Municipales : y’en a marre !


Municipales : y’en a marre !

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Ah, ça y est ! Les affiches électorales sont partout : voici venu le temps des graffitis spirituels ou orduriers, des fausses moustaches, des cornes ajoutées ça et là sur le front des candidats ; et ce qui élève l’homme bien haut dans le règne animal… la guerre nocturne des militants qui arrachent les affiches ennemies, dans l’espoir vibrant d’un grand soir – ou d’un petit matin municipal. Soyons forts.

Amour. C’est important l’amour. C’est si important que Flaubert et Julio Iglesias en ont mis plein leurs chansons. Dans le choc électoral titanesque qui oppose Nathalie Kosciusko-Morizet à Anne Hidalgo, à Paris, la question de l’amour est venue pimenter le débat. Lors d’un grand meeting de soutien à la candidate socialiste l’actuel édile Delanoë a cru bon de déclarer : « Avec Anne Hidalgo, Paris restera la capitale de l’amour »… Entendez en creux, bien entendu, qu’avec la candidate Ump le capitale deviendrait la capitale de la haine. Causeur peut vous dévoiler les projets secrets de NKM : construire une usine AZF sur le Champ de Mars, non, plutôt une centrale nucléaire, transformer les Pierrots-de-la-Nuit© en milice armée et interdire les baisers amoureux sur les bancs publics. Dur.

Chanson (1).  En France, tout commence toujours et se finit par une chanson. Cela s’est encore confirmé à l’occasion de la campagne de l’inamovible Patrick Balkany à Levallois-Perret. Ce colossal monument de délicatesse – qui est devenu la risée de la France entière il y a quelques semaines en confisquant (sans penser à l’éteindre…) la caméra d’une journaliste de BFM TV – a inspiré à ses supporters une insupportable chanson de campagne dithyrambique et involontairement bouffonne, dont la musique est reprise d’une chanson de Jean-Jacques Goldman. Le calvaire dure près de six minutes. Le texte dit « Une histoire qui recommence, un sourire quand on y pense. On est là tous ensemble, tous à la permanence, pour une nouvelle échéance » (rires enregistrés) « Levallois, c’est ta vision, une vie de passion et d’ambition »… Objectivement il est impossible de supporter plus d’une minute de cette soupe. Jean-Jacques Goldman s’est lui-même ému de cette récupération sauvage de l’une de ses chansons en « hymne » à la gloire de Balkany. Il a exigé le retrait de la chanson des différentes plateformes vidéo. Quel dommage…

Chanson (2). Comme l’a dit un célèbre philosophe d’opérette connu sous le nom de Luis Mariano dans une célèbre chanson : « La Belle de Cadix a des yeux de velours / La Belle de Cadix vous invite à l’amour ». Pour montrer qu’elle n’a rien d’une sinistre quinquagénaire, ancienne inspectrice du travail, la candidate socialiste de Cadix en fait des tonnes dans la presse… Ainsi, récemment, répondant à la question angoissée d’un lecteur du Parisien qui souhaitait savoir si la candidate socialiste aimait faire la fête, Anne Hidalgo a claironné : « Je suis andalouse, et les Andalouses ne sont pas ennuyeuses ! ». C’est toi qui le dis ! C’est surtout la fête des stéréotypes… Dans un clip de campagne en sa faveur l’indispensable comédien Charles Berling explique pourquoi il soutient la Belle de Cadix : « parce qu’elle est jolie ». Ouf, heureusement que le bellâtre ne s’est pas intéressé à son programme…

Déprime. Je connais peu de sujets qui dépriment autant les journalistes de la presse régionale que l’ouverture de la chasse et la campagne pour les élections municipales. En quoi consiste un article de presse sur les municipales ? En général il s’agit d’un papier qui évoque une liste (qui s’appellera toujours de la même manière, du genre… « Oser Boussac » ou « Vivre ensemble à Villefranche-sur-Mer »), et qui est accompagné d’une photo de groupe terriblement glamour (-> voir aussi l’entrée Police de la mode). Dans ce type d’articles il faut évidemment évoquer le programme de cette liste (qui consiste en général à améliorer la voierie et développer le rayonnement culturel de la commune en donnant une dynamique nouvelle à la Fête annuelle du pâté aux pommes de terre). S’il s’agit de la liste du maire sortant il faut faire en sorte que l’édile se félicite du travail accompli, et s’engage à poursuivre dans cette voie. S’il s’agit d’une liste d’opposition, il convient d’inclure dans l’article quelques vacheries sur l’équipe sortante (qui « n’a pas été à la hauteur des enjeux » par exemple, ou encore « qui n’a pas géré les comptes en bon père de famille »). Non, je vous assure, les journalistes de la presse régionale commencent à en avoir marre…

