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Torquemada, toi-même !


Torquemada, toi-même !

Si j’en crois Cyril Bennasar, avec lequel je reste en profond désaccord, notre liberté tiendrait essentiellement à notre latitude à foutre le feu à un exemplaire du Coran, puis à lui pisser dessus. Soit ! Cela doit être là l’un des aspects de la liberté chez les modernes qu’une lecture par trop inattentive de Benjamin Constant m’avait fait perdre de vue.

Poursuivons donc jusqu’au bout la logique bennasarienne : si jamais nous ne foutions pas le feu à un exemplaire du Coran et si nous ne pissions pas dessus chaque jour, alors notre liberté de penser en serait gravement diminuée et restreinte. Et celui qui ne se livrerait pas à ça serait, évidemment, l’agent masqué de cet islamisme qui rampe et étouffe de son étreinte serrée les valeurs de la République. Je n’ai pas tout saisi de cette grande logique dans laquelle semble tenir à elle seule notre liberté, mais, à tout prendre, ce n’est pas pisser qu’il serait requis de faire mais chier. L’urine a un côté un peu trop oriental, donc nécessairement islamiste, puisqu’elle nous ramène aux acousmataï pythagoriciennes et à la dialectique apollinienne (« Tu n’urineras pas face au soleil »), alors que la défécation est bien davantage le propre de l’Occident. Voyez la correspondance de Mozart, mais également cette ligne brune qui unit dans le nihilisme du trou de balle et Diderot et Bataille.

Donc, brûler des livres, c’est ce qui garantit notre liberté. Pourvu que Delanoë ne se prenne pas à nous organiser des Nuits de Cristal en lieu et place des Nuits Blanches, parce que j’ai la nette impression que nous deviendrions très vite très libres.

Non, la liberté que nous avons acquise n’est pas celle du briquet, de l’urètre ou de l’anus. C’est dans la tête que ça se passe, cher Monsieur. Notre liberté, c’est celle de l’esprit. S’avilir à aller en dessous, c’est se résoudre à n’avoir ni tête ni esprit.

Je ne suis pas, par exemple, d’accord avec Onfray. Mais alors pas du tout. Il a commis le crime impardonnable de n’avoir rien compris à Sade et n’a pas saisi que le marquis érigeait une métaphysique catholique et antichrétienne, comme Maurice Liver puis Philippe Sollers l’ont montré. Or, si l’on peut me trouver un jour en possession de livres d’Onfray, jamais on me trouvera en train d’en brûler un seul. Ni d’uriner dessus.

Nous ne sommes pas des porcs !

Pour une seule chose : nous ne sommes pas des porcs ! Nous ne pissons pas en public. Nous ne sommes pas des porcs : nous ne mettons pas le feu aux livres.

Nous ne mettons pas le feu aux livres et, comme nous sommes êtres doués de raison, nous ne confondons pas islam et islamisme. Comme nous plaçons au-dessus de tout notre raison, nous ne croyons pas que Ben Laden est dans chaque ascenseur.

Oui, il se trouve bien que, dans certaines contrées du monde, certains foutent le feu aux livres qui leur déplaisent. Les Talibans en ont incendié par milliers. Maariv a même vu un adjoint au maire de Or Yehuda organiser, en mai 2008, un autodafé d’exemplaires du Nouveau Testament. Devraient-ils être pour nous des exemples ? Evidemment que non quand on n’a pas oublié – mais faut-il un jour les avoir connus – les vers de Heinrich Heine dans Almansor : « Quand on commence à brûler des livres, on finit par brûler des hommes. »

Mais bon, feu de cela. Ce qui retient l’attention de Cyril Bennasar, ce sont deux choses : le responsable de la mosquée de Strasbourg a porté plainte pour racisme et le maire de Strasbourg a lancé une pétition appelant à la vigilance antiraciste.

Sur la deuxième récrimination de l’ami Cyril, une petite rectification s’impose : cette pétition est antérieure à l’affaire du Coran brûlé. Au passage, ce dernier acte a eu lieu à Bischheim, non pas à Strasbourg (vu de Paris, je sais, c’est la même chose, nous parlons tous boche ici). Cette pétition suivait une dizaine d’actes de vandalisme perpétrés contre des Strasbourgeois et des notables. Mon ami Faruk Gunaltaï, le directeur de l’Odyssée, a réchappé à un incendie criminel qui visait son habitation. Le professeur Israël Nizand a vu sa maison taguée de graffitis antisémites. Mais, pas de souci, hein, le racisme et l’antisémitisme sont des fadaises, des billevesées, des instruments de propagande aux mains des islamistes, non ? Mon ami Faruk et sa famille ne pensent pas la même chose que Cyril Bennasar. C’est certainement le problème de Faruk : être un turc athée, bouffeur d’imams, de curés et de tout ce que vous voudrez n’ouvre pas le droit au blasphème, surtout chez les gens qui ne kiffent pas ces Turcs qui y vont un peu trop fort dans l’assimilation au point d’avoir les humeurs du petit père Combes.

Quant à la plainte du responsable de la mosquée de Strasbourg, je n’y trouve personnellement rien à redire. Elle s’inscrit dans la doxa la plus française qui soit. Quand on est un bon français, on va devant le tribunal dès lors qu’un problème se pose. Et si possible on y va pour antiracisme. Je concède une chose : Abdelaziz Choukri, délégué général de la mosquée de Strasbourg, ne doit pas être un si bon Français que ça, c’est-à-dire un être animé par un antiracisme viscéral et ce que Philippe Muray appelait le « désir de pénal ». Car le gars qui a fait la vidéo, Choukri l’a appelé. Et le gars, dont Cyril Bennasar nous dit qu’il est le parangon de la liberté de penser, n’a pas voulu lui parler. Depuis quand, en France, parlerait-on à un Arabe ? Non mais !

Tout le débat sur l’islam dans le numéro d’octobre de Causeur.



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