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Liberati : Sympathy for the Devil

Simon Liberati, avec Performance, retrouve le souffle de Jane Mansfield 1967 et California Girls.


Liberati : Sympathy for the Devil
Simon Liberati, le 11/09/2015 / PHOTO : IBO/SIPA / 00722916_000003

Dans Performance, Simon Liberati fait le portrait d’un écrivain vieillissant qui est – et qui n’est pas – lui-même et qui se trouve obligé d’écrire le scénario d’une série télévisée consacrée aux Rolling Stones. Un roman enlevé qui mêle sexe, rock satanique et nostalgie.


Dans son nouveau roman, Simon Liberati nous décrit un écrivain victime d’un AVC, prostatique et incontinent, perdu devant la page blanche, comme transformé en pierre. Il a 71 ans. Ce n’est donc pas Liberati, plus jeune de 10 ans. Ou alors c’est une anticipation morbide. En tous cas, c’est l’intérêt du livre, cet écrivain sec comme un puits au sortir de l’été. Il y a de poignantes et originales descriptions. Exemple : « (…) regardant mon visage abîmé dans la glace, ma barbe de Neptune, le lierre sombre de mes veines sur mes mains (…) ». Il habite à la campagne, dans un village du Nord-Ouest, à la lisière de la région parisienne. « J’habitais l’ancien presbytère, petite maison d’un étage couverte de glycine, écrit le romancier, que j’avais transformée au cours des ans en un écrin poussiéreux rempli de livres empilés, de vieux meubles sans valeur mais pleins de charme ». On pense alors à Michel Tournier, reclus dans le sien, à Choisel.

Pacte faustien

Mais ça s’arrête là, car l’écrivain en question est raide dingue d’Esther, sa longiligne belle-fille de 23 ans, à la bouche fraiche malgré son anorexie. Elle est mannequin, veut écrire, il lui donne des cours très particuliers où il lui fait découvrir les poètes Nerval, Lamartine ou encore Valery Larbaud. Il est jaloux, en souffre terriblement, il sait qu’elle le quittera, que cette cérémonie des adieux sera terrible. Le narrateur : « L’amour des très jeunes filles est d’une eau plus transparente que les sentiments ardents d’une femme plus âgée, la proximité de l’enfance donne à leurs éclats de rire et à leurs jeux une tonalité douce et tendre ». C’est qu’il lui faut retrouver à la fois l’innocence et la pureté pour reconquérir l’inspiration. Esther est ce bain de jouvence. Il va la vampiriser, et elle, elle fera tomber le rideau le moment voulu. C’est le pacte faustien renouvelé.

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D’arrogants producteurs lui commandent une mini-série sur les Rolling Stones. Malgré son mépris pour les biopics, le milieu du cinéma et les clichés sur les années pop, l’écrivain accepte, car les huissiers et les dealers sont à ses trousses. Et s’il ne sait plus écrire de roman, il « arrive à faire des phrases ».

Enlevé et tumultueux

Les producteurs n’en demandent pas plus. Le projet porte sur la première époque des Stones, entre l’arrestation de Keith Richards et Mick Jagger pour usage de stupéfiants en 1967, et la mort suspecte de Brian Jones en 1969. Intitulée Satanic Majesties, la série doit montrer comment de petits voyous devinrent en l’espace de deux ans les stars déjantés planétaires, objets de fascination universelle. La solaire Esther lui permet de mettre en lumière la part d’innocence de Marianne Faithfull et d’Anita Pallenberg. « Il y a un aspect printemps wagnérien dans toute cette première époque, note le narrateur, éveil de l’innocence et des forces obscures ». Il ajoute, à propos de la sulfureuse Faithfull : « Marianne, qui a appris à chanter dans les chorales, est un esprit religieux et littéraire, une héroïne de Claudel bercée par le satanisme anglo-saxon et les légendes de chevalerie familiales que lui racontait sa mère ».

Simon Liberati, avec Performance, titre faisant écho au film de Donald Cammell et Nicolas Roeg (1970), avec Mick Jagger et Anita Pallenberg, retrouve le souffle de Jane Mansfield 1967 (prix Fémina) et California Girls. C’est enlevé, tumultueux, un brin nostalgique, rouge orangé comme le ciel avant le grand basculement.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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