Élitisme. La campagne des élections municipales permet – à l’instar de certaines émissions de téléréalité – à des stars un peu décaties de revenir sur le devant de la scène. Starlettes oubliées, miss météo, animateurs ringards… Signalons d’abord que Cindy l’ex-candidate particulièrement bien pulmonée de « Secret Story » est en quatrième position sur une liste divers-droite à Villeneuve-le-Roi (Val de Marne). Celle qui est aussi passée par les émissions littéraires « Carré Vip » et « Les Anges de la Téléréalité » explique au Parisien : « Je n’ai pas du tout envie de continuer en politique, seulement que là où je vis il fasse meilleur-vivre (sic) ». Comprenne qui pourra.

Lagaf’, l’animateur de télévision boum-boum-tsoin-tsoin connu par son immortelle chanson La zoubida, est quant à lui candidat à Cavalaire dans le Var. Il figure sur la liste de  Philippe Leonelli, sous la bannière «Vivre Ensemble». L’arrêt d’une compétition de scooter des mers aurait motivé son revirement. Ca fait peu.

L’alsacienne Delphine Wespiser, miss France 2012, a accepté de figurer sur la liste du maire sortant de son village natal Magstatt-le-Bas, Lucien Bronner. Faisons le pari que sa beauté  rougeoyante attirera les foules de villageois aux séances du ConSous le soleilseil Municipal. Mais voilà une candidature qui n’est pas sans rappeler celle – de sinistre mémoire – d’Elodie Gossuin, Miss France 2001, qui défend toujours les couleurs de la droite en Picardie. Madame de Fontenay va finir par manger son chapeau.

Il faut ajouter à cela l’ancien footeux David Ginola qui s’est lancé dans la bataille des municipales en se présentant dans la ville balnéaire de Sainte-Maxime (Var) ; et Pape Diouf – ancien patron de l’Olympique de Marseille – que l’on retrouve à la tête d’une liste à Marseille. J’ajoute la très crispante Adeline Blondieau, ex-de Johnny Hallyday qui a connu son heure de gloire dans la série , durant les heures les plus sombres de la télévision française. Elle figure sur la liste UMP à Colombes (Hauts-de-Seine).

On voit bien, par là, que c’est vraiment l’élection de tous les dangers…

Frites. La frite ne vient pas d’un arbre à frites, comme le pensent une majorité d’enfants citadins décérébrés, mais de la pomme de terre. Selon les historiens français son origine est française. Selon les historiens belges son origine est belge. On la désigne de différentes manières en fonction de la taille du bâtonnet : « bûches » : section carrée de 2 cm ; « Pont-neuf » : section carrée de 1 cm ; « allumettes » : section de 0,5 cm, etc, etc. En général les frites vivent en bancs serrés à côté des moules ou du poulet. C’est pour ces différentes raisons que la candidate de la liste Parti de gauche-MRC à la mairie du XIVe arrondissement de Paris, Leila Chaibi, a choisi de faire sa campagne dans une… baraque à frites. L’AFP est allée constater les dégâts : « A l’heure de la sortie des collèges, de nombreux adolescents se pressent autour du camion, les doigts pleins de mayonnaise. Les frites sont distribuées les mercredi, samedi et dimanche. ‘Passez le tract à vos parents’, leur conseille Leila Chaibi » Devant le succès de cette opération de nombreux autres candidats du Parti de Gauche voudraient aussi se lancer dans la frite. Pour l’heure Leila Chaibi refuse de louer ou prêter son camion à frites. Nous avions la Gauche caviar, la Droite tête de veau… il faudra faire avec l’extrême gauche friture.
Kafka. J’ai appris – dans un passionnant papier du Figaro – que certaines communes du nord-est de la France, totalement rasée durant la première guerre mondiale, sans habitants ni bâtiments, avaient toujours des maires. Exemple avec le maire du « village détruit de Fleury-devant-Douaumont ». Il n’aura pas à affronter les électeurs pour être reconduit. Il est l’édile d’un village mort. Jean-Pierre Laparra explique que sa réélection dépend du Préfet : « Pour être reconduit dans nos fonctions, nous devons justifier de l’activités, des travaux effectués sur notre commune et de l’utilisation du budget ». Il y a cinq « maires » de ce type en France. Une façon de se souvenir des victimes de la grande guerre. À la fois beau et totalement kafkaïen. Les activités humaines sont fascinantes…

