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Notre seule religion, c’est la liberté !


Notre seule religion, c’est la liberté !

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L’Empire romain savait se faire respecter des barbares. Lorsqu’un représentant de l’autorité impériale était assassiné dans une province reculée, la légion était dépêchée pour décimer (passer au fil du glaive un homme sur dix) la population qui abritait le coupable. Les États-Unis d’Amérique ne sont pas un empire − n’en déplaise aux attardés d’extrême gauche et d’extrême droite − mais une démocratie où règnent des millions de citoyens au cœur plus ou moins tendre. C’est pourquoi, malgré l’assassinat de quatre de leurs diplomates, le gouvernement n’envisage pas d’occire un dixième de la population libyenne. Il faut vivre avec son temps, mais il m’arrive de regretter les pratiques de ces époques où l’on savait protéger les siens, même par la terreur.?[access capability= »lire_inedits »]
Malgré le meurtre d’un ambassadeur du monde libre et de trois Américains par une foule assassine, comme il y a au Caire des foules violeuses, les rescapés de Benghazi, qui doivent leur salut aux bombardements occidentaux, vont pouvoir retourner à leur prière sans autre crainte que celle d’Allah et honorer, face contre terre, un dieu qui ne tolère aucune moquerie.

Il n’y aura pas de représailles américaines, il y aura des excuses. Sur les radios françaises de service public, on les entend déjà. Au pays de Voltaire, on demande pardon : L’Innocence des musulmans, le film qui offense l’islam et qui a provoqué une colère meurtrière est, nous dit-on chaque fois qu’on l’évoque, un « navet grossier », un « postulat haineux », un « film infâme », une « provocation islamophobe »[1. Je dois rendre la paternité de ces termes aux participants de l’émission « Le Téléphone sonne », sur France Inter, consacrée aux meurtres des diplomates américains.].
C’est sur ce thème et en ces termes que nos élites françaises, médiatiques et savantes, nous demandent de comprendre ce qui pousse des hommes (et des femmes ?) à pratiquer une exécution sommaire à mille contre quatre.

Il faut dire (et cela pourrait être − si nous vivions en dictature − une consigne du Ministère de la Diplomatie et du Vivrensemble dans la Mondialisation) que les spectateurs en colère sortaient tout juste d’un printemps arabe « éprouvant » et « libérateur » après tant d’humiliations coloniales et dictatoriales.
Il faut répéter qu’un antiaméricanisme puissant pousse au lynchage ou au brûlage de drapeaux dans le monde arabe parce que, malgré la main tendue de Barack Obama, l’Amérique affiche un soutien indéfectible et coupable à Israël.
Il faut expliquer que des peuples humiliés par un Occident arrogant qui ne s’intéresse qu’au pétrole et soutient des dictatures qui les oppriment, même quand celles-ci ont disparu, en ont gros sur la patate.
Il faut faire comprendre que la « tolérance à l’islamophobie » a dépassé les bornes en Occident et qu’il ne faut pas s’étonner, lorsqu’on sème le vent de la liberté d’expression, de récolter des tempêtes sanglantes.
Il faut rappeler que le croyant a droit au respect, que l’indignation est la chose la mieux partagée dans le monde et il faut s’empresser d’illustrer son propos par un exemple catholique et intégriste pour ne surtout pas stigmatiser six millions de Français musulmans et un milliard de leurs coreligionnaires.

Voici comment les spécialistes, du haut de leur chaire et forts de la légitimité de leurs instituts de recherche, entendent nous empêcher de faire des amalgames entre les meurtres et les meurtriers. Voici comment, après le énième déchaînement de violence islamique qu’on nomme, comme toujours, « islamiste », ils nous servent au menu de la politique de l’excuse la soupe froide de l’« humiliation arabe », la farce indigeste de l’« arrogance occidentale », le plat réchauffé de la « provocation islamophobe ». À la fin des fins, qui est donc responsable des maux qui nous accablent ? Eh bien, c’est nous.
C’est tout à l’honneur de l’Occident d’être devenu un monde où l’on cherche à convaincre plus qu’à convertir, à comprendre plus qu’à condamner, à faire la paix plutôt que la guerre, mais cet exercice de notre bonne volonté ne doit pas exonérer nos ennemis déclarés de leurs fautes. C’est tout à notre honneur d’Occidentaux de prendre nos responsabilités et même un peu plus, mais n’est-il pas un peu condescendant et même un peu prétentieux de considérer que nous serions causes de toutes choses en ce monde et toujours seuls responsables des crimes commis partout et par tous ? N’est-il pas un peu méprisant, et même un peu raciste, de penser que le musulman serait forcément dominé par des réflexes taurins quand on agite le chiffon rouge du blasphème ? Peut-être faut-il faire preuve d’un peu d’humilité en rendant un peu de leur responsabilité aux autres et nous rappeler la leçon de tautologie du professeur Finkielkraut : « Le coupable, c’est le coupable. »

