Terrorisme islamiste : relativisons le relativisme


Terrorisme islamiste : relativisons le relativisme

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En ces temps troublés, où chaque journée apporte son lot d’exactions de l’Etat islamique et de menaces terroristes, il est salutaire de ne pas céder à la psychose. Pour ne pas sombrer dans la sinistrose, la lecture de L’Obs offre une heureuse échappatoire, dont l’optimisme est la religion et le « padamalgamisme » le vénéré prophète. Sur son site, l’hebdomadaire officiel de la social-démocratie nous délivre ainsi une info inédite : « Seul 1% des terroristes en France sont islamistes » ! De quoi rassurer les corniauds islamophobes tentés par l’amalgame terroriste = islamiste = musulman, sinon par le vote FN.

Le côté réjouissant de ce scoop vient précisément de son implacabilité mathématique, propre à effacer tous les stigmates, fussent-ils aussi profonds que ceux de Padre Pio. À l’examen de ce chiffre, on peut néanmoins se poser plusieurs questions. Si vous pensez dans les clous, vous vous demanderez d’où provient le décalage entre cette statistique rassurante et le « ressenti » des Français – à la manière d’un Aymeric Caron sermonnant François Rollin pour sa fâcheuse tendance à reconnaître les effets négatifs de l’immigration. Mais si, comme moi, vous êtes un affreux sceptique, l’explication de texte façon cours de stats de L’Obs lèvera vos derniers doutes.

Comment diable ce chiffre a-t-il été fabriqué ? Le journaliste, qui a sobrement intitulé son article « Les terroristes sont tous islamistes ? Des chiffres pour relativiser », a dans un premier temps recensé l’ensemble des attaques terroristes survenues sur le sol français depuis… 1792 ! « 2.564 attaques terroristes ont été perpétrées entre 1792 et 2013, selon la base de données Global Database of Terrorism. La plupart n’a pas fait de victime. 241 personnes ont ainsi péri dans 174 attentats. L’attaque contre « Charlie Hebdo » se positionne comme la plus meurtrière depuis 1961, lorsque l’Organisation armée secrète (OAS) avait fait dérailler un train avec des explosifs (tuant 28 personnes). »

Voici la recette apparente de cette délicieuse tambouille : récoltez deux cent ans de voies de fait, le plus souvent privées de victimes, mélangez le tout, extrayez quelques brins d’islamisme et votre ragoût relativiste est prêt !

Mais, à y regarder de plus près, le fameux « 1% » ne s’obtient pas en remontant à Mathusalem. Il suffit de se cantonner aux années 2000-2015 pour accoucher de cette donnée magique : sur près de 300 attaques terroristes, on en impute 72% aux nationalistes corses, 4% aux basques et… seulement 1% aux islamistes (je l’ai déjà écrit, mais cela va mieux en le répétant !). Le secret de cette martingale ? Il suffit de considérer sur un pied d’égalité le moindre pétard mouillé déposé devant la gendarmerie de Corte et la boucherie de Charlie Hebdo. Moralité : il y a « de quoi relativiser les propos du président du Crif, Roger Cukierman, qui a estimé que « tous les terroristes qui ont commis des meurtres dans la période récente se réclamaient de l’islam », des propos appuyés par la députée FN Marion Maréchal-Le Pen. »

Admirez le procédé. Puisque les maths ne mentent pas, Cukierman a forcément tort. D’autant qu’une députée frontiste vole à sa rescousse. Il y a des signes qui ne trompent pas.

Des esprits taquins m’objecteront qu’une calculatrice ne pensant pas, il est absurde de jeter des chiffres sur la table, sans séparer  le bon grain de l’ivraie. Ces infatigables pessimistes nargueront le bisounoursisme de L’Obs en ajoutant qu’on peut être tout à la fois un as en calcul mental et une bille en politique, a fortiori lorsque le culte des chiffres ne sert qu’à occulter le réel.

Certes, « les attaques d’islamistes demeurent les plus marquantes puisque les plus meurtrières. Depuis 2000, 249 personnes ont été tuées en Europe par des islamistes, soit bien plus que par des séparatistes basques (56 morts) ou irlandais (27 morts). » mais à quoi bon se lancer dans des décomptes macabres ? Et puisque vous avez de toute façon « 250.000 fois plus de chances de mourir d’un cancer », pas de quoi vous faire de mouron si vous croisez un barbu à l’œil torve.

Bref, on se fout de notre gueule. À quand des statistiques éthiques?

*Photo : REX/REX/SIPA.REX40310841_000005.



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est journaliste.

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