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Lagerfeld, l’homme le plus classe du monde


Lagerfeld, l’homme le plus classe du monde

J’avais déjà eu l’occasion, l’été dernier, d’apprécier la culture et l’esprit de Karl Lagerfeld à l’occasion d’un débat organisé par Télérama entre lui et Fabrice Luchini – à l’initiative de ce dernier, l’inconscient !

Il en ressortait de manière criante l’abîme qui peut séparer un authentique honnête homme du XVIIe siècle d’un histrion dissimulant sa vacuité sous une avalanche de citations apparemment sélectionnées au ventilateur…

Eh bien, j’ai eu le plaisir de le revoir et de l’entendre (l’homme d’esprit, pas le piètre bateleur !) un peu partout cette semaine à l’occasion de la fashion week. Une interview-fleuve dans Elle, une autre dans Le Figaro, une troisième au micro de Fogiel sur Europe 1.

Et surtout, sur France 5, un doc épatant de la série Empreintes : « Karl Lagerfeld, un roi seul ». Joli titre au demeurant, dont le côté un peu pléonastique est largement compensé par la pertinence poétique.

Mais quel est donc le royaume de ce Karl Ier ? Le monde de la mode ? Pas seulement. Certes, il a magistralement dépoussiéré la maison Chanel, dont il est l’âme depuis un quart de siècle. Mais ce couturier est aussi un homme de lettres accompli, un bibliophile aux 50 000 volumes dont l’écrivain préféré est Bossuet et le livre de chevet L’oraison funèbre d’Anne de Gonzague de Clèves… après ça, peu me chaut qu’il soit aussi allemand, né à Hambourg dans une famille de la grande bourgeoisie prussienne (et non pas « prusse » – comme on pouvait l’entendre l’autre jour sur France Culture…)

Bref, contrairement à un vulgaire Galliano, son « royaume » n’est pas seulement de ce petit monde qu’est la haute-couture. Lagerfeld est aussi, et surtout à mes yeux, un homme de haute culture.

Chez lui l’affectation, même poussée jusqu’à l’extravagance n’est pas une posture/imposture (comme on dirait chez les lacaniens attardés) : elle « fait sens » (ibid.). Gêné aux entournures de son costume spatio-temporel, le couturier ne souhaite pas être résumé à son pays, ni même à son siècle. Il ne prétend pas pour autant être « de nulle part », contrairement à notre élite moutonnière – qui croit même désormais pouvoir se passer de bergers.

Ces postmodernes de papier, comme dirait Mao, ne sont que des post-it recopiant tant bien que mal l’aphorisme le plus bête du monde, dans la catégorie « métaphysique » : Il faut suivre ceux qui cherchent, et fuir ceux qui ont trouvé. (Gide, XXI, 13)

Je ne connais pas personnellement Lagerfeld, et le suppose d’ailleurs d’un abord plutôt difficile – comme les génies, les fêlés, et l’intergroupe. Mais je gage qu’il n’est pas de ces Béotiens de l’intelligence, persuadés qu’il leur faut couper leurs racines pour déployer leurs ailes. (Merci à France 3 pour la métaphore !)

« Il ne faut pas penser avec son époque ; il faut penser avec toutes les époques », disait Charles Maurras.

Dans le même sens, je trouve plus lumineuse encore la phrase de Simone Weil – sans doute parce qu’elle est éclairée par la foi : « Il faudrait dire des choses éternelles pour être sûr qu’elles soient d’actualité. » Et bien sûr, comme l’a démontré Rivarol et compris Lagerfeld, pour atteindre à l’universalité, il n’est point de meilleur véhicule que la langue française.



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