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Noël Mamère est-il islamophobe ?


Noël Mamère est-il islamophobe ?
Noël Mamère (photo looking4poetry, flickr.com).
Noël Mamère (photo looking4poetry, flickr.com).
Noël Mamère (photo looking4poetry, flickr.com).

Noël Mamère est ce qu’on appelait jadis, dans nos campagnes, un bon gars. Et sympathique avec ça. Il présentait le journal télévisé qu’on n’avait pas encore la télé couleur. Quand on en acheta une, il s’était déjà recyclé en politicien. Enfin, pas vraiment. Noël Mamère ne fait pas de politique, il s’indigne. Le raciste n’a encore rien dit, l’homophobe n’a pas parlé, le réactionnaire n’a pas encore pensé à la nouvelle vieille lune qu’il pourrait ressasser que Noël Mamère a déjà dégainé : communiqué de presse, interview dans la salle des pas-perdus du Palais Bourbon, tremolos dans la voix, le fascisme ne passera pas. Qu’elles se le tiennent pour dit, les cruelles cohortes de la France moisie : l’indignation a des moustaches et c’est Mamère qui les porte.

L’autre jour, sur LCP, Noël Mamère et l’indignation ne faisaient plus qu’un. C’était le 28 janvier à l’émission « Pile ou Face ». Le député-maire de Bègles débattait avec Bernard Debré, quand la loi sur la burqa vint sur la table. Ni une ni deux, l’élu Vert monta sur ses petits poneys et, les yeux dans les yeux de son adversaire, déclama d’un ton outré : « Moi aussi, je connais des musulmans – vous n’êtes pas le seul – avec lesquels je travaille. J’ai même une suppléante dans ma circonscription qui est musulmane. Elle ne demande pas de loi, parce qu’elle dit, comme je le dis et comme nous sommes nombreux à le répéter, que cette loi sur la burqa c’est une manière de stigmatiser à la fois sa religion et elle, qui se bat pour l’émancipation des femmes… »

Que répondre à ça ? Connaître une musulmane qui ne demande pas de loi contre la burqa : il n’existe pas argument plus solide ni rationnel. Bernard Debré laissa, professionnel, pisser le mérinos.

Mais la prose mamérienne est restée en travers de la gorge d’une certaine « musulmane ». Elle s’appelle Naïma Charaï. Elle est socialiste, conseillère régionale d’Aquitaine et suppléante du député Noël Mamère.

Et Naïma Charaï l’affirme haut et fort : elle n’est pas musulmane. Pour aggraver son cas, elle se dit totalement favorable à une loi interdisant la burqa. « Laïque et agnostique, réagit-elle sur son blog, je refuse qu’une élue – en l’espèce moi-même – soit présentée, réduite à une appartenance religieuse, bafouant ainsi le principe de laïcité. Féministe et militante associative, j’ai toujours milité pour une loi pour l’interdiction de la burqa en France. Le voile intégral est pour moi l’étendard d’une idéologie sectaire et intégriste, attentatoire à la dignité humaine. »

Dans Sud-Ouest du 15 février, Noël Mamère, parfait gentleman, réagit à la mise au point de sa suppléante : « Elle a franchi la ligne jaune. A elle d’en tirer les conséquences. »

Bref, quand Noël Mamère dit à une femme qu’elle est « musulmane », elle n’a pas le choix. Elle l’est. Si elle ne veut pas entendre raison, qu’elle se taise et démissionne. Et toutes ces histoires de choix et de liberté religieuse avec lesquelles la modernité politique nous enquiquine depuis le XVIIIe siècle ne sont que des billevesées à côté des certitudes du député-maire de Bègles.

Pourquoi M. Mamère a-t-il proféré à la télévision un aussi gros mensonge ? Comment peut-il être persuadé que Mme Charaï est musulmane ? Jamais il ne l’a vue – et pour cause – faire les cinq prières quotidiennes requises par l’islam, ni pratiquer la zakât, ni s’envoler vers la Mecque pour le hajj.

L’unique chose que sait M. Mamère, c’est que sa suppléante s’appelle Naïma Charaï : avec un nom comme ça, elle est musulmane. Délit de faciès ou délit de patronyme : on pourrait crier au racisme pour moins que ça. Noël Mamère ne s’en priverait d’ailleurs pas, lui qui fait profession depuis tant d’années de condamner les « dérapages racistes » de ses semblables.

Dérapage ? Evidemment que non. Si M. Mamère avait dérapé, il se serait empressé de présenter ses excuses à sa suppléante. Rien ne lui aurait alors coûté de lui dire : « Excusez-moi, Naïma, si je vous ai offensée. Vous êtes agnostique, je ne le savais pas. Je me suis comporté comme le premier physionomiste de boîte venu. »

Mais Noël Mamère ne s’excusera pas, puisqu’il n’a pas « dérapé ». Il nous a juste livré la vision du monde qui est le sien. Ce n’est pas un monde où chacun a la capacité de choisir sa religion, ses appartenances et ses allégeances : c’est un monde où chacun est assigné à résidence identitaire. On comprend mieux pourquoi le député-maire de Bègles a refusé avec tant de véhémence le débat sur l’identité nationale. L’identité ne peut pas être une question, dès lors que Noël Mamère a toutes les réponses.



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