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Rions avec Edwy Plenel


Rions avec Edwy Plenel

J’ai bien rigolé en lisant Médiapart hier. Eh oui, je dois être le seul type en France qui rigole en lisant Médiapart. Rassurez-vous, cette hilarité ne m’est pas venue d’un édito de Plenel ou d’une « enquête » de Sylvain Bourmeau. Mon cas n’est pas si grave. En fait, elle a été provoquée par la revue de web de Médiapart du 20 janvier. La voici, reproduite intégralement. Cherchez l’erreur.

• Christian Streiff contre l’entrée de l’Etat dans le capital de PSA (Le Figaro)
• Le photographe Martin Parr s’empare de l’Obamania
• Les chercheurs d’Amnesty International sont entrés dans Gaza (Amnesty International)
• Le Bondy blog interroge sur le Plan Banlieue
• En Europe de l’Est, le football se joue à balles réelles (Bakchich)
• Adhésion à l’UE: la Turquie fait planer une menace sur le projet Nabucco (AFP)
• Interview : Dans la tête d’un tortionnaire (Tel Quel)
• Au Groenland, une jeunesse sans espoir (Le Monde)

L’erreur, c’est que, fort logiquement et même fort déontologiquement, toutes les sources de toutes les brèves du site d’Edwy Plenel sont citées. Y compris les concurrents de Bakchich, y compris les réacs du Figaro, y compris les lâcheurs du Monde. Et il en va ainsi chaque jour, pour chaque revue de web, immanquablement : dans la petite parenthèse qui suit la brève, on trouve le nom du site dont elle est issue[1. Rien que pour vos beaux yeux, je me suis tapé toutes les brèves de la semaine précédant le 20 janvier, ce qui n’est pas un mince exploit, compte tenu d’une ergonomie de site un rien soviétique.]. Tous les jours, donc, toutes les sources, sauf une, ce 20 janvier, celle de la brève sur Martin Parr qui semble brusquement surgie de l’hyperespace façon Alien.

Comme j’ai tendance à toujours voir le bon côté des choses, je me dis : mon gars, tu devrais être fier, grâce à toi, grâce à Causeur, Médiapart innove enfin un petit peu.

Mais à mon grand regret, je suis bien obligé de constater aussi que mon vieux camarade de jeu Edwy n’est plus aussi vigilant qu’autrefois. Du temps de sa splendeur, quand il était dans la force de l’âge et que pas une ligne de ce qui s’écrivait à l’ombre de ses saintes moustaches n’échappait à son regard d’aigle, c’est la totalité de la brève fautive qui aurait été désintégrée. Comme disait Wittgenstein, « ce qu’on ne peut pas dire, il faut le taire ». Causeur n’existe pas et ne peut pas exister, il donc est bien évident que, même amodié par le déni de la source honnie, ce lien n’avait aucune raison d’exister. Il n’a pas de demi-mesure qui vaille quand la morale publique s’appelle l’omerta.

Las, peut-être Edwy est-il trop pris par ses soucis. Car j’imagine que dans le contexte économique actuel on ne peut imputer cette baisse de tension plenélienne à de trop plantureux déjeuners d’affaires qui seraient indécents donc inconcevables quand l’ensemble du personnel de Médiapart est prié de se serrer la ceinture. Peut-être, comme la totalité de ses collaborateurs, y compris les « grandes plumes de la rédaction », est-il astreint à de fastidieuses heures quotidiennes de placement d’abonnements par téléphone, qui affectent son génie créateur et sa maestria au Pomme X[2. Ou bien à la touche delete, hein, je vais pas être raciste en pleine semaine de la diversité…].

Si l’équanimité d’Edwy Plenel et son aversion pour toute forme de règlement de compte personnel par voie de presse n’étaient pas formellement actés par tous ceux qui l’ont fréquenté, je hasarderais bien une autre hypothèse. Peut-être Edwy a-t-il cru qu’Elisabeth Lévy était animée de mauvaises intentions quand elle a souligné ici-même à quel point le métier d’oracle judiciaire était délicat, et qu’on n’y décrochait pas la timbale à tous les coups, même avec l’aide désintéressée d’un ancien Premier ministre. Mais je m’égare, la conscience incarnée de la presse française ne saurait s’abaisser à telle vendetta.

Peut-être plus simplement, un stagiaire de chez Médiapart a-t-il appliqué avec un peu trop d’empressement la règle en vigueur chez les Trois-sites-internet-d’information qui veut qu’on fasse comme si le petit quatrième n’existait pas. Une règle qu’appliquent consciencieusement la plupart des tâcherons commis à la revue de web dans les médias, et que s’appliquent encore plus scrupuleusement Médiapart, Rue89[3. On notera, néanmoins, avec satisfaction, qu’à l’occasion du dernier Parlons Net, le club de la presse Internet animé par David Abiker, et dont Richard Prasquier du CRIF était l’invité, Rue 89 a scrupuleusement cité tous les intervenants, dont Elisabeth Lévy, avec les liens vers leurs sites, comme nous le faisons toujours dans Causeur. Puisse ce sain réflexe de Pierre Haski être plagié par tous ces confrères !] et Bakchich, toujours prompts à se renvoyer mutuellement l’ascenseur[4. Nous avions d’ailleurs récemment coincé en flag Bakchich dans une affaire d’occultation similaire.]. La consanguinité, ça crée des liens, notamment hypertextes.

C’est que moi mon métier n’est pas de m’indigner mais de m’amuser.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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