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On va dans le mur, tu viens ?


On va dans le mur, tu viens ?

Allocution prononcée par Basile de Koch à l’occasion des Ves Rencontres Internationales
des Intermittents de la Pensée (Paris, 7 juillet 2008).

Merci d’avoir répondu présents à mon Appel solennel pour ces Ves Rencontres Internationales des Intermittents de la Pensée. C’est une preuve de lucidité qui vous honore. Bravo ! C’est aussi une preuve de courage intellectuel. Le thème choisi cette année ne vous a même pas rebutés. Je vous dis : « On va dans le mur ! » – et vous venez… Encore bravo !

Pourtant j’en vois qui ne sont pas là – comme disait M. Night Shyamalan. Arrêtons-nous donc un instant sur les motivations de celles et ceux qui ne sont pas venus. Manque de lucidité et de courage ? Je me refuse à y croire ! En vérité l’affaire est plus grave : ces gens-là, comme disait Jacques Brel, ne partagent pas notre vision de l’avenir ! Parmi eux, il convient de distinguer deux sous-catégories pour la clarté du débat – qui d’ailleurs, je vous rassure, n’aura pas lieu.

D’un côté il y a les optimistes irréductibles, qui ne se rendent toujours pas compte qu’on y va, dans le mur ! Ces ravis de la crèche continuent de croire à la fin de l’histoire selon Fukuyama, sans même le connaître ! Alors que ce que nous vivons, c’est l’histoire de la fin – c’est-à-dire l’Apocalypse selon Saint Jean, même sans la connaître !
Il est vrai que ce courant de pensée est aujourd’hui en perte de vitesse. Il a eu son heure de gloire pendant dix ans et quelques ; disons entre la chute du Mur et celle des Twin Towers.
Depuis, la croyance en un avenir radieux, fût-il démocratique, a tendance elle aussi à s’effondrer.
Bien sûr, vous me direz, il n’y a pas que le 11/9 dans la vie, c’est-à-dire dans la mort ! Si on va dans le mur, ce n’est pas seulement à cause du terrorisme islamiste, ni même de son parrain l’errorisme américain.

Simplement, on a ouvert la boîte de Pandore, et voilà que tout ressort :
– la famine progresse ;
– la surpopulation menace ;
– le climat se dérègle ;
– le capitalisme financier fume la moquette ;
– le soleil risque de s’éteindre dans moins d’un milliard d’années ;
– et moi-même ces temps-ci, mon genou me lance.

Faut-il pourtant se résigner à l’inéluctable ? En bon français, oui ! Mais le bon français, c’est le cadet des soucis de nos disparus de la 2e Compagnie. Ces absents-là ont une autre façon d’avoir tort. Ils prétendent – comme j’ai dû le faire au moins cent fois dans mes discours de « nègre » –, « opposer au pessimisme de l’esprit l’optimisme de la volonté » ! Moi au moins, pour écrire des conneries comme ça, j’étais payé !

En un mot, nos « optissimistes » pensent deux choses :
Un : On va dans le mur !
Deux : Rien n’est perdu, parce qu’on peut lutter !

Apparemment, voilà des glands qui n’étaient déjà pas présents l’an dernier aux IVes Rencontres des Intermittents de la Pensée, le jour où j’ai lancé ce cri de désespoir lucide et organisé : « On peut pas lutter ! » Eh bien, certains croient quand même avoir un Plan B pour éviter le mur. Les plus raisonnables d’entre eux envisagent de devancer l’appel en organisant des « départs collectifs anticipés », façon Ordre du Temple Solaire.

Et puis il y a les autres, imperméables hélas à toute transcendance ; ceux-la persistent à placer leurs espoirs dans la politique.
Certains, connus autrefois connus sous le nom de socialistes, vous diront qu’avec eux au moins, dans l’Apocalypse à venir, vos avantages acquis seront préservés.
Et puis en face, vous trouverez l’Union des Moutons de Panurge. En gros, ceux qui font confiance au Président pour résoudre tous les problèmes, et même, le cas échéant pour en créer de nouveaux.
Parce que, l’air de rien – ou presque ! – ce mec préside déjà la République, le Conseil des Ministres en bois, la Chambre d’enregistrement et le Sénat conservateur. Eh bien, il reste toujours demandeur d’emplois !

Pourtant, à ses heures perdues, le même Sarkozy – car c’était lui ! – garde aussi la haute main sur les syndicats et le patronat, la télévision publique et la télévision publicaine, l’Europe (pour six mois) et l’Union pour la Méditerranée (quand elle existera) – sans oublier son leadership incontesté sur la branche française de l’OTAN.

Face à un tel bilan (en moins d’un peu plus d’un an !), nos petits amis les œufs de l’UMP – et souvent aussi nos mamans, il faut bien le dire, – semblent persuadés qu’en cas de nécessité, Sarko-la-Menace peut devenir a tout moment l’incroyable Nick.

Par exemple, si le Président a décidé de renforcer notre engagement militaire en Afghanistan, c’est évidement pour lutter contre le réchauffement climatique. Trois mille soldats français refroidis, ce serait un début, non ? Et puis n’oublions jamais qu’une fois encore, c’est à la France de montrer la voie au monde, après la Saint-Barthélemy, la Terreur, la Commune et la Débâcle.

Plus sérieusement, je voudrais m’adresser à vous (oui, vous qui êtes présents ici ce soir ; de toute façon, je n’ai pas trop le choix.) Eh bien, laissez-moi vous dire à quel point je partage votre enthousiasme concernant les idées que je vais exprimer maintenant.

Les Français sont, paraît-il, plus de 60 millions ; et apparemment, seuls un dix-millième d’entre eux sont mûrs pour aller intelligemment dans le mur – c’est-à-dire à la manière lucide et festive que nous recommandait feu Philippe Muray.

Bref, ça ne fait aucun doute : nous sommes bien ce pusillus grex dont parle la Bible, le petit troupeau, le sel de la terre. Alors « N’ayons pas peur », comme disait feu Jean-Paul II, pillant allègrement l’œuvre de Jésus-Christ (qui entre temps, il est vrai, était tombée dans le domaine public.)
En vérité, je vous le dis : nous sommes la troisième équipe du Rainbow Warrior. Notre mission, si nous l’acceptons, consiste à faire tout péter avant que ça n’explose.

Bien sûr, c’est déjà un peu tard, et alors ? « What the fuck ? » comme disait Robert de Niro. Il n’est jamais trop tard pour rien faire ! Le pire dans l’Apocalypse, c’est la peur de l’Apocalypse. Or, cette crainte est sans objet, puisque, comme vous n’êtes pas sans l’ignorer, Apocalypse signifie révélation.
Qui a peur d’une révélation, sinon celui qui vit de mensonges ? Or c’est la vérité qui rend libre, comme disait le mec que pille désormais Benoît XVI.

La vérité, mes amis, elle consiste essentiellement à poser les bonnes questions. Et la bonne question sur l’Apocalypse (comme d’ailleurs sur toutes ces petites Apocalypses personnelles qu’on appelle la mort).
C’est évidemment la question de l’after. Eh bien, croyez-en le spécialiste que je suis : on juge une soirée a son after ! Vous-mêmes d’ailleurs, vous préférez quoi ? Une soirée qui commence bien et qui finit mal, ou l’inverse ? Eh bien, si ça se trouve, la vie c’est pareil.



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