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Venezuela: les déboires du petit Nicolas


Venezuela: les déboires du petit Nicolas
Manifestation anti-Maduro à Caracas, octobre 2016. Sipa. Feature Reference: AP21967855_000018
nicolas maduro chavez venezuela
Manifestation anti-Maduro à Caracas, octobre 2016. Sipa. Feature Reference: AP21967855_000018

« C’est à ça qu’on les reconnaît », disait Bernard Blier des cons dans Les Tontons flingueurs. J’ignore si Nicolás Maduro a vu ce film mais lui il ose. Il ose tellement qu’il vient d’augmenter le salaire minium de son pays. Et pas de 2 ou de 3 % mais tenez-vous bien, de 40 %! Et c’est la quatrième fois depuis le début de l’année qu’il fait ça!  Ça a beau être démago, ça en jette.

De Maduro à Maburro

Dans le fond, j’aimerais bien que Hollande en fasse autant, pas vous ?  Sauf que l’inflation du Venezuela est de 475 % pour cette année, ce qui change pas mal la donne. Nicolás Maduro a fait ce cadeau à son peuple bien aimé juste avant une grève générale. Le craindrait-il tant que ça son peuple ? On dirait bien. Pourtant il dit adorer les pauvres. Tellement qu’il les multiplie d’année en année et qu’il ne semble pas souhaiter s’arrêter là. Mais cet amour est-il vraiment réciproque ? Huit Vénézuéliens sur dix souhaitent le mettre à la porte, et beaucoup le surnomment le « burro », c’est-à-dire l’ « âne » en espagnol. Bien que peu valorisant, « pingouin »  reste quand même plus acceptable.

Mais depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2013, cet ancien chauffeur de bus, gros nounours à moustache qui aurait sa place dans une échoppe de tacos n’a fait que plomber le relatif succès de son prédécesseur (diminution des inégalités sociales et de la proportion de pauvres, croissance économique correcte) et entend bien diriger son pays d’une main de fer. S’il n’était peut-être pas une lumière, Chavez avait une personnalité peu commune et forçait l’attention. On ne saurait en dire autant de Maduro. Parmi tous ses camarades, c’est lui qui s’exprime le moins bien. Il n’arrive même pas à faire taire ses militants pendant qu’il parle, il ne sait pas quoi faire de ses mains, il n’a pas de charisme. On pourrait aisément lui pardonner dans le fond, à cet homme au ventre bien nourri. Hollande non plus n’a aucun charisme, et pour ma part ça ne me gêne pas tant que ça. Mais le problème de Maduro, c’est qu’en plus de ça, il est bête au sens propre : en 2013, il déclare lors d’un discours que son gouvernement va donner des millions de « libros y libras » (entendez livres et un féminin de « livre » qu’il vient d’inventer) à des enfants. Il dit dans un autre que certains commerçants « sont victimes des capitalistes spéculatifs qui volent comme nous » (« nous », c’est son gouvernement). Ou parle aussi de la « culture du poulet » après avoir évoqué celle du persil et des tomates. Ou encore, affirme que sa population est appelée « à se multiplier comme le Christ a multiplié les pénis ». Il a confondu le pain (el pan) avec l’attribut, le pauvre, mais on va s’arrêter là car on frôle le blasphème, et surtout parce que ça devient vulgaire.

Bête et méchant ?

Etre un président bête, Maduro ne sera ni le premier ni le dernier. Son voisin mexicain, Enrique Peña Nieto, lui fait actuellement bonne concurrence en la matière. Etre comparé à un âne n’est guère reluisant mais n’en fait pas pour autant un tortionnaire. Seulement Maduro –qui ne manque pas de culot – a réussi à stopper le recueil de signatures de 20 % des électeurs en vue d’un référendum sur sa destitution anticipée, a prévenu que les entreprises qui feraient grève –ces traitres à la nation- seraient inquiétées par le gouvernement, et menace de mettre en prison les opposants –fussent-ils des députés légitimement élus- qui souhaitent le poursuivre en justice. A la liste -non exhaustive- des exploits de Maduro, on ajoutera que la semaine dernière, une énième manifestation exigeant son départ s’est soldée par non moins d’une centaine de blessés. Quand on veut noyer le poisson, on qualifie ce type de régime d’ « autoritaire ». En bon français, on appelle ça une dictature.

Le Venezuela allait-il mieux que maintenant avant la révolution chaviste ? A vrai dire je n’en sais trop rien. Je n’ai jamais mis les pieds au Venezuela, ni avant ni après. J’en suis essentiellement réduit à me fier aux médias et à des « on dit ».  La presse a évoqué cette année des milliers de Vénézuéliens traverser la frontière colombienne pour aller chercher les produits de base –papier toilette et médicaments en première ligne- qu’ils n’ont plus et j’ai croisé quelques vénézuéliens expatriés en France ou en Colombie. Certains sévères sur le chavisme, d’autres non. Il ne s’agit donc pas de jeter la pierre à ce régime en soi parce qu’il est socialiste ; mais quand la liberté de presse est quasi inexistante, que des opposants sont systématiquement  mis derrière les barreaux voire torturés, que les neveux d’un président sont arrêtés à Haïti pour trafic de cocaïne, que le même président qui pourfend l’impérialisme américain à longueur de discours est accusé de blanchiment d’argent au Panama avec son épouse, il n’y a aucune sympathie à avoir pour ce régime –ou du moins pour ce qu’il est devenu- qu’on soit sensible  ou non aux thèses tiers-mondistes.

Je ne considère pas les sociétés d’Amérique latines à l’économie ultralibérale –Mexique, Colombie, Guatemala, etc. – comme des réussites, mais il faut sortir du fantasme d’une société meilleure à travers le socialisme du XXIème siècle. Si le Venezuela n’est pas la Syrie, certains utilisent le terme de « crise humanitaire ». Le Venezuela a toujours semblé être un drôle de pays, mais il l’est maintenant plus que jamais. L’opposition, qu’elle soit à la botte ou non des intérêts étrangers, comme le prétend l’âne qui ne veut pas céder son trône, doit s’organiser pour parler d’une seule voix. Et doit être soutenue par tous ceux qui se prétendent humanistes.



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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