Moto. Parfois la pression sur un édile est trop forte, et – allant contre sa nature profonde de prédateur assoiffé de pouvoir – il décide de ne pas se représenter devant les électeurs. Oui, cela arrive, certains maires préfèrent jeter l’éponge, raccrocher les gants, limiter la casse. Un exemple nous est fourni dans une fascinante commune de Seine Saint Denis peuplée de bobos, de retraités de l’éducation nationale et de quelques prolétaires quand même : Montreuil. L’écologiste Dominique Voynet – après un mandat à la tête de la mairie – a décidé de prendre du temps pour elle. Dans un portrait que lui consacré le quotidien Ouest-France (elle s’est achetée une maison sur l’île de Groix « en cachette de son compagnon »), elle déclare : « je vais passer mon permis moto », pour « fumer le bitume ». Pas très écolo. L’étape suivante ? Le démon de midi ? La France a peur.

Police (de la mode). La commune de Brie, en Charente, a cette particularité d’être pleine de maisons, de rues et d’habitants. Une église et un monument aux morts sont aussi à signaler. Les élections municipales ont donné lieu, dans ce gros bourg, a un psychodrame d’ampleur internationale… La préfecture a demandé que la photo de groupe de la liste « Vivre ensemble à Brie » – destinée à figurer sur la profession de foi – soit refaite au motif que les couleurs des vêtements de trois colistières rappelleraient trop un symbole républicain, le drapeau tricolore. Après un long temps d’observation on entraperçoit en effet une petite dame avec un pull rouge, à côté d’une autre dame en pull bleue, à côté elle-même d’une colistière vêtue d’un imperméable blanc. La photo, publiée par Sud-Ouest, n’a rien de scandaleux. Elle est plutôt très ennuyeuse, comme la plupart des photos électorales… En réponse aux injonctions préfectorales la petite équipe s’est adonnée aux joies de Photoshop…  Le bleu est devenu mauve et le rouge prune. « La prochaine fois, on posera nu et on en profitera pour éditer un calendrier », menace Michel Buisson – tête de liste – dans les colonnes de Sud-Ouest. Dans les mêmes pages un colistier ironise : « Je ne crois pas que cette photo puisse mettre la démocratie en péril, d’autant qu’il n’y a qu’une seule liste déclarée à Brie »… Cela fait plaisir que l’argent public soit ainsi dilapidé dans cette nouvelle tâche régalienne en diable… la police de la mode !

Retour (éternel). J’allais en paix. Je ne faisais de mal à personne. Pour être précis je sortais – rieur et débonnaire comme toujours – d’un disquaire avec quelques vinyles rares de François de Roubaix sous le bras quand soudain je suis tombé nez à nez avec l’affiche de campagne d’un certain… « Dominique Tibéri » dans le V ème arrondissement. Les traits de l’individu me rappelaient quelqu’un, et son patronyme me disait quelque chose. Mais quoi ?! Qui ?! On dirait un peu le fils de l’actuel maire du Vème, Jean Tibéri… Non, quand même pas… ? Si ? Sortez les électeurs morts !

Star of the stars. (*Quizz*) Qui a déclaré en meeting ?

« Etre maire de Paris, c’est aimer les concierges et les stars, parce que les concierges sont les stars de notre quotidien ! »

a)      Linda de Suza

b)      Anne Hidalgo

c)      Jean Tibéri

d)     Dominique Tibéri

e)      Kamoulox

Zut. Avez-vous bien vérifié ? N’êtes-vous pas sur une liste du Front national sans le savoir ?! Ca arrive plus souvent qu’on ne le croit… A force de devoir virer les candidats néonazis, ayant posé devant la croix gammée, ou fans de Mein Kampf ils se retrouvent à devoir présenter régulièrement aux municipales des analphabètes, des Alzheimer, des vieillards affectés de toutes sortes de maux, des simplets, des idiots du village, d’anciens communistes, des jeunes désorientés… Ou tout simplement des gens qui n’ont rien demandé. Le phénomène devient récurrent. Méfiez-vous. Avez-vous bien vérifié ?

*Photo : MATHIEU PATTIER/SIPA. 00678936_000003.



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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