Accueil Politique Tout le monde n’a pas la poisse d’avoir des parents communistes!

Tout le monde n’a pas la poisse d’avoir des parents communistes!


Tout le monde n’a pas la poisse d’avoir des parents communistes!
Pierre Plisonnier et Xavier Broseta, cadres d'Air France. Sipa. Numéro de reportage : 00725775_000001.
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Pierre Plisonnier et Xavier Broseta, cadres d'Air France. Sipa. Numéro de reportage : 00725775_000001.

Le procès des syndicalistes d’Air France accusé d’avoir molesté deux dirigeants de la compagnie aérienne nationale en 2015 dans le cadre d’une manifestation contre les réductions d’effectifs a placé sous les feux de l’actualité Pierre Plissonnier, 62 ans, directeur de l’activité long courrier d’Air France, un secteur particulièrement touché par les mesures d’économies prévues. C’est lui que l’on vit s’échapper en catastrophe de la foule des syndicalistes enragés, la chemise blanche flottant en drapeau sur son torse dénudé, un vidéo qui connut un succès planétaire : 1,7 milliards de vues sur Youtube !

La CGT s’en prend à un fils du PCF

Les gros bras de la CGT, qui se sont livrés à ce morceau de bravoure qui restera dans les annales de la lutte du prolétariat contre ses exploiteurs connaissaient-ils le pedigree de l’homme qu’ils prenaient un plaisir sadique à humilier publiquement ? N’as-t-il pas subi ce traitement  spécial, heureusement de moins en moins fréquent dans les conflits sociaux de notre temps, en raison de la trahison de classe dont il se serait rendu coupable, lui qui était issu d’une famille exemplaire de la nomenklatura stalinienne française ?

Pierre Plissonnier, en effet, est le fils unique de Gaston Plissonnier et de son épouse, née Juliette Dubois, aujourd’hui décédés, qui furent des membres éminents de la hiérarchie du PCF, où il firent toute leur carrière, depuis leur adhésion à ce parti en 1935 jusqu’à leur retraite au début des années quatre-vingt.

Gaston et Juliette, fidèles parmi les fidèles de la ligne stalino-thorézienne, s’engagèrent dans la Résistance après 1941, lorsque le pacte germano-soviétique vola en éclats après l’attaque des armées nazies contre l’URSS. Ils oeuvrèrent, avec courage et succès, à la reconstitution et au maintien de l’appareil du Parti jusqu’à la Libération, ce qui leur valut une ascension rapide dans ses instances, alors que le PCF était au faîte de sa puissance électorale.

Gaston et Juliette

Gaston n’était pas de ces dirigeants batteurs d’estrade et connus du grand public, comme Maurice Thorez ou Jacques Duclos. C’était un « homme gris » de l’appareil, un travailleur de l’ombre, méthodique et efficace, bénéficiant de la confiance du noyau dirigeant français, plus important encore, et de la section internationale du PCUS, qui n’hésitait pas à lui confier des tâches délicates, comme l’organisation du soutien financier et logistique aux partis communistes clandestins en Espagne et au Portugal. En France il occupait le poste clé de secrétaire administratif du Comité centralet de la redoutée «  section des cadres », qui faisait et défaisait la carrière des permanents du Parti à tous les échelons, promouvant et purgeant en fonction des oukases venus de Moscou, et des luttes internes au sein du PCF. Il conserva cette fonction jusqu’à la fin des années 70, ce qui lui valut le surnom de « secrétaire perpétuel » au sein du parti. Cette longévité n’était pas sans lien avec les fiches biographiques complètes et détaillées de tous les cadres politiques et administratifs, dont il avait le contrôle, ce qui le met à l’abri de coups tordus de la part de ceux qui auraient l’envie de le débarquer. Qui, en effet, n’a pas fait un pas de côté, politique ou personnel qui pourrait ressortir au moment opportun ? C’est lui, par exemple, qui impose Georges Marchais contre Roland Leroy en 1971, pour la succession de Waldeck Rochet, préférant un secrétaire général plombé par son passé de travailleur volontaire en Allemagne à un homme d’appareil contaminé, à ses yeux, par sa longue fréquentation des intellectuels communistes, secteur dont Leroy avait la charge au sein du Bureau politique.

En 1954, Gaston Plissonnier et Juliette Dubois officialisent leur union à un âge relativement avancé, 43 ans pour lui, 45 pour elle. Pierre est donc «  l’enfant de la dernière chance », choyé comme tel et faisant la fierté de ses parents par de brillantes études, comme nombre de fils et filles d’archevêques communistes d’ailleurs. Cela pourrait être un édifiante histoire d’élitisme républicain, si l’on considère que le couple Gaston et Juliette Plissonnier étaient entré à 15 ans dans le monde du travail. Même s’il était un brillant sujet scolaire, l’accès de Pierre Plissonnier aux étages de direction d’Air France n’est pas étrangère au fait que le ministère des transports, tutelle de la compagnie aérienne nationale , entre 1981 et 1984, était détenu par le communiste Charles Fiterman, dont Plissonnier avait favorisé la carrière au sein du parti. L’hérédité fit le reste, et le jeune Plissonnier, sut, comme son père, se tirer sans dommages personnels des changements d’orientations opérés au-dessus de lui… En revanche, la mémoire syndicale n’avait pas oublié d’où venait l’homme maintenant chargé de mettre en oeuvre les compressions d’effectifs exigées par les bouleversements économiques intervenus dans le transport aérien. La brutalité dont il fut la victime n’avait donc rien de fortuit.



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