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Carnage à Bombay


Carnage à Bombay

Je ne m’attendais certes pas à passer la matinée de Thanksgiving à boire du café soluble et passer de CNN à la BBC. Mais les attaques sur Bombay sont si énormes et comme ils disent si « insolentes » que je me suis couché tard et levé tôt.

À l’heure qu’il est, on connaît toutes les infos essentielles : des terroristes islamistes ont déferlé sur les quartiers riches et touristiques de Bombay, se sont emparés de deux hôtels et ont ouvert le feu à la gare centrale. Ils se sont aussi emparés de plusieurs bâtiments. Ce qui est clair c’est qu’il s’agissait d’une entreprise exigeant une importante masse de main-d’œuvre. En principe, en terrorisme, on cherche à épargner le plus possible son personnel, mais quelqu’un en rapport avec Al Qaïda ou son fan-club pakistanais a décidé de sacrifier un paquet de vies sur ce coup-là. C’est ce qui rend ces attaques intéressantes si on les examine d’un œil froid.

Imaginez que vous soyez une huile d’Al Qaïda, en train de se demander comment profiter au maximum de vos ressources. Jusqu’à présent la solution, la plupart du temps, c’était la bombe. Parce que pour poser des bombes, il suffit de quelques hommes valeureux, et pour peu qu’ils règlent le détonateur correctement et sachent faire profil bas, ils ont une bonne chance de s’en sortir pour pouvoir reposer des bombes un autre jour. Dans la mesure où il n’est pas facile de trouver des hommes valeureux, et encore moins des hommes valeureux prêts à risquer de se faire arracher les ongles dans le sous-sol d’un service de police, c’est là la démarche standard de la plupart des mouvements terroristes.

Pas cette fois. Si ces mecs ont envoyé des hommes sur dix objectifs différents à Bombay, ils dépensent beaucoup de vies humaines. Il leur faut supposer que ces hommes ne reviendront pas. La moitié environ d’entre eux vont mourir, et les autres seront sérieusement passés à la question, avant de se faire abattre «lors d’une tentative d’évasion», ou alors, s’ils ont vraiment un bol de cocu, de se faire jeter dans une oubliette obscure.

Imaginons qu’ils aient envoyé dix hommes par objectif. Il faut bien ça pour mener ce genre d’assaut frontal dans une ville où la police est massivement présente, le chiffre est donc plausible. Pas le genre de truc qui réjouit particulièrement votre Directeur des Ressources Humaines.

Sauf qu’en fait, le problème se réduit finalement aux forces à l’œuvre sur le marché, et en ce sens, ça tient parfaitement debout. L’offre et la demande. Offre: il semble qu’une bonne partie des assaillants soient venus du Pakistan par bateau. L’offre en jeunes Pakistanais pas très futés, démangés de la gâchette et impatients de se sacrifier est à peu près illimitée. Grâce au financement de la CIA, des Saoudiens et de l’ISI[1. Les services secrets pakistanais.], il existe maintenant près de 4000 madrasas, académies du martyr, au Pakistan. Ce sont les seules MJC qu’on trouve là-bas, et leurs animateurs n’hésitent jamais à faire des heures sup’ pour convaincre tous les jeunes idiots du pays que se porter volontaire pour une mission-suicide, c’est comme gagner une croisière à la loterie. En l’occurrence s’ils sont bien venus par la mer, c’en était une.

Bon, la qualité de cette main-d’œuvre, ça c’est autre chose. Quel est le prix de la vie de cette chair à canon pour la mouvance? Ça dépend de beaucoup de facteurs. Si vous étiez le DRH d’Al Qaïda et qu’il était question de faire le portrait-robot de la recrue idéale, il parlerait l’anglais ou l’américain sans accent; il serait blanc ou extrême-oriental; il saurait s’adapter au mode de vie yuppie/urbain n’importe où en Occident; il aurait la tête froide, serait capable de sourire comme un vendeur d’automobile et de parler de sport ; et sous cette carapace, il serait parfaitement maître de lui-même, armé d’un dévouement genre Terminator à la cause et d’une indifférence totale aux séductions du monde diabolique que vous l’avez envoyé infiltrer.



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Gary Brecher, plus connu sous le pseudo de "The War Nerd" (le fan de guerre), est une signature mystérieuse et mythique de la rédaction du site américano-russe de contre-information <a href="//exiledonline.com">eXileD</a>. Habitant de Fresno, obèse et accro au Coca light, il sort rarement de sa chambre, mais connaît tous les conflits par cœur depuis la Guerre du Feu. Découvert et traduit par l’écrivain Thierry Marignac, on peut trouver plusieurs de ses chroniques précédentes<a href="http://chroniquesmarignac.blogspot.com/"> sur son site</a>. Lecture recommandée aux amateurs de stratégie militaire, d’expertise rock n’roll et d’humour macabre.

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