Sarkozy en examen : un mauvais feuilleton judiciaire


Sarkozy en examen : un mauvais feuilleton judiciaire
(Photo : SIPA.AP20819604_000034)
(Photo : SIPA.AP20819604_000034)

Les séries paraît-il sont à la mode et « Sarkozy et le cirque médiatico-judiciaire » ne fait pas exception. Le public sans doute n’étant pas encore lassé. Ainsi, une nouvelle fois l’ancien président de la République a donc été mis en examen, et cette fois-ci pour une incrimination très peu connue : « avoir dépassé le plafond des dépenses électorales fixé en application de l’article L. 52-11 ». Oui vous l’avez bien lu, ce n’est pas un « bug »… Une fois de plus, Nicolas Sarkozy fait, en tant que justiciable, évoluer le droit dans des directions originales… Il faut savoir que cette mise en examen ne s’appuie  pas sur le code pénal, mais sur le code électoral (son article Article 113-1-3) ! Et puisque dans sa sagesse le législateur a fixé des peines maximales d’un an de prison et 3 750 euros d’amende on peut comprendre la gravité de l’infraction… On est dans le bas de gamme, mais pour Sarkozy ça fera l’affaire. Cette incrimination est issue de la loi de 1990 sur le financement public de l’activité politique, une législation qui prévoit le remboursement par les caisses de l’Etat de certaines dépenses électorales contre le plafonnement des celles-ci. Tout dépassement du plafond entraînant inéligibilité de plus ou moins longue durée et dans certains cas versement d’une amende.

Non bis in idem ?

Cette situation invite deux observations. La première : le dépassement des comptes de campagne Sarkozy 2012 a déjà été constaté par la Commission nationale des comptes de campagnes chargée de surveiller les campagnes électorales puis de vérifier les comptes qui lui sont soumis. Sur la base du rejet du compte, le Conseil constitutionnel a pris, le 4 juillet 2012, une décision entérinant l’invalidation et a prononcé une amende – depuis réglée – à l’encontre du candidat. Or les décisions du Conseil constitutionnel sont opposables à tous les ordres de juridiction, ce qui veut dire que l’affaire a été jugée. N’y aurait-il pas un problème d’application de la règle « non bis in idem » ? Nous verrons bien, mais en tout cas, cette mise en examen ne nous apprend rien et enfonce une porte ouverte : tout a été dit il y a presque quatre ans… Deuxième observation : concernant le reste des incriminations – en nombre considérable – pour lesquelles l’instruction de l’affaire Bygmalion a été ouverte, Nicolas Sarkozy a été placé sous le statut de « témoin assisté ». Les ignorants et les excités vous affirment qu’il s’agit de la première marche qui conduit à la mise en examen, à la condamnation et enfin à l’incarcération de l’horrible personnage. La réalité juridique est tout autre : en l’état actuel de l’instruction – qui a été déjà pourtant fort longue et fort active – il n’existe aucun indice grave et concordant permettant d’incriminer l’ancien président. Ce n’est certes pas un brevet d’innocence finale comme a essayé de nous le vendre le concernant Jean-François Copé pour justifier sa soudaine candidature à la primaire de la droite. Mais c’est quand même une information capitale, et ce d’autant que pour monter la marche suivante – mettre Sarkozy en examen – il faudrait que de nouveaux éléments soient mis au jour postérieurement à l’audition du 16 février, car pour le moment – il faut le rappeler – ces éléments n’existent pas !

Acharnement ?

Cette mise en examen apparaît donc pour ce qu’elle est : une nouvelle opération médiatico-judiciaire qui relève d’un acharnement dont l’évidence ne peut échapper à personne. Et ceux qui disent que l’arrivée d’Urvoas place Vendôme est trop récente pour que l’on puisse parler d’intervention politique se moquent du monde. Il y a bien longtemps que la machine tourne toute seule et qu’il n’est nul besoin de consignes ! En revanche, la thèse de l’acharnement est confortée par des informations qui semblent quand même assez solides : il y aurait paraît-il de lourds désaccords entre les trois magistrats (Serge Tournaire, Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire) co-désignés pour mener cette instruction. L’absence de deux d’entre eux pour l’audition, excusez du peu, d’un ancien président de la République et destinée à sa mise en examen pourrait être difficilement considéré comme fortuite. Au palais, ces très vives tensions sont un secret de polichinelle et la thèse selon laquelle les deux juges absents étaient opposés à la mise en examen paraît quand même assez plausible. Alors me dira-t-on, pourquoi un seul des juges d’instruction n’aurait-il pas raison contre les deux autres ? Simplement parce qu’il applique une règle : c’est le premier désigné qui déciderait. Autrement dire, nous sommes dans une sorte de tradition dont la valeur juridique m’apparaît sujette à caution ! Personnellement j’aurais pensé à une vraie collégialité, il paraît que ce n’est pas le cas. Quand on vous dit que Nicolas Sarkozy fait avancer le droit… Il nous reste maintenant à attendre le prochain épisode de la série qui, il n’y a pas à en douter, sera pleine d’originalités. En ce qui concerne les réactions, les rôles sont depuis longtemps distribués, même si les acteurs arrivent encore à nous surprendre. Entre temps la presse Pigasse continue à dire n’importe quoi et les réseaux à se couvrir d’injures qu’il serait fastidieux de relever intégralement. Contentons-nous de trois beaux exemples, de vulgarité morale pour l’un, de constance dans l’acharnement obtus pour l’autre, et de culot d’acier pour le troisième.

Roselyne Bachelot qui, toute honte bue, passe désormais son temps à mordre la main qui l’a nourri. Mobilisée à tout propos et avec gourmandise par les médias mainstream, elle tape sur Nicolas Sarkozy, celui-là même qui malgré le spectacle évident de sa nullité en avait fait une ministre. L’acharnement obtus, c’est celui de Bernard Debré. Muni de sa grande sagacité politique, en 1995 il avait instamment conseillé à Jacques Chirac de surtout ne pas se présenter à la présidentielle. Vingt ans plus tard il récidive en donnant le même conseil à Nicolas Sarkozy . Gageons que celui-ci en fera bon usage.

Le culot, enfin, c’est un multirécidiviste qui à propos de cette mise en examen n’a pas hésité à dire chez Jean-Jacques Bourdin : « Si j’étais mis en examen, je crois que oui, je quitterai la présidence du PS ». Grandiose ! Mais, Jean-Christophe Cambadélis, comme condamné définitif à deux reprises pour deux infractions salées, on peut rester sans problème ? Comme votre prédécesseur d’ailleurs, lui aussi condamné définitif, et devenu ministre juste après… dans un gouvernement dirigé par un Premier ministre – aujourd’hui ministre des Affaires étrangères –  dans la même situation… Mais il est vrai ce n’est pas pareil. Vous êtes le camp du bien.



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