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Pascal Garnier, comme un panda sous la pluie dans une ville bretonne

Lire en été


Pascal Garnier, comme un panda sous la pluie dans une ville bretonne
Image d'illustration Debbie Molle / Unsplash

Lire en été : au hasard des bouquinistes, des bibliothèques des maisons de vacances, des librairies, le plaisir dilettante des découvertes et des relectures, sans souci de l’époque ou du genre.


J’avais oublié, un peu, la poésie désabusée de Pascal Garnier, sa tendresse pluvieuse pour les naufragés, les solitaires, les attentifs inquiets de cette tourmente au ralenti qu’on appelle l’existence. J’avais oublié le tempo de sa phrase, ou si vous préférez ce qu’on appelle un style.

L’avantage des maisons d’arrière-saison où l’on joue les prolongations de cet étrange été, ce sont les bibliothèques de hasard, de bric et de broc où un essai d’Alain Minc de 1992 côtoie un polar ruthène entouré d’un blurb complaisant d’un critique en vue annonçant un énième : « Génial! »

Même pas au bord de la mer

Et puis, au milieu de tout ça, on retrouve La Théorie du Panda de Pascal Garnier (Zulma, 2008) et on se souvient que si on a appris à lire avec Morand, Larbaud, Proust, Céline, on a appris à écrire et paradoxalement à aimer, à prendre la mesure des souffrances contemporaines avec des auteurs du roman noir, ces Français de la génération de Manchette, ADG, Fajardie, Vautrin et aussi Prudon qui est sans doute le plus désespéré avec Pascal Garnier, justement, tous les deux pris d’une immense compassion pour leurs frères humains dans des romans testamentaires qui nous hantent longtemps.

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La Théorie du Panda, avec son héros simenonien, voire beckettien, Gabriel, qui prend pension dans un deux étoiles d’une ville bretonne même pas au bord de mer, et qui l’air de rien, devient une manière de confesseur malgré lui, est sans doute un des plus grands Garnier.

On fuit tous quelque chose

L’intrigue importe peu, et s’il y en a une, elle se résume toujours de la même manière. On fuit tous quelque chose. Un tueur, un débiteur, le temps qui file (c’est la même chose), ou une faute dont on n’est même pas vraiment coupable mais dont on ne se remet pas.
On fait des choses étranges mais cohérentes, au fond: acheter un saxo à des junkies quadra en bout de course ou cuisiner un foie de veau pour une femme avec qui on ne voudra même pas coucher, sans qu’on sache pourquoi.

D’ailleurs, chez Pascal Garnier, on ne sait rien de soi ni des autres. Pourtant on fait des efforts, ou on croit en faire.

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En attendant il pleut, des amitiés improbables naissent avec un patron de bistro en train de perdre sa femme, on se demande si on n’est pas sur le point de devenir un saint, comme ça, sans s’en rendre compte, histoire de redonner sa consistance au monde qui a tendance à se diluer sous nos yeux: « De chaque côté de la route des champs de boue s’étendent aux confins d’un horizon approximatif. C’est un paysage supposé. On n’est pas obligé d’y croire. »

Vers la sainteté

Il n’y aura pas de Pascal Garnier dans la rentrée littéraire puisqu’il est mort en 2010, à soixante ans. Les auteurs de noir, c’est à dire ceux qui ne font pas de leurs personnages des marionnettes qui jouent au gendarme et au voleur, meurent jeunes en général. La pitié pour tant d’âmes fragiles finit par les épuiser, parce qu’ils ne trichent pas et donnent leur sang, pour les faire vivre, encore un peu.

La théorie du Panda, de Pascal Garnier (Zulma, 2008)

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