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Et si l’audiovisuel public français allait se faire voir chez les Grecs ?


Et si l’audiovisuel public français allait se faire voir chez les Grecs ?

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On peut être certain qu’en leur for intérieur, les dirigeants français de l’audiovisuel public ont pensé très fort qu’il ne serait pas idiot, ma foi, que leur autorité de tutelle, à savoir le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ait le courage de s’inspirer de l’exemple du premier ministre grec Antonis Samaras. On ferme la boutique, et on ne la rouvre que lorsque la machine a entièrement été révisée, débarrassée des pesanteurs administratives et humaines qui plombent son fonctionnement, et alourdissent ses coûts de manière astronomique sans contribuer notablement  à la qualité du produit mis sur les antennes.
Il suffit d’avoir travaillé avec des équipes de France 3 dans le cadre d’un tournage, ce qui a été, à plusieurs reprises, le cas de l’auteur de ces lignes, pour juger de la gabegie qui règne dans ce monde enchanté de l’image qui bouge. On ne badine pas avec les horaires, vingt dieux ! Et l’heure de la bouffe est sacrée, à la minute près, même si les conditions exigeraient que l’on poursuive le tournage, pour des rasions climatiques, de lumière, ou autres… Le matos a beau s’être tant amélioré au fil des années, en poids et en qualité qu’il permet de réduire le nombre des techniciens de l’image, du son et de l’éclairage, on est obligé de passer sous les fourches caudines syndicales imposant des équipes pléthoriques. On taira, pour ne pas passer pour des balances, le bidouillage des notes de frais, un sport dans lequel nombre de vieux briscards de la corporation sont devenus des champions. La multiplication des  placards dorés où l’on range les employés de toutes spécialités et de tous grades devenus inutiles, improductifs ou même nuisibles fait de ces entreprises financées par l’argent des contribuables le plus gros client symbolique d’Ikea dans l’hexagone. Les auditeurs de Radio France ont pu, ces derniers mois, constater à maintes reprises que les vaillants syndicats de la maison ne se laissent pas marcher sur le moindre bout d’orteil : si la direction s’avise de supprimer un  seul poste de  technicien à Guéret (Creuse), c’est l’ensemble du réseau des radios publiques qui est mis à la portion congrue de la bande sonore de musique naze préenregistrée pendant une semaine…
La radio-télévision grecque, nous dit-on, employait 2400 personnes, un effectif jugé excessif par la troïka (FMI, UE, BCE) qui veille aux finances hellènes comme le lait sur le feu. Rapporté au chiffre de la population grecque (11, 5 millions d’habitants), le total des personnels émargeant au budget de l’audiovisuel public français (France-Télévisions, Radio-France, INA, AEF), 13 000 personnes pour 65 millions d’habitants se situe dans le même ordre de grandeur. Avec tout ce monde-là, on devrait avoir les meilleurs programmes de la terre, en quantité et qualité. Tous ceux qui ont un peu voyagé ont pu se rendre compte que ce n’est pas le cas… Pour ma part, vivant aux confins de la Confédération helvétique, et pouvant facilement capter les programmes de la RTSR (Radio télévision suisse romande), je suis obligé d’admettre que l’on peut parvenir à faire des programmes fort acceptables avec une petite machine bien huilée, gérée à la suisse, pays où un franc est encore un franc…
Il fallait entendre, ce 12 juin sur France Inter ou France Culture, les trémolos d’indignation qui faisaient trembler la voix des journalistes maison ! Même ceux d’entre eux qui passent quotidiennement la brosse à reluire européenne dans leurs commentaires sentencieux étaient pris de panique à l’idée que l’exemple grec puisse faire école.
Qu’on permette, en conclusion, à un ancien professionnel de la profession de rappeler un précédent : en 1981, un affreux patron de presse réactionnaire avait décidé de fermer boutique et de licencier tout le personnel, sans que la situation économique de son journal ne l’exigeât. Il réembaucha ceux qui lui convenaient, en fit venir d’autres d’ailleurs, et ce journal connut plusieurs décennies de gloire et de prospérité. Il s’appelait Libération et son patron Serge July.

*Photo : Imbecillsallad.



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