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Aller se faire avoir chez les Grecs

Invités à Santorin par un dénommé "La Flèche", trois jeunes Français de cité finissent incarcérés


Aller se faire avoir chez les Grecs
L'influenceur "La Flèche" D.R.

À la mi-août, y a d’la joie pour les matous et pour cinq de nos compatriotes partis faire les quatre cents coups au soleil. Les médias hexagonaux mainstream en ont un peu parlé. Mais, gênés ou suffoqués, ils ne se sont pas trop attardés. Heureusement, le chef de l’expédition a tout filmé et tout posté sur Snapchat. Notre chroniqueuse a ainsi pu suivre l’odyssée en détail. En circuit court: du producteur au consommateur.  


Si vous êtes restés un peu branchés cet été, l’aventure tristement rocambolesque de cinq Français à Santorin ne vous a peut-être pas échappé. Pour les autres, léger retour en arrière. Un Rueillois, d’un peu plus de trente ans, se faisant appeler Nico Benef ou Niko Benef, ancien braqueur auto-proclamé, exerçant désormais le métier d’influenceur sous le nom de « La Flèche »  a invité à l’hôtel, à Santorin, tous frais payés, quatre « jeunes » de son quartier (16, 18, 19 et 20 ans). Cette « nikolonie », expérience ludique et éducative, devait se renouveler tout l’été et au-delà, pour d’autres « petits » de la cité impériale. Toujours aux frais du Prince, bien entendu.

Fatalitas ! comme dirait Brighelli et Chéri-Bibi, le séjour de luxe a viré à la catastrophe. Nos vacanciers n’avaient pas bien intégré les avisés conseils de leur GO : « la Grèce, c’est pas la Ce-fran », il faut savoir « y rester à sa place ». Ils n’avaient pas non plus calculé que les Grecs et les « autres » touristes sont « tous des racistes », que ces derniers « parlent mal aux renois », que les policiers autochtones « sont justes » et ne s’en laissent pas conter et surtout que Santorin est une île, pour mémoire plus petite que Belle-Ile… et que l’on y est donc vite rattrapé.

Un touriste espagnol entre la vie et la mort

Le 12 août, après piscine, bronzette et autres joyeusetés, le mécène donne quartier libre à ses petits boute-en-train. Ceux-ci reviennent au bout de 45 mn, en pleine forme. Ils dînent ensuite au restaurant avec leur protecteur. Ils font gaiment bombance. Le lendemain, toujours grâce aux posts fidèlement transmis en direct par le brave La Flèche (nous sommes dans l’univers Snapchat), nous les retrouvons de nouveau à table. Surprise, surprise. Débarquement de la maréchaussée locale et embarquement des quatre vacanciers mais aussi du supposé chef de la bande. Celui-ci, bien que disculpé par les caméras de surveillance, est contraint d’accompagner le cortège, puisque, refatalitas ! l’un de ses protégés est mineur. Le mentor découvre stupéfait et passablement énervé (en même temps que nous puisqu’il communique en direct, c’est le principe de Snapchat) que la veille, quand il les a quittés du regard, les quatre lascars n’ont rien trouvé de mieux à faire que de rouer de coups un touriste espagnol de 33 ans, de le laisser entre la vie et la mort, de se filmer en train « d’en finir avec lui », de poster leur exploit « sur les réseaux », et visiblement de le dépouiller avant ou après, puisque trois téléphones, une carte de crédit et 460€ sont trouvés dans leurs chambres.

Notre tour operator amateur ne fait pas preuve de beaucoup de compassion pour la victime toujours dans le coma, il est juste fou furieux. De ce qu’ils lui ont fait, à lui. Il le clame urbi et orbi et le fait surtout comprendre aux parents des petits « crasseux » qu’il menace de tourments bien au-delà de ce que la loi française autorise. En plus, ils devront tout rembourser. Même son séjour à lui. Et, bien au-delà. « Wallah, avec vous, c’est la guerre ». Toujours via Snapchat, on a le droit à la visite des locaux du commissariat, à l’attente exaspérée du grand frère qui découvre que les pandores helléniques « ont tapé son blaze » et connaissent désormais ses « antécédents ». On apprend aussi que l’éducateur de fortune, quand il avait l’âge canonique de ses joyeux invités était d’une autre classe : il « faisait des bracos de fou », mais « ne tirait même pas sur les gens », « n’agressait même pas les gens ». Il avait juste la BRB et la BRI au train. Résultat des courses : le mineur est libéré, les trois autres y sont encore et vraisemblablement pour un petit bout de temps. L’Espagnol est toujours dans un état critique.

Et notre influenceur, dont c’est, d’après lui, le quatrième ou cinquième séjour dans l’île paradisiaque où tout le monde le connaît et le respecte (et où la vie, surtout à l’hôtel, n’est pas donnée), est bien décidé à continuer à « très bien gagner sa vie » …  en influençant. A moins que tout cela ne soit qu’une couverture mais éliminons cette hypothèse invraisemblable.

Rangé des voitures

Comme il n’a pas (encore) participé à une téléréalité, son seul passage à la télé se limitant aux lucarnes grecques (à une heure de grande écoute cependant), il n’est pas (encore) connu du grand  public, du moins en France où les journaux qui relatent l’affaire le qualifient d’influenceur « à la notoriété naissante ». Donc, ce n’est pas encore la gloire, mais l’apprenti s’y emploie sérieusement et fait tout pour élargir sa communauté. C’est un peu compliqué de tout bien comprendre parce que ses publications se retrouvent sous de nombreux pseudos, les siens, ceux de ses potes, on ne sait pas trop : Fologo92, La Flèche075, La Flèche 92, Walasse927, Nico Benef, Niko Benef, mais c’est du lourd. Indéniablement, il y a du potentiel

Son cœur de business, c’est Snapchat. C’est sur ce support qu’il a  posté toute l’expérience grecque : les préparatifs à Rueil, les appels à sa communauté pour l’aider à financer le projet (humanitaire), le début du séjour et bien sûr la fin en feu d’artifice.  Habituellement, ses publications qu’il reposte ensuite sur Youtube et TikTok sont un peu plus débraillées. Un jour, on le voit à la douane, faisant des blagues à la toto, un autre en voiture de luxe, farceur et racontant des gags pas toujours accessibles au commun des mortels. Un de ses meilleurs moments : l’histoire de sa mère qui vient de se faire « tirer » son téléphone et qui appelle ses voleurs pour leur dire qui est son fils ! Bref, rien de bien léché. Apparemment, pas de quoi encourager l’un ou l’autre sponsor à le rémunérer pour qu’il mette son art au service de la réclame pour des croisières, des séjours haut de gamme, des périples à risque, des produits financiers, des placements de confiance, des assurances, des costumes, des bijoux, des accessoires de mode, des sacs de luxe, des valises. Quoique !




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Experte en petits riens

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