«Midi-Minuit Fantastique», l’aventure continue


«Midi-Minuit Fantastique», l’aventure continue

Enthousiasmé par le premier volume de cette réédition de l’intégrale de la mythique revue Midi-Minuit Fantastique, c’est peu dire que nous attendions avec impatience la suite. Inutile de préciser que le résultat est à la hauteur de nos espérances : beau papier, iconographie magnifique et travail éditorial parfait. A cela, il faut ajouter de nombreuses cerises sur ce copieux gâteau : une préface de la divine Barbara Steele, un hommage très émouvant de Nicolas Stanzick à Michel Caen, décédé en décembre 2014, en guise d’introduction et un « entracte » passionnant où le même Stanzick revient sur la légendaire adaptation (animée) de Dracula par Jean Boullet avec la complicité, notamment, de Philippe Druillet. N’oublions pas non plus la pause « sexy » avec de sublimes photos de la délicieuse Sylvie Bréal.

Objet somptueux, le livre est une occasion unique de nous replonger dans quatre numéros de la revue (le 10 et le 11 étant un numéro double), y compris le très recherché n°8, consacré à l’érotisme et l’épouvante dans le cinéma anglais, qui fut interdit par la censure et qui est désormais quasiment introuvable. Pour l’amateur, c’est un régal de découvrir des entretiens avec Terence Fisher, Mario Bava, Roger Corman ou de lire des articles de fond sur des cinéastes comme Michael Powell ou William Castle.

Le cinéphile pourra également s’amuser en découvrant dans les pages de ces revues des noms devenus célèbres aujourd’hui : les cinéastes Bertrand Tavernier et Yves Boisset, par exemple. Il pourra également découvrir dans la rubrique « courrier des lecteurs » des noms qui deviendront familier aux amateurs de « contre-culture » : les « brigandins » Jean-Pierre Bouyxou et Raphaël G. Marongiu qui se rencontreront quelques années plus tard et co-réaliseront Satan bouche un coin avec Pierre Molinier (court-métrage disponible dans le DVD qui accompagne le livre).

Une véritable contre-culture romantique et subversive

On ne soulignera jamais assez l’importance qu’a eu la revue pour la reconnaissance d’un genre et pour la formation d’une véritable contre-culture romantique et subversive. Si le nom de Jean Boullet a disparu des colonnes de la publication, Michel Caen et Alain Le Bris la font évoluer dans un sens plus « contemporain ». Il ne s’agit plus seulement de réévaluer les œuvres du passé (King Kong, Tod Browning, les films de la Universal…) mais bel et bien de saisir le pouls d’un genre en pleine floraison en ce milieu des années 60, surtout en Angleterre et en Italie mais aussi aux États-Unis (avec Roger Corman ou les débuts du « gore » avec Blood Feast) et même un peu en France (Franju et Pierre Kast sont célébrés).

Le style des articles est toujours aussi raffiné : parfois polémique, parfois très pointu (certains lecteurs reprochent à Alain Le Bris son « intellectualisme » lorsqu’il analyse Le Procès de Welles) mais toujours marqué par une certaine tradition allant du romantisme noir en passant par le surréalisme. Rappelons que ce n’est sans doute pas un hasard si la revue fut publiée au Terrain Vague, la maison d’édition d’Eric Losfeld qui publia également les surréalistes.

Avec le recul, ce qui frappe dans la teneur générale de la revue, c’est le refus de tout dogmatisme. Certes, le néo-réalisme en prend parfois pour son grade mais on ne sent jamais une crispation autour d’une définition étriquée du « fantastique ». À l’inverse de certains fanzines et revues d’aujourd’hui qui semblent défendre leurs prés carrés, la revue ne donne pas le sentiment d’une petite chapelle mais, au contraire, tente d’aller voir ailleurs où peut se nicher le « fantastique ». À ce titre, l’un des articles qui le plus marquant est celui où Jean-Paul Török (un des premiers critiques à avoir célébré Terence Fisher dans les colonnes de Positif) chante avec une incroyable justesse les louanges des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. A ce moment, on sent un désir de ne pas enfermer le fantastique dans les barrières rigides du genre, de la même manière, par exemple, que  Caen et Le Bris classent Le Mépris de Godard dans leur Top 10 de l’année et appréhendent ainsi la contre-culture d’une manière très large : l’insolite, l’érotisme, l’horreur sanglante, l’onirisme, la fantaisie, etc. Au-delà de l’intérêt « archéologique » de cette réédition (qui est déjà immense!), l’ouvrage nous rappelle à quel point l’approche « midiminuiste » du cinéma reste encore aujourd’hui valide et pertinente.

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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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