A-t-on le droit de critiquer Tariq Ramadan?


A-t-on le droit de critiquer Tariq Ramadan?

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Gilles Clavreul, préfet et Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), est un drôle de loustic. Figurez-vous qu’il passe son temps à lutter contre le racisme ET l’antisémitisme, plutôt que de lutter, façon Mrap, contre le racisme ET le racisme, traduisez contre l’« islamophobie » ET l’« islamophobie ».

Pour avoir une idée des combats tous azimuts de ce bonhomme, pas besoin d’envoyer un hacker pirater l’agenda de son iPod : en haut fonctionnaire consciencieux, mais moderne, il rend compte régulièrement de ses activités sur sa page Facebook, où il commente aussi volontiers l’actu de sa zone de chalandise. Voyons voir.

Le 27 novembre, Gilles Clavreul exprime ses inquiétudes face aux actes racistes antimusulmans suite aux attentats du 13 novembre : « 35 actes et menaces ont été recensées en France métropolitaine, hors périmètre préfecture de police, depuis deux semaines. C’est beaucoup, c’est trop, et cela appelle des sanctions exemplaires, telle que celle prononcée en milieu de semaine contre des individus liés à l’extrême-droite qui ont fait feu sur un kebab à Avranches et ont été condamnés à un an de prison ferme. » Dans la foulée, il se félicite que « ce chiffre de 35 actes et menaces doit être rapporté aux 116 faits recensés, sur une même période et un même périmètre, après les attentats de janvier. (…) En somme, la France ne tombe pas dans le piège de la guerre civile où les terroristes rêvaient de nous entraîner. »

Le 29 novembre, Gilles Clavreul prend la parole lors du rassemblement organisé à l’institut du monde arabe par le Conseil français du culte musulman (CFCM). Sur sa page Facebook, il félicite le CFCM et son nouveau président, Anouar Kbibech, pour avoir lancé « un manifeste citoyen » afin de « rappeler solennellement l’attachement des citoyens français de confession musulmane aux valeurs de la République et la condamnation totale du terrorisme ».

Le 6 décembre, au soir du premier tour des régionales, Gilles Clavreul félicite Roland Ries, le maire socialiste de Strasbourg, pour avoir appelé, sans attendre la position officielle du PS,  à faire barrage à Florian Philippot, donc à voter LR au second tour.

Le 8 décembre, le même préfet remet grave à leur place les deux ou trois raclures qui ont osé huer, dans une salle du Palais-Bourbon, pour cause de port du voile, Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad ibn Ziaten, sous-officier para assassiné par Mohamed Merah. Le commentaire de Gilles Clavreul : « Si je me joins à ceux qui se sont indignés à juste titre de ces comportements minables, c’est aussi pour leur rappeler que la courageuse, l’admirable Latifa a aussi été moquée, conspuée et menacée, bien plus souvent et bien plus gravement, pour avoir dénoncé le terrorisme, le fanatisme, le djihadisme, et plus encore, pour avoir parlé de paix et de fraternité, notamment en ma présence il y a six mois, à l’école Or Torah de Toulouse, avec des jeunes juifs. »

Dans un  registre assez proche, le lendemain 9 décembre, alors que le 110e anniversaire de la loi de 1905 semble avoir survolté quelques-uns de mes camarades que je taquine volontiers en les traitant « d’intégristes laïcs », Gilles Clavreul met les points sur les i, en rappelant, avec ses mots à lui, que le trop est parfois l’ennemi du bien : « Je juge inopérante, déclare-t-il, voire dangereuse, la formule « laïcité de combat ». Mais je crois plus que jamais nécessaire le combat pour la laïcité. »

Cette recension n’est pas exhaustive, je vous passe notamment la longue liste des déplacements de Clavreul dans une syna en compagnie d’un imam et d’un curé, dans une mosquée flanqué d’un curé et d’un rabbin ou dans une église aux côtés d’un imam et d’un rabbin. Je dois à la vérité de dire que je n’ai rien trouvé d’aussi compassionnel concernant les chamanistes ou les adventistes, mais je n’ai sans doute pas assez bien disséqué sa page Facebook.

