Accueil Politique Photo officielle: Macron ne s’est pas fait chef, il s’est fait beau

Photo officielle: Macron ne s’est pas fait chef, il s’est fait beau


Photo officielle: Macron ne s’est pas fait chef, il s’est fait beau
Portrait officiel du président Emmanuel Macron. Photo: Soazig de la Moissonnière, Présidence de la République
Portrait officiel du président Emmanuel Macron. Photo: Soazig de la Moissonnière, Présidence de la République

Révélée en avant-première par les réseaux sociaux, comme une marque assumée de comportement adolescent, la photo officielle du président Macron vient de sortir. La pose est martiale et la mise en scène étudiée – fenêtre ouverte sur le monde, livres, smartphones et drapeaux – mais ce qui saisit d’emblée c’est le regard. Les projecteurs ont mis le paquet sur les yeux, forçant le trait de la séduction, et davantage que le bleu, c’est une expression profonde de comportement qu’ils ont révélée. Ce portrait est un lapsus de personnalité, tant on y voit une froideur métallique et l’absence pathologique d’empathie qui sied si bien aux narcissiques. « Fariboles ! » diront certains : voilà tout simplement un président déterminé, qui ne s’en laisse pas compter. Un chef, enfin ? C’est là qu’il convient d’apporter une grille de lecture utile des personnalités.

Depuis sa prise de pouvoir, le président a multiplié les coups d’éclats, provoquant des pâmoisons à peine voilées d’une certaine presse, peu gênée à l’idée de se comporter comme une presse officielle. Il faut dire qu’après les affres du quinquennat Hollande, entre indécision, gaffes, loupés et négligences, toute forme de dignité dans l’apparence fait figure de retour du roi Soleil en son palais. Mais il faut aller plus loin : peut-on se contenter d’observer un bras de fer sans s’interroger sur la politique qui se trame en arrière-fond, ses conséquences et ses rebonds ? Serrer fort la main à Trump, l’éviter de manière ostentatoire, rappeler à Poutine que, comme Pierre le Grand, il vient se civiliser en Occident, est-ce de l’autorité ou de l’inconséquente glorification de soi ? Quand la mayonnaise retombe dans le fracas mou des likes et des partages, que reste-t-il ? Inflexion de la politique américaine ou vexation durable d’un président instable ? Coopération franco-russe ou stratégie d’apparence ?

Après moi, le Déluge

La presse a-t-elle à ce point consacré son propre pouvoir de l’image qu’elle ne cherche plus à étudier ce qui, dans la démarche d’un président, a de réfléchi, calculé, profond, vertueux ? Pressent-elle les conséquences d’une mobilisation des regards qui pour quelques secondes de gloire menace l’équilibre du monde ?

Une seule question – qui permettrait au passage l’écrémage attendu des caciques des partis mais aussi des mouvements en (dés)ordre de marche, nous donne la vision immédiate d’un leadership authentique : si le leader disparaît, que reste-t-il ? Sa perte est-elle irrémédiable ou le mouvement qu’il a induit, en responsabilisant les gens et en les articulant à une mission supérieure, peut-elle lui survivre ? Crée-t-il une trajectoire ou un mouvement satellitaire autour de lui ? La République En Marche a toute l’apparence d’une vague de groupies qui, tout en embarquant dans ses rangs des personnes de valeur, s’est construite en écho d’une image belle qu’elle voulait enfin se donner à elle-même. Macron a fait de l’anti-hollandisme au mauvais endroit : il ne s’est pas fait chef, il s’est fait beau, il n’a pas donné un cap aux énergies mais concentré les attentions. Autour de lui, ce rassemblement hirsute n’est ni employé, ni conduit. S’il chute, tout s’écroule.

Un professionnel de l’apparence

Les personnalités narcissiques sont les meilleurs ennemis des leaders : leur détermination, leur volonté d’aboutir, leur disposition innée à la délégation les désignent d’apparence aux places de direction. Seul hic : leur incapacité à écouter à la réalité. Le refus de la frustration (la connait-on quand on passe de parents-gâteaux à une mère-épouse ?) a provoqué chez eux le déni de tout ce qui existe en dehors de leurs besoins ; ils se rêvent parfaits et ont le besoin pathologique de se le prouver, quitte à occulter ce qui le contredit. L’image, plus que les faits, leur en donne le terrain. Ils font mine d’entendre, de comprendre et de s’intéresser mais c’est une écoute préalable au détournement des énergies autour de leur personne. Ce sont des professionnels de l’apparence : le mouvement autour d’eux est volontaire voire zélé, leurs caprices quotidiens mais charmants, leurs présence attachante, justifiée, sublimée… Il y a du champagne tous les jours mais personne ne se soucie de la hauteur de la mousse au-dessus d’un liquide dérisoire.

Un chef se fatigue à longueur de journée dans le cloître du discernement qu’exige son métier. Il travaille sur l’invisible, sur le ferment, sur la tendance. Son boulot n’est pas l’image mais la décision, pas la gravitation mais le mouvement, pas l’instantané mais la durée.

Une image parfaite porte, comme le portrait de Dorian Gray, une destruction intrinsèque. L’enjeu n’est pas de la maquiller mais de la contredire par les faits. Il faut pour cela une présence au monde qui soit capable de renoncer provisoirement au plan d’une communication verrouillée et sans fard. L’aléa nous enseigne. Il s’intègre dans une écoute longue qui permet l’élan sur les lieux d’inflexion de l’action et l’anticipation continue.

Le président Macron a étalé sur son bureau de parade son arsenal d’images. « Qui ne sait dissimuler, ne sait régner » disait Louis XI : il savait combien le trésor d’un monarque se cache à l’intérieur de son âme.



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