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Jamal Khashoggi, les larmes de crocodile de Donald Trump

Les Etats-Unis rééquilibrent leurs relations avec la Turquie et l'Arabie saoudite


Jamal Khashoggi, les larmes de crocodile de Donald Trump
La militante yéménite, Tawakkol Karman, brandit un portrait du journaliste saoudien disparu, Jamal Khashoggi, devant le consulat de l'Arabie saoudite à Istanbul, octobre 2018. SIPA. AP22256647_000003

Le président américain Donald Trump a profité de la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi pour revigorer les relations turco-américaines… sans aller jusqu’à s’éloigner de l’Arabie saoudite.


La réception à la Maison-Blanche du pasteur Andrew Brunson, libéré de ses geôliers Turcs, était à peine célébrée par Donald Trump que le président américain dénonçait, dans la foulée de Recep Tayyip Erdogan, la disparition du journaliste saoudien du Washington Post, Jamal Khashoggi, au consulat saoudien d’Istanbul. Deux drames au dénouement contraire et sans aucun rapport (surtout que la Turquie n’est pas connue pour être le refuge des journalistes dissidents). Et pourtant ces deux événements ont un point commun: ils contribuent à normaliser les relations entre Washington et Ankara.

« Des relations bonnes, voire excellentes, entre les États-Unis et la Turquie »

Ces relations sont fraîches depuis que le président turc s’est tourné vers la Russie et l’Iran à l’issue du putsch manqué de l’été 2016. Les deux événements précités pourraient donc clôturer la brouille. Les signes de réconciliation entre Trump et Erdogan n’ont d’ailleurs pas tardé. Les deux nations ont trop d’intérêts en commun pour ne pas profiter de ce double drame pour se rabibocher sans perdre la face. Donald Trump a « remercié » son homologue turc « pour son aide » et témoigné sa « grande reconnaissance ». La libération du pasteur « va conduire, a poursuivi Trump, à des relations bonnes, voire excellentes, entre les États-Unis et la Turquie ». Erdogan ne manque pas d’opportunisme en général. Il ne serait pas surprenant qu’il ait accéléré la libération du pasteur américain pour exploiter les difficultés entre Washington et Riyad suscitées par l’affaire Jamal Khashoggi.

L’Arabie saoudite n’en a plus beaucoup sous le pied

En effet, les relations américano-saoudiennes sont entrées en zone de turbulences après la disparition hallucinante du journaliste saoudien du Washington Post. Le président américain, en campagne électorale pour les élections de mi-mandat, a brandi la menace de « sanctions sévères » à l’encontre de son protégé, le prince héritier Mohamed ben Salmane. Le Congrès gronde. L’agence officielle saoudienne SPA a fait savoir via un responsable anonyme que « le royaume rejetait entièrement toute menace ou tentative de l’affaiblir, que ce soit via des menaces d’imposer des sanctions économiques ou l’usage de pression politique ». Mais le royaume saoudien n’a plus beaucoup de leviers. Il ne contrôle plus ses rebelles en Syrie. Il reste enlisé dans un conflit yéménite qui le dépasse et le vilain petit Qatar continue à le narguer. Quant aux promesses de soutien saoudien au plan américain de paix israélo-palestinien, c’est déjà un vieux souvenir. Il n’a donc plus de marge de manœuvre sinon le pétrole et les contrats d’armement. Si la situation se durcissait encore davantage, il se pourrait bien que la succession du roi Salmane se complique. Les États-Unis ont suffisamment de relais dans la famille saoudienne pour remettre en cause la transition entre le roi Salmane et son fils. Tout ceci explique la riposte inhabituellement discrète de Riyad.

Un simple rééquilibrage

Conclure à un renversement d’alliance, de la part des États-Unis, de l’Arabie saoudite vers la Turquie serait toutefois très hasardeux. Il s’agit d’un simple rééquilibrage. Les relations américano-saoudiennes sont trop importantes et solides pour se désintégrer après une telle affaire. Quant à la Turquie, sa diplomatie est suffisamment habile pour ne pas rompre avec la Russie et l’Iran (pas plus qu’avec l’Arabie saoudite). Elle a tout intérêt à conserver son statut de pivot stratégique ou de point d’équilibre diplomatique. Si la réconciliation américaine est vitale à Ankara pour isoler les Kurdes et conforter ses positions militaires tout le long du nord de la Syrie, d’Idlib à Jaraboulous, elle ne peut toutefois pas négliger ses voisins russe et iranien qui contrôlent le régime de Damas. Quant aux États-Unis, ils font tout leur possible pour maintenir au contraire la Turquie dans le giron de l’OTAN.

Les États-Unis manient plusieurs fers au feu au Moyen-Orient, dont la Turquie et l’Arabie saoudite. Puisque l’alliance entre la Russie, l’Iran et la Syrie est leur seul adversaire stratégique, il y a de bonnes raisons pour que le Département d’État réconcilie discrètement, dans les mois à venir, ses deux alliés turc et saoudien. Reste à attendre les élections de mi-mandat et à trouver une issue honorable au cadavre de Jamal Khashoggi…



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est responsable des questions internationales à la fondation du Pont neuf.

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