Donc voilà deux ou trois choses que je peux vous dire sur le combat quotidien du préfet Clavreul. Et voilà pourquoi j’ai été sidéré par la campagne déclenchée hier l’accusant d’« islamophobie ». Tout commence avec un texte sur le fameux meeting de Saint-Denis, publié sur sa page Facebook après le second tour, dans le souci, semble-t-il, de ne pas prendre part à la polémique avant le scrutin. Il y fustige « l’offensive antirépublicaine menée par Tariq Ramadan, le Parti des Indigènes et un certain nombre de collectifs anti-démocratiques, racistes et antisémites vendredi soir à Saint-Denis, avec le concours ou la bienveillance de certaines organisations d’extrême-gauche ».

Après quoi le même Clavreul aggrave son cas en expliquant le pourquoi du comment : « Sous couleur d’un antiracisme perverti, cette offensive vise uniquement à légitimer l’islamisme, à défendre des prédicateurs fondamentalistes et à piéger la jeunesse des quartiers dans une radicalité sans issue. La xénophobie, les discriminations, le rejet dont sont victimes les jeunes Français des quartiers populaires sont un sujet trop grave, bien trop grave pour laisser faire cette instrumentalisation pernicieuse. Leur but est clair : faire monter l’extrême-droite, culpabiliser les républicains et enfermer la jeunesse des quartiers populaires dans une opposition culturelle à leur propre pays. »

Il se trouve que ce franc-parler, s’il en a réjoui beaucoup, n’a pas séduit tout le monde. La Ligue des Droits de l’Homme, que Clavreul n’avait pourtant pas attaquée dans son texte, réclame des excuses dans une missive aussi comminatoire que grotesque. On aurait pu croire que la LDH enverrait un courrier furibard à son ancien président, Michel Tubiana, pour avoir pris la parole à Saint-Denis aux côtés de gens et d’organismes un rien douteux. Mais non, la LDH préfère exiger la tête du lanceur d’alerte. Fondée pour défendre l’honneur du capitaine Dreyfus, la Ligue défend aujourd’hui celui de Tariq Ramadan. Le niveau monte…

Depuis, ce lobbying anti Clavreul a été relayé par nombre d’organes de presse. Sans surprise, Libé a tiré en premier, suivi de peu par le site des soraliens d’E&R, puis par l’Huma, Médiapart, Politis et même par l’Express qui dans un long papier non signé, s’indigne tout en finesse : « Le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme s’est fait une spécialité de dénoncer les antiracistes. » Je sais bien que Drahi et Barbier serrent les cordons de la bourse. Je préfère donc penser que cette ignominie a été rédigée par un des nombreux robots-rédacteurs qui envahissent de plus en plus de journaux.

Un petit quizz, pour finir : saurez-vous attribuer au bon média le titre de son papier anti-Clavreul ?

Média A : Libé
Média B : l’Huma
Média C : Egalité & Réconciliation

Titre 1 : Gilles Clavreul, le délégué antiraciste qui n’aime pas certains antiracistes
Titre 2 : Gilles Clavreul suscite la colère des militants antiracistes
Titre 3 : Gilles Clavreul, militant nanti-raciste

Je sais que vous allez penser que ce n’est pas évident de choisir entre Libé et l’Huma pour les titres 1 et 2, mais que le titre 3, où l’on qualifie Clavreul de « nanti » et de « raciste » provient de toute évidence des camarades d’Alain Soral.

Ben non,  vous avez tout faux, ce titre provient de l’Huma. Vous savez, ce quotidien qui se proclame fièrement, chaque jour, en Une : « Journal fondé par Jean Jaurès »

Gilles Clavreul L'Humanité



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