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Message doux-amer au ministre Darmanin…

Attention, Philippe Bilger charge notre ministre de l’Intérieur


Message doux-amer au ministre Darmanin…
Gérald Darmanin à Paris, 5 février 2022 © Lewis Joly/AP/SIPA

Après son erreur de communication face à une journaliste de BFM TV la semaine passée, Philippe Bilger charge le ministre de l’Intérieur, dénonçant une certaine aigreur du ministre face à ceux qui osent nuancer la qualité de son bilan sur la sécurité.


Vous étiez un espoir de la droite républicaine, vous êtes devenu un inconditionnel d’Emmanuel Macron. Chacun ses goûts, à chacun son évolution ! Ce qui me navre ne relève pas de vos fluctuations puisque vous avez le droit de vous adapter à l’aune de vos ambitions qui sont légitimes et plausibles car votre talent ne vous a pas quitté, malheureusement avec de l’arrogance en plus. Votre entretien avec Apolline de Malherbe sur BFM TV a été une honte dont vous auriez dû immédiatement vous repentir. Vous avez été contraint de le faire -mais à peine- à cause de l’émoi que que vous avez suscité (voir vidéo LCI ci-dessous).

Un ministre en guerre contre le « populisme »

La voix du président, sur le plan médiatique, sait être rude mais n’a jamais atteint ce niveau de grossièreté sexiste et condescendante. Je vais vous avouer quelque chose. J’ai suivi toutes vos péripéties judiciaires et bien évidemment je ne discute pas ce dont vous avez bénéficié mais prenez garde à ceci : vous écoutant aussi vulgairement dominateur il y a peu, je me suis demandé comment vous aviez pu vous comporter avec d’autres jeunes femmes auparavant.

Vous êtes également trop fin pour continuer à nous servir la même « soupe » destinée à ménager la chèvre et le chou, votre adhésion un zeste flagorneuse à Emmanuel Macron et vos amitiés maintenues à droite, à l’égard de Xavier Bertrand notamment, pour ne pas parler de votre admiration ressassée pour Nicolas Sarkozy : on ne sait jamais, avoir une double admiration dans des camps différents ne peut pas nuire !

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Est-ce pour compenser ces dilections qui demeurent, qu’en revanche vous êtes si dur, si vindicatif à l’encontre de votre ancienne famille politique, de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour (qui ne disent pas que des bêtises sur l’insécurité au quotidien) en qualifiant avec mépris de populistes les idées qu’hier vous cultiviez parce qu’elles relevaient des attentes du peuple ? Vous avez changé pour complaire à Emmanuel Macron mais vous avez du mal à occulter vos convictions d’avant le prétendu « nouveau monde ».

Antifas et identitaires : deux poids deux mesures

Pourtant on ne peut pas nier que vous ayez ménagé vos efforts pour manifester à quel point vous étiez plus sévère avec les Identitaires, les violences de l’extrême droite, au point d’en oublier toute rigueur et toute équité, qu’avec les antifas dont on peut dire que, plus ils frappent et troublent la République, plus vous les laissez tranquilles ! Le deux poids deux mesures vous est devenu tellement familier que l’exercice d’une autorité impartiale et sollicitée par la seule sauvegarde publique devient quasiment un événement miraculeux ! Ce peuple qui n’est pas favorable à votre cause, qui en majorité considère « que l’immigration a fortement progressé en France en 2021 », qui déplore que « les forces de l’ordre soient toujours plus ciblées » et qui est très critique, voire fortement négatif à votre encontre, sur la lutte contre l’insécurité (sauf pour le terrorisme), comme tout à coup vous le détestez, lui qui n’a pas été ébloui par vos résultats et la faiblesse de votre action régalienne inspirée par un président longtemps indifférent aux angoisses populaires, malgré sa tentative cynique et ostentatoire de rattrapage en fin de parcours (Le FigaroJDD) ! Comme cette majorité de citoyens, dont vous n’avez pas voulu entendre parler sur BFM TV, vous importune dans votre vision hyperbolique d’un mandat dont à l’évidence vous regrettez qu’elle ne soit pas partagée par tous puisque vous allez même jusqu’à prêter à tous les Français, contre l’évidence, la certitude qu’un grand président les a accompagnés durant cinq ans !

Je ne voudrais pas tomber dans votre travers et dénier les quelques avancées dont vous pouvez être fier d’avoir été le responsable. La baisse des atteintes aux biens, un combat modeste mais cohérent et organisé contre le fléau de la drogue, à la source principale de la délinquance et poison qui détruit beaucoup de cités, par la dictature d’une minorité sûre de son impunité, obsédée par ses bénéfices et en marge des valeurs de la démocratie.

Une méchante aigreur

Ce n’est pas rien mais vous me pardonnerez, comme le peuple français, d’attacher plus de gravité aux infractions graves contre les personnes et leur intégrité, contre la police, la multitude des élus, contre tous ceux qui représentent, à quelque niveau que ce soit, la France officielle, une France dont la parole est moquée, méprisée. Mon indignation est d’autant plus vive que votre impuissance est totale malgré vos tweets et votre bonne volonté affichée. Il n’y aurait rien de honteux à défendre avec bonne foi votre bilan – après Christophe Castaner, vous ne pouviez que faire mieux – mais pourquoi, encore une fois, cette arrogance, cette domestication politique de votre liberté, cet oubli de ce que vous étiez en cherchant à nous faire croire qu’Emmanuel Macron était comme le Nicolas Sarkozy de la grande époque, pourquoi, pour en revenir à BFM TV, cette méchante aigreur qui fait qu’on admire moins votre talent et votre dialectique indéniables qu’on n’est effaré par votre manque de tenue médiatique et démocratique ?

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Quelle que soit l’issue de la prochaine joute présidentielle, vous ne serez pas perdu. Vos ambitions seront encore davantage satisfaites ou vous patienterez pour un futur dont vous êtes persuadé qu’il sera, un jour, le vôtre. Sinon, quelle tristesse ce serait de vous être ainsi mis au service de causes différentes, voire contradictoires, avec tant de contorsions qui vous ont conduit à occulter tout le bien que vous pensiez de vous-même, pour presque rien ! Il faut que vous soyez payé pour votre migration de la droite vers je ne sais quoi. Je ne quitterai pas des yeux ni de l’esprit la suite de votre carrière mais puis-je vous faire un aveu : j’aimais beaucoup le Gérald Darmanin de la droite républicaine. De grâce ne faites plus semblant de l’avoir oublié pour vous donner bonne conscience auprès d’Emmanuel Macron depuis 2017. Songez, pour une fois, un peu à vous : vous gagneriez à mettre vos capacités, votre allant et votre intelligence au service de plus de modestie et de moins de révérence présidentielle.

Ce message doux-amer pour vous, entre vague nostalgie et fragile espérance.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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