Rammstein en Amérique


Rammstein en Amérique

rammstein dvd concert

Rammstein ! Ce nom claque comme un coup de tonnerre dans le ciel d’Armageddon. Les soudards de l’ex-RDA sont de retour. Leur musique de la terre brûlée ne s’est pas repue d’avoir enflammé l’Europe, il lui fallait aussi conquérir l’Amérique, continent que le combo a chanté en des termes peu élogieux en 2004. Le morceau en question, « Amerika », ne figure pas au menu de ce DVD In Amerika filmé au Madison Square Garden de New York… Pourtant, l’Amérique étant largement aussi maso qu’eux, il n’y avait théoriquement aucun problème à ce qu’ils la jouent.

Ce débarquement inversé fait sourire aujourd’hui : un groupe allemand qui s’impose sur le sol américain, dans la langue de Goethe… Une première dans l’histoire ! Bien sûr, Falco (N°1 aux Etats-Unis avec le germanophone « Rock Me Amadeus ») et les hardos de Scorpions avaient ouvert une brèche – dans laquelle se sont infiltrés les Tokio Hotel -, mais le phénomène Rammstein reste sans précédent par l’impact de son style singulier, l’ampleur internationale de sa popularité et le caractère sans faille de son parcours.

Et Dieu sait si ce n’était pas gagné d’avance, tant les particularismes régionaux vous collent aux basques, surtout si vous venez d’une contrée sulfureuse comme l’Allemagne. Car en 2015, dans l’inconscient collectif français (par exemple), l’Allemand est toujours – à quelques nuances près – le nazi de la Grande Vadrouille. Peut-être un peu plus civilisé mais toujours aussi infréquentable. Alors que du côté allemand, le couple Bourvil-Louis de Funès n’incarne plus l’idée qu’ils se font de nous, François Hollande a pris la relève dans le grand cinéma français du comique social et populaire, rien à voir donc…

Tout beautiful people germanopratin est toujours bien inspiré de se montrer germanophobe lorsqu’il s’exprime dans les médias, c’est tellement glamour. L’an dernier, l’hebdomadaire Marianne titrait : « Pourquoi l’Allemagne nous gonfle ! ». Pas étonnant, dans ce contexte, que Rammstein ait attiré à lui une certaine haine dès le départ, surtout que le groupe – en bon sextet provocateur – a eu l’outrecuidance de jouer sur la corde sensible (en utilisant notamment dans un clip – pour leur seul aspect esthétique – des images du documentaire Olympia, sur les Jeux olympiques de Berlin de 1936, utilisées par la propagande nazie). Sacrés petits filous ! Les calendriers Les Dieux du stade diffusés dans toutes nos grandes surfaces reprennent à leur compte le même concept, jusqu’au noir et blanc, sans qu’ils soient pourtant estampillés « produit dangereusement néofasciste ». Mais Rammstein ne sont pas des sportifs, et en plus, ils mangent des bretzels ! Comble du comble, l’Allemagne a inventé le hard discount… c’est toujours hard avec les allemands, à croire qu’ils le font exprès.

Que voulez-vous, ce peuple a longtemps été biberonné aux contes romantico-gothiques des frères Grimm, à la Hansel et Gretel, qui avaient valeur initiatique pour les futurs adultes amenés à être confrontés aux sorcières – masculines et féminines – du monde du travail, parfaits donc pour les préparer aux patrons anthropophages. D’où leur ponctualité, rigueur, efficacité et fiabilité légendaires. De l’aveu d’un membre de Rammstein dans le documentaire du DVD, ces qualités germaniques ont grandement contribué au succès et à la respectabilité du groupe en Amérique. Ironie de l’histoire, les Rammstein sont issus du bloc de l’Est et ont su s’affranchir d’un certain déterminisme géographique et politique, alors qu’en France, « c’est le rock à la soviétique », pour reprendre l’expression du regretté Fred Chichin, qui ajoutait : « En France, les groupes sont tenus à bout de bras par les subventions d’état. Les festivals, les tournées, les salles sont subventionnées. Chez nous, ce qui manque, ce n’est pas le matériel, ce ne sont pas les musiciens, c’est la mentalité : on ne peut pas faire du rock avec une mentalité d’assisté. »

Bien sûr, pour la finesse on repassera ou on se rabattra sur le nouvel album de William Sheller (Stylus), mais le barnum grand-guignolesque de Rammstein vaut son pesant de feux d’artifice martiaux.

Le groupe a étendu les conquêtes musicales de l’Allemagne vers le Nouveau Monde : Deutschland über à l’Ouest !

Double DVD In Amerika, de Rammstein (Universal).

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21348622_000063.



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est l'auteur de nombreux ouvrages biographiques, dont Jean-Louis Murat : Coups de tête (Ed. Carpentier, 2015). Ancien collaborateur de Rolling Stone, il a contribué à la rédaction du Nouveau Dictionnaire du Rock (Robert Laffont, 2014) et vient de publier Jean-Louis Murat : coups de tête (Carpentier, 2015).

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