire en Espagne grâce au Roi Juan Carlos, au Premier ministre Adolfo Suárez mais aussi au communiste Santiago Carillo. Avoir le courage de la nuance face aux évènements complexes est un réel défi. Une denrée rare qui manque pour construire les bases d’un débat apaisé et d’une nation unie face à une mémoire historique tourmentée.

À vous lire, on comprend que vous êtes non seulement un républicain assez sourcilleux, mais surtout un Européen. C’est peut-être cela qui vous a conduit à briguer la mairie de Barcelone après avoir occupé les plus hautes fonctions en France… Comprenez-vous que cela ait pu heurter des gens de droite, y compris ceux qui vous appréciaient (et il y en a, je vous assure, la très libérale Sophie de Menthon appelait à voter pour vous lors de la primaire de 2011) ?

J’assume mes doutes et mes contradictions. À la tête du gouvernement français, ma responsabilité était immense. Chacune de mes décisions engageait le peuple entier. Aujourd’hui, c’est en simple citoyen que je fais mes choix pour mon destin. C’est en citoyen libre que j’ai décidé de quitter en 2018 le pays qui m’a vu grandir, pour celui qui m’a vu naître, fermant par la-même le rideau sur une période d’une grande violence tant sur le plan politique que personnel. Je me suis reconstruit à Barcelone, et y ai rencontré la femme que j’aime [1]. Mon départ en Espagne n’a rien changé à la vision à laquelle je crois pour la France. Je suis revenu plus Français que jamais, fort des mots de Romain Gary: je n’ai pas une goutte de sang français mais la France coule dans mes veines ! 

Vous qui êtes amateur de football, vous savez bien que les joueurs français ont rarement réussi au FC Barcelone, de Christophe Dugarry à Antoine Griezmann… C’était la mairie de Madrid, là où ont tant brillé Kopa et Zidane, qu’il fallait briguer !

Provocation ! Thierry Henry ou Éric Abidal, parmi d’autres, ont laissé leur empreinte dans l’histoire du club ! Vous ne réussirez pas à me déstabiliser… (rires)

Vous présentez dans le livre la figure de Jean-Marie Tjibaou comme le Mandela néo-calédonien, puisqu’il a évité une possible escalade vers la guerre civile en acceptant de serrer la main de son adversaire Jacques Lafleur. Vous montrez votre attachement au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France, malgré les vicissitudes de l’histoire. Mais l’archipel vote tous les trois ou cinq ans au sujet de son indépendance, avec un mode de scrutin peu favorable aux Européens, et les puissances du Pacifique ont bien envie de nous voir déguerpir…

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est lourde, faite de blessures et d’humiliations auxquelles la France n’est pas étrangère. Je me suis souvent interrogé sur la place importante qu’occupait le Caillou dans notre histoire. Elle vient sans doute de la volonté des Kanakset des Caldoches, des Mélanésiens et des Européens de tracer un destin commun. Sur place, tout nous rappelle un passé tourmenté, mais tout nous parle aussi de la paix si chèrement acquise. Jean-Marie Tjibaou en fit l’un des emblèmes et le paiera de sa vie. Malgré mon attachement à l’archipel et mes craintes face aux dangers de son indépendance, j’ai toujours cru qu’il revenait aux Calédoniens d’écrire leur histoire. Le dernier référendum a porté une nouvelle fois le « non » en tête, malgré les contestations venues des indépendantistes. À présent, il faut avancer dans le dialogue. La Nouvelle-Calédonie sera plus forte avec la France et la France plus belle avec la Nouvelle-Calédonie.

Vous ne m’en voudrez pas de trop de revenir à présent sur des sujets bassement politiques. On se souvient qu’au moment où vous annonciez irréconciliables les deux gauches, la vôtre et celle de Mélenchon, vous vous en preniez aussi avec véhémence au Front national (on se souvient d’interventions musclées à l’Assemblée), ou à Nicolas Sarkozy lors des départementales de 2015. Emmanuel Macron, lui, commençait alors sa grande opération séduction, qui l’emmena jusqu’au Puy-du-Fou et attira vers lui les soutiens de Robert Hue et en même temps d’Alain Madelin ! Dans votre vie politique, est-ce qu’il ne vous a pas manqué les grands talents de séducteur d’Emmanuel Macron lors de sa conquête en 2017 ? N’avez-vous pas eu le tort de prendre le plus grand nombre à rebrousse-poil, plutôt que de mener une vaste danse du ventre comme avait su le faire à cette époque l’actuel chef de l’État ?

Je vous confirme qu’il y a eu plus habile que moi… La force de mes convictions m’a toujours conduit à tenir une position ferme, me refusant toute rondeur, en particulier avec le Rassemblement national. Je n’oublie pas que Marine Le Pen est l’amie de Poutine, et que la mise en œuvre de son programme économique provoquerait un désastre. Plus que politique, votre question est en fait purement électoraliste. Elle est en effet essentielle puisque déterminante, mais cela n’a jamais été le sens de mon engagement en politique. J’ai longtemps pensé que tenir à l’écart les partis aux extrémités de l’échiquier politique nous en préserverait. Manifestement, ce fut une erreur. Dans un pays fracturé, il est fondamental d’entendre les inquiétudes de tous bords, pour pouvoir les analyser et comprendre les mouvements de fond qui travaillent notre société. C’est peut-être notre ultime chance d’échapper à une échéance qui pourrait être fatale en 2027.

En vous lisant, on sent un homme nuancé, capable de trouver des mérites chez ses adversaires. Quel contraste avec le souvenir du Manuel Valls un peu fougueux lors de vos années au pouvoir. 

Vous savez, les années passent… J’ai connu le pouvoir, le succès, la chute et le rejet. Je me considère aujourd’hui comme un spectateur engagé, libre d’assumer ses pensées. L’expérience et le recul sont sources des plus grands apprentissages. Le paysage politique français est fracturé, trouble, l’avenir incertain. Les voix de ceux qui ont porté la France ont leur place, de tous les bords, de toutes les époques. Là est également la vocation de mon livre. Sans que les figures exposées ne doivent forcément servir de guide, elles peuvent au moins être pour nous des inspirations. Il s’ajoute à d’autres grands projets qui rythment ma vie, d’autres combats qui guident mes pas. La lutte contre l’antisémitisme sous toutes ses formes en est l’un d’eux. Plus généralement, je me bats inlassablement pour porter les causes qui m’habitent : l’Europe, la défense du régime démocratique, le rayonnement de la laïcité et la puissance des valeurs de la République. Mon engagement à défendre mes convictions sans relâche m’ont conduit à prendre des coups, à monter sur le ring des idées quitte à en perdre la voix. Je suis un homme libre se refusant toujours à la résignation et aux visions à court-terme qui aveuglent les débats de fond. Ceux qui pensaient à la fin de l’histoire se rendent compte que de nombreuses batailles sont encore à mener. Je prends ma part de responsabilité, avec toujours autant de conviction.

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[1] Susana Gallardo Torrededia NDLR




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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