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Emmanuel Macron, l’état de disgrâce


Emmanuel Macron, l’état de disgrâce
Emmanuel Macron et le vertige de l'impopularité... SIPA. 00820303_000076

Vous n’êtes pas sans savoir que l’obsolescence programmée est, sous un nom prétentieux, cette technique des économies de marché qui consiste à faire vieillir les objets que vous achetez pour que vous ayez à les remplacer plus vite. Terminé les frigos, les téloches et les voitures qui duraient vingt ans. Maintenant, si on a le pouvoir d’achat pour le faire, – ce qui est de plus en plus rare -, au bout de cinq, six ans toutes nos machines commencent à fonctionner de moins en moins bien et à demander des réparations qui sont plus chères qu’un nouvel achat. Et ne parlons pas des nouvelles technologies, ordinateurs ou smartphones, qui sont à la pointe du progrès le lundi et déjà démodés le dimanche.

A consommer avant…

Il fallait bien que cette obsolescence programmée s’appliquât, un jour ou l’autre, à la politique. Cela avait déjà commencé avec « les états de grâce » des nouveaux présidents de la République élus. Ils étaient de plus en plus courts à chaque élection, comme si le produit choisi par les électeurs était déjà usé quelques mois plus tard et qu’on devait en changer.

Apparemment, le dernier produit choisi, grâce à une campagne de marketing publicitaire sur tous les médias matin, midi et soir, un certain Emmanuel Macron, pourrait mériter le nom de président-smartphone. Et pas seulement par ce qu’il a jugé bon d’en faire figurer deux sur sa photo officielle pour montrer son hyperconnexion, surtout avec lui-même d’ailleurs, tellement il est visible que cet homme s’aime d’un amour immodéré. Non, parce que la rapidité de son usure est record. On pensait que le modèle Hollande serait indépassable en la matière, il n’en est rien : Macron a perdu 22 points en trois mois, et encore en trois mois d’été où, somme toute les gens, ont autre chose à penser, sauf ceux dont on ne parle jamais comme les étudiants qui attendent de savoir si le logiciel post-bac va leur trouver une solution (6000 attendent encore aux dernières nouvelles, ça vous apprendra à être bons élèves) ou les ouvriers des usines menacées qui ne savent toujours pas à quelle sauce ils vont être mangés comme les très symboliques Whirpool d’Amiens.

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La petite musique médiatique, toujours largement macronienne dans sa phase léchage avant que vienne le temps du lâchage puis celui du lynchage pour reprendre un théorème journalistique connu, cherche des excuses. Les Français seraient d’incurables velléitaires ou ils ne comprendraient pas la nécessité du changement (version polie du « ils sont un peu cons ».)

Mensonge sur la marchandise

Le problème, c’est qu’en élisant le président-smartphone, non seulement ils se doutaient qu’il allait s’user vite comme toutes les nouveautés mais en plus ils ont découvert qu’on leur a carrément menti sur la marchandise.

Ils voulaient du « ni droite ni gauche », et ils ont la droite la plus éhontée sur le plan économique. Et ce jusqu’à la caricature : l’histoire mesurera un jour l’effet dévastateur des cinq euros en moins sur les APL, mesure tirée de ce que les fonctionnaires de Bercy appellent plaisamment « le musée des horreurs »,  au moment même où est programmé un allègement de l’ISF de quatre milliards d’euros. Macron, qui se targue d’avoir une pensée tellement complexe qu’elle l’empêche de parler au peuple un 14 juillet, devrait savoir que si les Français ont la passion de la liberté, ils ont aussi celle de l’égalité comme l’avait compris Tocqueville. Que ça plaise ou non, il faut faire avec, surtout si on se targue de pragmatisme.

Autre mensonge sur la marchandise, c’est celui, plus pervers, du vocabulaire. Macron n’est pas le premier, -mais c’est celui qui le fait avec le plus de virtuosité-, à inverser de manière orwellienne le sens des mots. C’est en ce sens qu’il faut interpréter sa sortie : « Les Français détestent les réformes ».

Non ce qu’ils détestent, c’est que depuis 20 ans et plus, « réforme » ne signifie plus amélioration d’une condition mais régression sociale. Par exemple, les « réformes » successives des retraites, avant, abaissaient l’âge du départ. Maintenant, elles l’augmentent sous l’applaudissement des vieux de la génération lyrique trop heureux que des cyclistes Deliveroo financent leurs séjours à Ibiza grâce à une précarité acceptée avec joie et docilité sous le nom de flexibilité. Ou bien que le mot « changement » est en fait un retour en arrière par rapport à des acquis sociaux ou encore que Macron en captant le mot « progressiste » pour décrire sa vieille politique de type reagano-thatchérienne renvoie au « conservatisme » ceux qui ne vont pas tarder, dans les jours qui viennent, à tenter de défendre dans la rue un type de société héritée d’un siècle et demi de luttes qui a permis aux gens de travailler pour vivre et non de vivre pour travailler.

« En même temps », pour reprendre une expression macronienne, votre serviteur est plutôt pour la fin du travail. Mais ça, ce sera pour la saison 2, quand on aura jeté les smartphones, même s’ils sont présidents de la République.



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