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Benoît Hamon, l’aile muette du gouvernement


Benoît Hamon, l’aile muette du gouvernement

Hamon PS Harlem Désir Maurel

Il pleut sur Toulouse. Comme dans la chanson de Barbara, mais loin du fief de Jean-Marc Ayrault (qu’une rumeur insistante dit locataire d’un hôtel particulier rue de Varenne…), les larmes affluent sur la ville rose qui accueillera le congrès du Parti Socialiste ce week-end. Des pleurs, après l’élection historique de François Hollande puis le plébiscite de son protégé Harlem Désir à la tête de Solferino ?

Eh oui, que voulez-vous, la motion Désir n’a recueilli que 68% des suffrages socialistes – avec une abstention de 50%- loin, très loin des 90% escomptés, sur lesquels s’appuyaient les promesses de Gascon faites aux ex minoritaires hamonistes du parti. Après avoir avalé la couleuvre du traité budgétaire européen, qu’il a vendu avec autant d’enthousiasme contrit que Cécile Duflot sans que les journalistes ne lui cherchent querelle, le ministre Benoît Hamon avait consenti à signer la « motion majoritaire » Désir-Ayrault, quitte à laisser ses troupes en rase campagne. Contre ce paraphe, François Hollande avait promis 30 deniers, pardon 30 places au conseil national (le Parlement du parti) aux fidèles de Hamon, parmi lesquels on compte de vieux briscards du PS comme Henri Emmanuelli. L’ennui, c’est que le ministre délégué à l’économie solidaire a dû affronter la fronde de ses anciens camarades de la motion C avec lesquels il avait fait cause commune, il y a quatre ans. Les Lienemann, Guedj et autres Maurel ont mal digéré la potion social-démocrate ingurgitée par Hamon. Leur fronde s’est traduite par trois actes de bravoure, assez rares en politique pour être signalés : un vote rebelle à l’Assemblée et au Sénat contre le traité budgétaire – malgré les pressions tout sauf amicales du tandem Ayrault-Le Roux –, la présentation d’une motion indépendante qui a atteint les 13% des votes militants suivie de la candidature d’Emmanuel Maurel au poste de premier secrétaire, approuvée par 28% des socialistes. Autrement dit, de la motion à sa candidature personnelle, Désir est passé de 68% à 72% des votes des adhérents, tandis que la cote de Maurel bondissait de 13% à 28% !

Un succès inattendu qui invalide la stratégie Hamon et complique considérablement la petite cuisine arithmétique des barons du PS. Récapitulons. Sur les 143 membres du conseil national désignés à la proportionnelle suivant les résultats du vote des motions, 68% devraient échoir aux hollando-fabiuso-hamono-royalo-aubrystes rassemblés derrière le Líder Máximo Harlem Désir, 12% aux facétieux militants qui ont joué aux ventriloques avec Stéphane Hessel, le reste devant être distribué à l’avenant à ce qui reste de la motion C du congrès de Reims en 2008. Pour les solférinologues, c’est la quadrature du cercle. Comment rogner la promesse faite à Hamon sans réconcilier les frères ennemis de l’aile gauche du parti ? Mathématiquement, à moins de vouloir transformer le PS en succursale d’Attac, il est impossible d’accorder 30 places aux proches d’Hamon en plus des 13% échus au trio Maurel-Guedj-Lienemann.
Et, vu l’ambiance entre anciens « gauchistes » du parti, ralliés ou réfractaires à l’uniformité hollandiste, ça ne sent pas franchement la réconciliation… S’il ne faut jurer de rien, gageons que Hollande, Ayrault, et leur ombre portée Désir, ont dû montrer tout leur talent de négociateurs pour conclure une synthèse dont ils ont le secret.

En attendant les résultats définitifs du conclave toulousain, les paris sont ouverts mais une chose reste sûre : Benoît Hamon n’existe pas au sein du gouvernement. À la différence d’un Montebourg, qui a abandonné la démondialisation mais s’échine à limiter la casse sociale des délocalisations tout en promouvant désespérément le « Made in France », Hamon ne dispose plus d’aucune surface politique. C’est un comble, mais ses années passées au porte-parolat du PS (2008-2012) ont anéanti son existence médiatique, l’obligeant quotidiennement à épouser les vues majoritaires du parti. Et le même petit jeu pervers s’est reproduit, coup après coup : 2008, Hamon devient prisonnier de son compagnonnage avec la première secrétaire Aubry, 2011 il n’ose se présenter à la primaire socialiste (et s’en mord aujourd’hui les doigts, paraît-il) et se résigne à soutenir la maire de Lille, 2012 il s’agrège à l’aéronef gouvernemental en devenant le ministre délégué de Pierre Moscovici, social-libéral s’il en est.

Celui qui avait recyclé son rocardisme au lendemain du 21 avril 2002 retourne à la case départ. Benoît Hamon n’est plus qu’un sous-ministre aux tickets restaurants, chargé d’inventer un modèle alternatif de capitalisme, que François Hollande examinera entre deux avions un jour de désœuvrement. Face aux critiques acerbes de ses anciens compagnons de courant, Hamon jure ne pas avoir changé ni s’être couché devant les rodomontades de l’Elysée. On veut bien. Mais, comme disait Audiard, faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages

*Photo : Parti socialiste.



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