Les faits étant établis et les coupables identifiés, nous pouvons seulement étudier les circonstances.
Commençons par l’« humiliation arabe ». Je comprends que le Levantin qui regarde l’état de sa civilisation n’ait pas de quoi pavoiser, mais à qui la faute ? Sont-ce les déclarations de George Bush, les caricatures du Prophète ou encore les unes de qui humilient le musulman, ou bien un bon dieu qui exige une soumission totale en jetant ses ouailles dans une misère sexuelle noire et par terre cinq fois par jour ? Sommes-nous responsables si, depuis la fin des empires coloniaux, les peuples arabes, au lieu de transformer leurs déserts en jardins comme certains − suivez mon regard admiratif et ému − continuent de s’entretuer dans des affrontements ethniques, tribaux ou religieux ? Est-ce notre faute si le pétrole qui jaillit par la grâce des technologies occidentales fait la fortune des monarchies, des oligarchies ou des dynasties plutôt que le bien-être des populations ?

Venons-en à l’« arrogance » de l’Occident. Le premier de la classe dans une banlieue sinistrée par la misère du monde et perdue pour la République est-il arrogant parce qu’il propose son aide à ses camarades défavorisés socialement ou culturellement ?
Y a-t-il « arrogance occidentale » quand notre civilisation, forte de ses progrès, déploie sur tous les continents une myriade d’organisations non gouvernementales qui instruisent, soignent et développent, quand elle ouvre ses universités à la misère intellectuelle du monde − y compris du monde arabe qui la maudit − et lui offre les résultats de ses recherches médicales, scientifiques, architecturales et techniques ?
Y a-t-il « arrogance occidentale » quand la création et la production cinématographique, littéraire ou musicale de n’importe quel pays d’Europe dépasse en qualité et en quantité l’expression culturelle de l’oumma tout entière mais que le cinéma, la littérature, ou la musique « du monde » sont célébrés en Occident dans un élan de générosité et de discrimination positive qui frise parfois le ridicule ?
Y a-t-il « arrogance occidentale » quand, en Lybie, nous opposons notre force armée aux promesses de répressions sanglantes faites à des populations civiles par des dictateurs qui entendent garder un pouvoir absolu quel qu’en soit le prix ?
Y a-t-il « arrogance occidentale » quand, en Afghanistan, des policiers ou des soldats recrutés dans la population, équipés, armés et formés par l’OTAN, retournent leurs armes contre des militaires français, anglais ou américains venus les aider à protéger, à servir et à sortir leur pays de guerres tribales sans fin ?
Y a-t-il « arrogance occidentale » quand, à la suite de tremblements de terre en Iran, les secouristes israéliens venus en aide aux personnes ensevelies sont refoulés par des autorités qui préfèrent voir leur peuple crever plutôt que sauvé par des juifs ?

