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Un second tour et puis s’en vont…


Un second tour et puis s’en vont…
Elections législatives à Hénin-Beaumont, 2012. SIPA. 00638740_000009
Elections législatives à Hénin-Beaumont, 2012. SIPA. 00638740_000009

La Nuit du second tour d’Éric Pessan est, à sa manière, une exception. Il faut savoir qu’en ces temps de campagne présidentielle, le roman « électoral » est devenu un genre en soi. Le problème, c’est que ces dizaines de livres oscillent entre le documentaire, le roman à clefs, le tract antifasciste vintage, le fantasme extrême droitier de guerre ethnique, et que la littérature n’y trouve pas vraiment son compte. Pire, que ces produits seront périmés dès la mi-mai 2017 et parfois le sont déjà. Il faut donc lire La Nuit du second tour parce que ce roman est d’abord et surtout une exploration des enjeux intimes que peut provoquer le simple geste de mettre un bulletin dans l’urne. Ou, pour le dire autrement, comment la grande histoire fait l’amour, plutôt mal d’ailleurs, avec la petite.

Éric Pessan suit deux personnages, un homme et une femme, durant la nuit où l’on peut penser que le Front national a gagné les élections. Mais l’intelligence de l’auteur, c’est de ne jamais nommer la chose, plutôt d’en faire une toile de fond oppressante, légèrement désespérée, qui pourrait être la même ailleurs et à une autre époque. Une toile de fond sur laquelle se débattent David et Mina qui se sont aimés naguère. David, cadre à bout de souffle, solitaire, ne rentre pas chez lui ce soir-là, va au cinéma et retrouve sa voiture brûlée dans les émeutes. Mina, elle, a quitté David. Elle s’est embarquée, au même moment, sur un cargo. Elle a emporté Cervantès et Henri Michaux, et elle fait semblant de croire, avec le poète, que « la mer résout toutes les difficultés ». Ce qu’elle emporte avec elle, surtout, c’est la même mélancolie que David, c’est-à-dire le sentiment d’avoir raté sa vie, sans que l’on sache au juste si c’est à cause d’un défaut de fabrication que l’on portait en soi ou si c’est la conséquence de la vie dans la France d’aujourd’hui. Une France de petites soumissions quotidiennes dans des décors désenchantés, habités par une violence latente qui ne demande qu’à se déchaîner.

Éric Pessan ne répond pas à[access capability= »lire_inedits »] cette question sans doute parce qu’il n’y a pas de réponse possible. Et ce qui fait de La Nuit du second tour un grand roman politique en même temps qu’une belle histoire d’amour, c’est la mise en scène sensible de cette absence de réponse, de cette hésitation.

La Nuit du second tour, Éric Pessan, éditions Albin Michel, 2017.

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