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Le bac ? Méritez-le !


Entre les murs

David Desgouilles. D’où vient cette idée de créer un collectif consacré à la refonte du bac ?
Estéban Piard[1. Président du collectif Méritez-le]. Cette idée m’est venue pendant les épreuves du Baccalauréat, que j’ai passé l’an dernier. J’ai été effaré par les exigences demandées, bien loin de ce que devrait normalement être un niveau de fin de Terminale, d’autant plus que certains enseignants nous avaient donné des cours très pointus. J’ai pu alors constater la baisse grandissante de niveau dans l’Education Nationale.

Au lycée, vous étiez donc déjà sensible à la grande querelle sur l’Ecole ?
Effectivement, je lisais régulièrement des articles de Jean-Paul Brighelli, Natacha Polony, Claire Mazeron.

Je comprends mieux… Il ne s’agit pas de personnalités bienveillantes envers les politiques éducatives menées.
En effet. Je me suis donc dit qu’il était important de réagir, de montrer que certains refusaient cette baisse de niveau, cette infantilisation des lycéens et de tous les écoliers français.

Mais les écoliers sont justement des enfants et qui doivent écouter le Maître !
Certes, ils sont des enfants mais aussi des adultes, des citoyens, et des esprits en puissance. Le rôle de l’Ecole est notamment de les amener à cela. Le fait que ce soit justement un lycéen qui s’oppose à tout cela me semblait être un meilleur moyen de se faire entendre, de témoigner d’une réalité subie durant toutes ces années. C’est aussi peut-être pour cela que j’ai décidé d’entrer en classe préparatoire : recevoir un enseignement d’une qualité véritable, d’après des exigences qui permettent à chacun de s’exalter dans le travail et d’essayer d’atteindre un certain degré perfection : c’est ce que devrait être l’Education Nationale depuis la maternelle…
L’idée de ce collectif est restée en suspens un certain temps, et puis par hasard, j’ai rencontré Maxime Fialon sur Twitter qui partage le même constat que moi et a décidé de s’investir dans la création de l’association. Nous souhaitons partir d’un constat simple : l’échec du Baccalauréat. Comment peut-on arriver à 85% de réussite chaque année et voir autant de défections en première année de licence ? Ce précieux diplôme a été dénaturé. Il conserve une valeur symbolique pour les élèves de terminale, mais après ? Plus rien. Le Bac était autrefois un péage. Il est aujourd’hui devenu une simple porte grande ouverte.

Une porte grande ouverte ? Vous y allez fort !
Mais c’est le cas ! En faisant quelques recherches, on peut trouver des consignes de correction données par les inspecteurs ou encore des témoignages d’enseignants qui rendent compte des conditions dans lesquelles sont corrigées les copies. C’est édifiant de voir qu’on demande de très peu pénaliser l’orthographe par exemple, ou encore de ne pas sanctionner un candidat qui ne construit pas bien un commentaire de texte ! Le Bac est aujourd’hui organisé de telle manière qu’on encourage les élèves dans leur médiocrité, sans trop leur en demander, de telle sorte qu’il sont, d’une certaine façon, conditionnés dans cette médiocrité. Où est donc passée la « méritocratie républicaine » que l’on associait autrefois à l’Ecole ?

Certes ! Partant de ce constat, en quoi consiste votre démarche ?
Elle se veut à la fois une dénonciation de cette aberration mais également une force de proposition pour revenir à un véritable Baccalauréat comme diplôme sanctionnant un cycle d’études. Or ce constat amène naturellement à une réflexion sur le système éducatif dans sa globalité. Le Bac n’est qu’un point de défaillance dans la façon de concevoir l’éducation des futurs citoyens. L’Ecole n’a plus vocation à élever (idée contenue dans la racine latine d’« éduquer » : ex-ducere, conduire hors de) l’élève vers un idéal. Elle se comprime dans un à-peu-près néfaste.

L’heure est plutôt à la mise en place d’un contrôle continu, quitte à ce qu’on impose la sélection à l’entrée de l’université. Ce n’est donc pas ce que vous préconisez ?
Le contrôle continu pose un problème : il vérifie que l’élève apprend bien ses leçons et c’est tout. Il n’encourage aucunement l’élève à se surpasser à un moment donné, à faire preuve d’esprit critique et à montrer ses connaissances personnelles, en plus de celles acquises grâce à l’Ecole. Le Bac devrait avoir cette vocation : pouvoir se mettre en avant, se dégager du lot. La sélection à l’entrée en Université serait inutile si le Bac jouait ce rôle. Or, ici il ne sanctionne rien, il donne juste un clef pour aller dans un autre cycle. Avec tout l’échec inhérent à la première année de licence.
Le Bac doit garder sa valeur, certes symbolique, mais essentielle de dire : « Voilà, vous avez réussi, félicitations, nous certifions que vous êtes apte à aller à l’Université ». Aujourd’hui, le bac est une simple formalité de vérification, à la manière d’un devoir quelconque en cours d’année. Du coup, le contrôle continu est presque déjà en place…
Le fonctionnement de l’Ecole devrait au contraire vérifier régulièrement que les leçons sont apprises par des devoirs mais également arriver en juin et présenter l’ « épreuve finale » en disant : voilà, vous maîtrisez ce qu’on vous a appris, à vous de le réutiliser dans un contexte différent. Soyez vous-mêmes !

Méritez-le est un slogan fort. A qui s’adresse cette interpellation ? A ceux qui n’ont pas encore passé le Bac ?
Certes, il semble s’adresser aux lycéens, mais notre vocation est de réveiller toutes les consciences, sans mettre en doute la bonne volonté des élèves.

Vous vous adressez donc aussi aux candidats à l’élection présidentielle ?
Tout à fait ! Il faut que les politiques comprennent qu’ils méritent des citoyens instruits, dotés d’esprit critique, de capacités analyse et d’une culture personnelle conséquente. Notre slogan peut également être compris comme une apostrophe aux candidats : méritez-les ces citoyens, réformez l’Ecole, rendez-nous une véritable Ecole !

Les membres de votre collectif sont sans doute politisés. Comment se positionnent-ils dans la campagne présidentielle qui s’annonce ? Et vers qui va leur préférence ?
Certains sont encartés, d’autres non. Mais tous ont une conscience politique très forte, je n’en doute pas. Cependant nous nous voulons un collectif apolitique. Jamais nous n’afficherons un soutien public à un quelconque candidat. Le rôle que nous nous donnons est celui de proposer pour définir des objectifs pour l’Ecole.La campagne présidentielle va être le moment pour chaque candidat d’exposer son programme éducatif. Nous en prendrons alors connaissance et critiquerons ou encouragerons certaines propositions, quel que soit le candidat qui les défend. Nous envisageons également d’envoyer un questionnaire à chaque candidat pour connaître précisément ses positions concernant l’Ecole. Chacun de nos membres votera en son âme et conscience. Moi-même je ne cache pas mes préférences, mais elles n’ont pas lieu de s’affirmer au sein de notre collectif, puisque nous nous rassemblons autour du même constat (l’échec du système actuel) et autour du même idéal : celui de revenir à une Ecole qui remplisse pleinement son rôle.



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