Finissons par observer cette arnaque que notre tropisme repentant et leurs attentats terroristes finiront par nous faire prendre au sérieux : la « provocation islamophobe ». Malgré les précautions empressées et toutes munichoises de la classe diplomatique et médiatique pour disqualifier le film en le traitant de tous les noms (jusqu’à l’accuser d’ « infamie », comme Frédéric Martel sur France Culture), le monde arabo-musulman a connu des émeutes et certaines capitales européennes des manifestations.
Ce n’est pas nouveau. Tout ce qui met en colère le musulman susceptible, qu’il soit ignare ou instruit, est aussitôt taxé de « provocation islamophobe ». Les caricatures les plus comiques, les discours du pape les plus diplomatiques ou les maladresses les plus innocentes[2. Je pense à cette histoire récente de l’institutrice anglaise partie généreusement en Lybie pour instruire des enfants dans le besoin, et qui avait eu les pires ennuis pour avoir donné à l’ours en peluche devenu mascotte de la classe le prénom d’« Ali ».] ne manquent jamais d’entraîner des conséquences musulmanes. Or, c’est mathématique, s’il y a réaction islamique violente, il faut un responsable voire un coupable : c’est évidemment parce qu’il y a eu « provocation islamophobe ». Voici comment, pour le trouillard en voie de dhimmitude, la liberté d’expression des uns doit s’arrêter où commence la susceptibilité des autres. Ainsi, pour celui qui craint de regarder son ennemi en face de peur qu’il ne se fâche, le simple exercice de la critique, de l’humour ou de la liberté devient une intolérable « provocation islamophobe ».

La plus grave de toutes consiste à dire ou à insinuer que l’islam est une religion intolérante que ses pires dévots défendent par la violence. Il faut vite la dénoncer car elle risque, dira-t-on, de déchaîner des flots de violence. Et de fait, ceux qui osent observer qu’il existe parfois un lien entre islam et violence sont, aux yeux des plus fanatiques, passibles de fatwa et d’assassinat. Faut-il par principe de précaution et pour vivrensemble avec des bigots enragés en revenir à une civilisation pré-voltairienne ?

Je préférerais que l’on explique à ceux qui causent dans le poste comme aux derniers arrivés que nous nous sommes débarrassés des diktats de nos religions mais que nous nous sommes choisis des principes, que nous rions du sacré mais que nous avons des valeurs et que nous y sommes sacrément attachés. Au lieu de faire profil bas, nous gagnerions à rappeler au monde qui nous défie et nous maudit que, de toutes nos valeurs, la liberté est celle qui donne son nom au monde libre. Pour elle, nous devrions être capables de mourir et même, quand il le faut, de tuer. J’aimerais donc qu’on rappelle, en termes compréhensibles par tous et partout, aux religieux obscurs et menaçants qui prennent un peu trop de liberté que notre seule religion, c’est la liberté.

Les commentateurs qui accablent sans relâche ce petit film peuvent en penser ce qu’ils veulent. Je l’ai vu et j’ai bien ri. C’est un court métrage plus proche des comédies de Mel Brooks que du Fitna de Geert Wilders. L’Innocence des musulmans est peut- être un « navet islamophobe infâme et grossier » mais il aura eu le mérite de nous donner quelque chose à voir. Il a porté contre l’islam des accusations terribles, dont des musulmans se sont empressés de prouver le bien-fondé à peu près partout dans le monde. Il est le doigt qui nous met en garde contre les foules arabes vengeresses par milliers et contre les opinions musulmanes qui, par millions et par leur silence, semblent réprouver les blasphèmes davantage que les meurtres. Et comment ont réagi nos élites politiques et journalistiques ? Elles se sont dépêchées de dénoncer ce doigt, de regretter que l’on ne puisse couper de telles mains et d’ignorer ce que l’index, « infâme » et tout ce qu’on voudra, nous montrait : une lune croissante et menaçante qui pourrait bien un jour nous tomber sur la tête. Alors, comment pouvons-nous, encore et encore, laisser nos dirigeants importer au pays de Molière, où les aveugles sont rois, des simples d’esprit critique à peu près aussi tolérants mais beaucoup moins diplomates que ces jésuites qui, de son temps et après son Tartuffe, ont bien failli avoir sa peau[3. Rappelons qu’à l’issue de la première représentation du Tartuffe, qui brocardait le fanatisme des dévots de l’époque, ceux-ci ont demandé au roi l’interdiction de la pièce − apportant par leur réaction, comme les islamistes d’aujourd’hui, la preuve même de leur intolérance.] ? Cela dépasse mon entendement. Inlassablement, je pose la question et je n’ai toujours pas de réponse.[/access]

*Photo : Niriel.

Octobre 2012 . N°52

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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